Auteur : Jean-Jacques Goldman
Compositeur : Jean-Jacques Goldman
Editée par : J.R.G.
Version originale
Année : 1999
Interprétée par : Patricia Kaas
Distribuée par : Columbia / Sony Music
Parce que nos cieux sont ténébreux
Et qu'ici on n'a pas la mer
On a mis le bleu dans nos yeux
C'est dans nos regards qu'on se perd
C'est peut-être à cause du soleil
Qui nous oublie longues saisons
On veut de l'or comme à Marseille
On l'a mis dans nos cheveux blonds
Je suis d'un pays d'un horizon d'une frontière
Qui sonne guerre, qui sonne éternel hiver
Et si tu veux m'apprendre si tu veux vraiment bien me connaître
Je suis dans chaque mot dans chacun de mes gestes
Une fille de l'Est
Ici le froid glace les corps
Mais la chaleur peut te brûler
Chez nous tout est intense et fort
On fait pas les choses à moitié
Et toutes ces croix, ces tranchées
Ici l'on sait le prix du sang
L'absurdité des combats quand
On est tombé des deux côtés
Je suis d'une région d'une langue d'une histoire
Qui sonne loin qui sonne batailles et mémoire
Celle qui m'a construite qui m'a faite ainsi que je suis faite
Terre et caractère au fond celle que je reste
Je suis de ces gens dignes et debout dans leur silence
Où parole est parole où promesse a un sens
Et si tu sais comprendre qui je suis quand j'aime ou je déteste
Je t'offrirai l'amour droit, simple et sincère
D'une fille de l'Est
Fabrice Guillermet : Vous chantez "Je suis dans chaque mot / Dans chacun de mes gestes / Une fille de l'Est". Vous le ressentez toujours ?
Patricia Kaas : Absolument. Ma volonté, mon côté travailleur viennent de là. Je n'envisage pas de ne pas retourner tous les ans passer Noël chez moi, du côté de Stirling-Wendel, à Forbach. Quand on voit son père rentrer tous les soirs, fatigué, du noir sous les yeux, on apprend la difficulté des choses. Dans le regard des lorrains, il y a toujours cette petite souffrance. Jean-Jacques Goldman trouve que je ne peux pas m'empêcher de mettre un peu de mélancolie dans la gaieté. Et pourtant, je fais tout pour chasser le blues.
Fabrice Guillermet : Cette chanson "Une fille de l'Est" évoque les traces de la guerre jusque dans les paysages. Avez-vous été marquée par cet aspect tragique ?
Patricia Kaas : Pour moi, la Lorraine est davantage le pays de la mine que celui des ossuaires. Les statues de mineurs sur les places de village, les roues des puits de mine qui ponctuent le paysage.
Fabrice Guillermet : A l'heure de l'Europe, que signifie être frontalier ?
Patricia Kaas : Allemands, Français, je n'ai jamais vu de différence. Ce sont les mêmes personnes. A la maison, je parlais le patois sarrois. Je suis issue d'une double influence. Le côté volontaire est celui de ma mère allemande ; le côté sensible me vient plutôt de mon père français.
Fabrice Guillermet : Cette chanson semble avoir été écrite sur mesure par Jean-Jacques Goldman. Vous entretenez avec lui une relation particulière ?
Patricia Kaas : Il me connaît par cœur. Dans ce métier, il est certainement mon unique ami. Le seul que j'appelle pour déjeuner, sans raison. Je me confie beaucoup à lui. Souvent, je lui demande conseil sur le plan professionnel, même s'il n'est pas impliqué.
Patricia Kaas : Tapis Rouge sur France 2
Télé 7 Jours, 24 au 30 avril 1999
Fabrice Guillermet : L'année écoulée, vous vous êtes encore rendue deux fois en Russie pour chanter. Quelle relation vivez-vous avec ce pays ?
Patricia Kaas : Dès le début, il y a eu un échange hors du commun. Une simple chanson, pour une émission de télévision sur la place Rouge. Dans l'instant, j'étais quelqu'un d'important pour eux. Ils m'avaient donné tout leur cœur. Qu'importe si là-bas mes disques sont piratés, je me dois de retourner régulièrement leur rendre visite. La dureté de leur vie, mes origines lorraines doivent m'aider à les comprendre. Je suis vraiment "Une fille de l'Est".
Patricia Kaas : Tapis Rouge sur France 2
Télé 7 Jours, 24 au 30 avril 1999
Gilles Médioni : De quelle façon est né "Une fille de l'Est", également signé Goldman ?
Patricia Kaas : Jean-Jacques, un ami simple, un ami cher, me connaît bien. Son authenticité m'émeut, et il y a toujours une pointe de mélancolie dans les textes qu'il m'écrit. J'ai insufflé ma vérité à "Une fille de l'Est", puisque cette fille, c'est moi. Comme le texte l'exprime, les filles de l'est de la France, et j'ajouterais d'Allemagne ou de Russie, sont "dignes et debout dans leur silence". Nous avons en commun une blancheur, une froideur, un côté introverti, l'héritage des guerres aussi…
Gilles Médioni : Les grandes guerres et les guerres de l'âme ?
Patricia Kaas : Celles des combattants de la vie, des battants. Me battre ne m'a jamais fait reculer.
Trois dames de coeur
L'Express, 6 mai 1999
François Cardinali : Avec "La fille de l'est", Goldman vous signe un portrait sur mesure ?
Patricia Kaas : Jean-Jacques me connaît bien... Un jour, il m'a donné ces paroles, si présentes que la musique n'a pas besoin d'être forte. C'est vrai qu'il y a une image des gens de l'Est, considérés comme fonceurs, francs, et qui vivent dans des régions au temps plutôt gris, avec ce passé de guerres. Ce texte résume bien mon "pays".
La Nouvelle République, 23 mai 1999
Jean-Jacques Goldman : Si j’ai fait "Une fille de l’Est", "Il me dit que je suis belle" ou "Je voudrais la connaître" pour Patricia, c’est parce que c’était elle, parce qu’elle est crédible dans ce qu’elle dit. Ça c’est important aussi que l’autre soit crédible dans ce qu’il raconte. Je ne vais pas faire à Patricia Kaas une chanson qui parle de la politique au Sénégal ou du mondialisme. Il faut que la personne soit crédible. C’est ce qui est super intéressant dans cet exercice.
Ça cartonne,
RTL, le 20 novembre 2001