"Rouge"
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"Rouge"
L'Express, 13 janvier 1994
Gilles Médioni
Retranscription de Monique Hudlot
Jean-Jacques Goldman pousse le concept du rouge à l'infini. "Rouge", son dernier opus à trois voix (avec Carole Fredericks et Michael Jones), s'invente une double vie grâce à "Rouge", le livre inspiré par l'album et cosigné par Goldman (les textes, les notes), Sorj Chalandon (les nouvelles) et Lorenzo Mattotti (les dessins). L'ensemble illustre toute la gamme et l'âme d'une couleur qui s'est effacée au fil des années, comme des utopies fanées. "Serre-moi", le titre-éditorial qui ouvre le disque sur un hommage presque chuchoté à Léo Ferré, en donne d'ailleurs le "la" : "Parce qu'avec le temps, va/ Tout, dit-il, tout s'en va/ Beau camarade, nos beaux espoirs/ Parce que la triste ironie des miroirs…"
Jean-Jacques Goldman signe musiques, textes, direction artistique. Et lève le poing : la colère et la déception scandent les rimes des 12 chansons qui accusent "un président pathétique" ("On n'a pas changé"), rêvent d' "une nouvelle ère révolutionnaire" néo-Front populaire ("Rouge") et pleurent sur ces "frères douleurs du même acier dans les mêmes ventres déchirés" ("Frères"). A tout ce sang versé par les guerres - le mot "sang" hante chaque titre - il oppose paix, éthique et humanisme. C'est un album "bleu, blanc, rouge" de guitares et de choeurs (de l'Armée, des Voix bulgares), pur, violent, intense et sans faille. Sorj Chalandon, grand reporter à "Libération", prolonge les interrogations de Goldman de nouvelles implacables. Et Mattotti, ce virtuose, auteur du célèbre "Murmure" (Albin Michel), habille les ones rouges de pastels, de collages, de story-boards aux couleurs éclatantes, à la symbolique torturée. "Rouge" ou l'art de la continuité dialoguée.
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