 |
JJG et Francis Cabrel
|
Je voudrais vous faire part d'une petite réflexion sur Goldman et Cabrel.
Curieuse idée, pensez-vous, mais intéressante dans la mesure où
leur public est souvent le même. Ainsi on retrouve de nombreux thèmes
communs, mais qui sont traités différemment. Je vais prendre quelques
exemples :
1 - Le style de vie, la réussite sociale et personnelle
Pour Cabrel, le bonheur est à côté de nous. On va chercher
bien loin ce que l'on a depuis toujours ("les murs de poussière").
Les racines, l'attachement à une région sont très forts
("Les chevaliers cathares", "Je m'ennuie de chez moi").
Il y a une aspiration à la tranquilité, à la vie calme
("Le reste du temps", Le p'tit gars"), voire l'insouciance ("les
chemins de traverse").
Pour Goldman (surtout au début de sa carrière), la réussite
sociale prime sur tout. Même l'amour est sacrifié ("Là-bas"),
rien d'autre ne compte ("Etre le premier"). Il y a toujours cet espoir
qui fait qu'on doit s'en sortir coûte que coûte ("Envole-moi",
"Il suffira d'un signe"), même si on ne part pas avec tous les
atouts ("C'est ta chance"). Goldman est le citadin par excellence
("Back to the city again"), qui a égaré ses racines
("Quel exil") et qui a du mal à comprendre l'attachement à
une région, un village ("Il me restera", "Il y a").
Il faut donc réussir socialement, essayer tout ce qui se présente,
et parfois regretter de ne pas pouvoir "Vivre cent vies".
2 - L'amour
Pour Cabrel, il y a la chanson d'amour poétique, gentille ("Je
l'aime à mourir", "La fille qui m'accompagne"). Ce style
de chanson est une marque de fabrique Cabrel. Les chagrins d'amours, les amours
perdus, les séparations sont là aussi ("Encore et encore",
"Je reviens bientôt") et sont traités avec un style particulier
: une troisième personne intervient : "C'est écrit",
"Si tu la croises un jour"). Plus surprenant, Cabrel a parlé
de prostitution ("Comme une madone oubliée", "Leila").
Goldman y fait une allusion dans "Fermer les yeux". Cabrel semble
intéressé par la drague,l'amour facile et sans fondement solide
("Le noceur", "Samedi soir sur la terre", "Rien de
nouveau").
Goldman a changé au cours de sa carrière. Il a écrit bien
sûr des chansons d'amour ("Je ne vous parlerai pas d'elle",
"Si tu m'emmènes"...). Mais il avoue avoir du mal à
dire je t'aime, au moins dans ses chansons ("Sache que je"). Puis
il y a la désillusion, une vision assez pessimiste de l'amour ("C'est
pas d'l'amour" "Chanson d'amour"). Il y a un refus d'aimer de
façon exclusive ("Je l'aime aussi"). Il dit notamment "Je
n'appartiens qu'à moi" dans "Appartenir".
Pour la petite histoire, les deux ont consacré une chanson à
ceux qu'on croise par hasard et pour lesquels on ressent une attirance, certes
furtive mais réelle : "Vite croisée" / "Tout était
dit".
3 - L'amitié
Cabrel en parle peu, sauf dans "Les chemins de traverse".
Par contre Goldman y accorde une grande importance. Sa chanson "Je te
donne" est un vrai hymne de tolérance et d'amitié. Il y a
aussi l'amitié d'enfance qui s'arrête après une réussite
sociale ("Trop grand maintenant" pour Cabrel) ou par incompréhension
à l'adolescence ("Ton autre chemin").
4 - Le racisme, la peur de l'autre, le suicide
Les deux en parlent, surtout Cabrel ("Said & Mohamed", "Gitan",
"Le lac Huron"). Goldman reprend le thème de "Les voisins"
dans "Peur". Tous les deux ont parlé du suicide, sujet pourtant
délicat ("C'était l'hiver", "Confidentiel").
5 - La jeunesse, la société
Goldman chante l'incompréhension vis à vis de la jeunesse ("Elle
avait 17 ans", "petite fille"), l'extrémisme ("Plus
fort"), l'indifférence ("Pas l'indifférence"),
la solitude ("La vie par procuration").
Cabrel nous décrit une société individualiste ("Répondez-moi"),
la prison ("Le pas des ballerines"), la misère ("Madame
x", "Tôt ou tard s'en aller"), la vieillesse ("Le
temps s'en allait").
6 - Au niveau de la musique
Cabrel a essentiellement des musiques calmes, nonchalentes. On ne danse pas
sur du Cabrel. Ses influences (Dylan, blues etc...) se retrouvent dans ses mélodies.
Son style est dépouillé, entièrement fondé sur les
guitares. Sa musique est propre, dans le sens où tout est clair, apparemment
simple.
Goldman, selon ses détracteurs, fait toujours la même chose. C'est
vrai qu'on reconnait de suite une mélodie écrite par Goldman.
Mais ce n'est pas une critique de ma part. Quand on écoute Brassens,
on ne peut pas dire que ce soit très varié !! Goldman a un don
pour écrire des musiques populaires, faciles à retenir (moins
faciles à jouer et à chanter, du moins pour moi et les oreilles
de ma femme !!). Il sait s'adapter à des voix aussi variées que
Céline Dion, Patricia Kaas, Philippe Lavil ou Khaled ! Quant à
ses orchestrations, elles sont plus "grandioses" que celles de Cabrel,
qui reste toujours plus "pur". Goldman sait aussi rester plus "basique"
avec seulement une guitare et ça donne de belles chansons ("Quand
tu danses").
Quant aux "prouesses" musicales de chacun, je ne crois pas avoir
jamais entendu de solo de Cabrel. Cabrel se contente (façon de parler)
de l'accompagnement. Goldman aussi s'accompagne, mais il fait aussi quelques
solos. Les deux ont su s'entourer de musiciens fidèles qui les complètent
bien. Denys Lable pour Cabrel, Michael Jones pour Goldman.
Bon, vous l'aurez compris, j'aime bien les deux chanteurs. Je ne prétends
pas avoir fait une bonne synthèse de ce que font Cabrel et Goldman. Je
pense simplement qu'il est parfois bon de regarder comment d'autres (chanteurs
ou non) ont traité d'un thème abordé par Goldman dans ses
chansons.
(c) Philippe Calvet
"En
passant", la liste
24 septembre 1999
Tous droits réservés
Retour à la page précédente
-
Signaler une erreur