Auteur : Jean-Jacques Goldman
Compositeur : Jean-Jacques Goldman
Editée par : Editions I.R.G. / Duffield Music
Version originale
Année : 1998
Interprétée par : Céline Dion
Distribuée par : Columbia / Sony Music
Année | Interprète | Support | Référence | Pochette |
2002 | Collège de l'Estérel | CD Jusqu'au bout de nos rêves... | - |
On ne change pas
On met juste les costumes d'autres sur soi
On ne change pas
Une veste ne cache qu'un peu de ce qu'on voit
On ne grandit pas
On pousse un peu, tout juste
Le temps d'un rêve, d'un songe
Et les toucher du doigt
Mais on n'oublie pas
L'enfant qui reste, presque nu
Les instants d'innocence
Quand on ne savait pas
On ne change pas
On attrape des airs et des poses de combat
On ne change pas
On se donne le change, on croit
Que l'on fait des choix
Mais si tu grattes là
Tout près de l'apparence tremble
Un petit qui nous ressemble
On sait bien qu'il est là
On l'entend parfois
Sa rengaine insolente
Qui s'entête et qui répète
Oh ne me quitte pas
On n'oublie jamais
On a toujours un geste
Qqui trahit qui l'on est
Un prince, un valet
Sous la couronne un regard
Une arrogance, un trait
D'un prince ou d'un valet
Je sais tellement ça
J'ai copié des images
Et des rêves que j'avais
Tous ces milliers de rêves
Mais si près de moi
Une petite fille maigre
Marche à Charlemagne, inquiète
Et me parle tout bas
On ne change pas, on met juste
Les costumes d'autres et voilà
On ne change pas, on ne cache
Qu'un instant de soi
Une petite fille
Ingrate et solitaire marche
Et rêve dans les neiges
En oubliant le froid
Si je la maquille
Elle disparaît un peu,
Le temps de me regarder faire
Et se moquer de moi
Une petite fille
Une toute petite fille
Télémoustique : Vous avez la réputation d'écrire sur mesure pour les autres. Dans "On ne change pas", on trouve une petite fille maigre à Charlemagne, du maquillage qui la fait disparaître, un geste qui trahit qui l'on est. C'est Céline Dion ?
Jean-Jacques Goldman : C'est exactement cela, mais Céline n'est pas du tout dupe. Quand on la connaît un peu, on voit la diva et puis aussitôt la petite fille de Charlemagne qui n'a aucune confiance en elle. Ces mots sont venus en la regardant, en la voyant diva, extrêmement maquillée, puis tout à coup, elle lâche une parole ou montre une inquiétude qui prouve qu'elle n'a pas changé.
Télémoustique : Est-il facile de lui faire chanter cette fragilité ?
Jean-Jacques Goldman : Je lui ai posé la question parce que "petite fille ingrate et solitaire", toutes les chanteuses ne sont pas forcément prêtes à se souvenir de ça. Mais elle le revendique et en est même très touchée.
(...)
Télémoustique : De manière générale, est-il plus difficile de diriger pour "S'il suffisait d'aimer" celle qui est devenue la chanteuse la plus populaire au monde ?
Jean-Jacques Goldman : Non, le plus étrange était le premier album car je n'avais de rapport qu'avec sa voix. Je ne connaissais pas sa personnalité. Je m'attendais au pire mais j'ai eu plutôt de bonnes surprises. Comme beaucoup de musiciens, Céline est très humble. (...) Elle n'a pas forcément peur mais n'est pas sûre d'elle et reste extrêmement à l'écoute de ce qu'on lui dit. J'ai travaillé une fois avec Ray Charles. Je lui ai dit quelque chose et il me répond "non, c'est comme ça". On se tait évidemment. Céline n'a pas ces réactions.
Télémoustique : Le succès de Céline Dion est tel que les critiques sont timides mais on lui reproche d'avoir davantage de technique que d'émotion dans son chant.
Jean-Jacques Goldman : On va dire que je suis partial mais je suis totalement d'accord pour les disques américains. Sur les disques français, je crois qu'il y a chez nous, francophones, un attachement aux mots et donc au personnage qui est fondamental et qui biaise le jugement. Plus qu'un malaise vis-à-vis de sa façon de chanter, il y a un malaise devant ce qu'elle est. Son personnage extraverti, tellement américain, finit par irriter. Ce que je peux comprendre, qu'on la connaisse ou pas, d'ailleurs. On finit par avoir du mal à la croire quand elle chante. Dans une chanson, il y a la musique, le texte, les arrangements, la voix mais aussi l'image de l'interprète.
