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Télérama, 2 février 1994
Anne-Marie Paquotte
Le vert était la couleur de l'espoir ; l'espoir est (re)devenu rouge. Il n'a jamais cessé de l'être, pour cet homme aux inébranlables ferveurs. Goldman est de ceux qui n'ont pas jeté le bébé avec l'eau du bain, dont les valeurs ne se sont pas effondrées avec le Mur, qui ne s'est pas jeté dans le jeu "perso".
Il avait symboliquement choisi de partager scène et studio avec le guitariste Michael Jones et la choriste Carole Fredericks ; il publie à nouveau un album avec eux, et a formé pour l'occasion un autre trio, avec le grand reporter de Libération Sorj Chalandon et l'illustrateur Lorenzo Mattoti. Dans le livre qui accompagne le disque (on peut aussi se procurer ce dernier séparément), les chansons de Goldman inspirent à Chalandon des nouvelles concises et percutantes, à Mattoti des couleurs intensément lumineuses, irradiant de visages et de corps à la vibration charnue (textes et dessins font l'objet d'une exposition itinérante dans les Fnac, jusqu'au 26 juin).
Regards mêlés sur des vies d'hommes, de femmes, d'adolescents qui ont en commun l'élan brisé, l'espoir brimé... Tristesse coléreuse ou colère ironique ("On n'a pas changé"), générosité pudique, intuition fine imprègnent les textes, parmi les meilleurs qu'ait jamais écrits Goldman. Le titre "Que disent les chansons du monde ?" résume le propos, le pari de l'album (et aurait pu servir d'emblème à la Semaine de la chanson...) : évocation, collage sonore à l'appui, de chants de travail et de guerre, de berceuses pour les amours et les enfants, d'hymnes révolutionnaires et religieux... On retrouve sur certaines plages cette idée de la fraternité musicale, avec l'intervention des Choeurs de l'Armée russe et des Voix bulgares.
"Des vôtres" est l'autre morceau de choix de Rouge, rythmique énergétique, contagieuse ardeur de la voix. On regrette d'autant plus la faiblesse mélodique générale du disque, ses arrangements à l'efficacité convenue. Et, contrairement au précédent album, on a la nette impression que la formule du trio ne fonctionne plus. La seule voix qui nous émeut, ici, c'est celle de l'auteur.
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