Goldman croit en Dion
Télémoustique N°48, 18 novembre 1998
Propos recueillis par Jean-Luc Cambier
Danielle Sommer : "On ne change pas", "Une petite fille ingrate et solitaire marche et rêve dans les neiges". Est-ce vous ?
Céline Dion : C'est moi bien sûr. Jean-Jacques me connaît bien. Quand il m'écrit un texte, je me retrouve. Parfois, cela m'émeut. Notamment cette chanson qui parle de l'enfance et de l'adolescence, la période la plus douloureuse pour moi. Je détestais l'école. La petite fille "maigre et inquiète" que j'étais est toujours en moi.
Télé 7 Jours, 5 au 11 décembre 1998
Julie Snyder : Il y a une chanson sur l'album, qui s'intitule "On ne change pas". Céline, dans cette chanson là, parle de la petite fille de Charlemagne qui est inquiète. Est-ce que cette petite fille refait surface souvent, Céline ?
Céline Dion : Moi, je pense que les gens ne changent pas vraiment. Quand Jean-Jacques m'a présenté cette chanson là, ça m'a fait frissonner beaucoup. Effectivement, chaque jour, quand je fais ces voyages, quand je me retrouve sur scène, quand je m'habille, quand j'habille les designers, quand je mets les talons hauts et que je me présente devant les caméras, c'est sûr qu'il y a toujours cette petite fille maigre qui vit à Charlemagne, qui est timide, mais qui est emballée par ces grands rêves qu'elle a dans sa tête et dans son coeur, qui veut parcourir le monde, mais qui a peur et qui est maigrichonne, en même temps, qui est toute fragile. Elle est là tout le temps. Etre une enfant, c'est des choses plein d'émotions, et des fois, c'est difficile. Une enfance, c'est difficile. Mais de chanter ça, je trouve ça formidable. Mais on ne change pas.
Julie Snyder : En quoi ça a été difficile, l'enfance, pour toi ?
Céline Dion : Je sais pas. On n'est pas sûr. Moi je n'étais pas sûre de moi, je pense que c'est comme ça pour plusieurs personnes, mais j'étais pas sûre de moi. J'étais pas belle, j'avais de grands cheveux longs, j'avais des bras plus longs que tout mon corps, j'avais de vilaines dents, j'avais un teint un peu grisonnant, j'étais pas vraiment bien habillée. J'avais l'air d'une petite pauvre. En même temps, j'étais remplie d'amour, mais j'avais pas l'air d'une fille qui était remplie d'amour, parce que bon, on n'avait pas beaucoup d'argent. Je n'étais quand même pas très bien habillée. Je ne trouvais pas que j'avais des traits très très féminins. J'étais un peu maigre. Je n'avais pas beaucoup d'amis, parce que j'avais envie de rester à la maison avec mes frères et mes soeurs. Je sais pas... Je ne me sentais pas vraiment... J'avais l'impression d'être plus grande physiquement que dans ma tête. Je n'étais pas vraiment très à l'aise avec moi. Je trouve qu'un enfant, quand j'allais à l'école... J'ai quitté l'école, je me faisais un peu abusée de moi, physiquement, genre, on me pitchait des balles de neige, parce que bon, j'avais toujours ces jupes avec ces collants. Les garçons me disaient, si tu me rapportes pas des pommes et des oranges après dîner, tu vas voir, je vais te rattraper et puis tu vas voir, ça va aller mal. Et puis moi, je prenais ça au sérieux, j'avais peur, et puis ils me pitchaient des balles de neige après les mollets, et puis je courais pour m'envoyer à la maison, et puis là, je ramenais deux trois pommes et quatre cinq oranges pour leur donner. J'avais peur ! Je me battais pas à l'école. Quand quelqu'un me poussait, je repoussais pas ces gens là, je me laissais un peu faire. J'étais un peu fragile, je pense.
Julie Snyder : C'est drôle, Jean-Jacques, parce que Céline a jamais vraiment parlé de ça. Comment vous faites pour sentir ça chez elle, parce que vous l'avez quand même pas connue, à cette époque là ! Comment vous faites pour traduire ça dans vos chansons ?
Jean-Jacques Goldman : Il y a un moment où une chanteuse en particulier est très vulnérable, c'est le moment où elle chante, où elle laisse les vernis à la porte, où elle laisse les faux-semblants, les personnages qu'elle pourrait jouer. N'importe quelle chanteuse. Elle devient ce qu'elle est, exactement ce qu'elle est, la petite fille qu'elle est, extrêmement vulnérable à ce moment là.
Un an avec Céline
TSR1, 11 septembre 1999