"Le show de ma vie !"
|
"Le show de ma vie !"
La Presse, 17 décembre 1994
Marie-Christine Blais
Retranscription de Monique Hudlot
"Tu peux être sûre que je vais porter quelque chose de neuf, de vieux, d'emprunté et de bleu pour mon mariage ! Je crois à ça, moi, les traditions, pis inquiète-toi pas pour moi, c'est déjà tout préparé".
Céline Dion parlait avec assurance mercredi soir, une heure avant d'entrer en scène pour son "dernier show de célibataire", au profit de la recherche sur la fibrose kystique, 24 heures après son retour d'une tournée-éclair au Japon et moins de 48 heures avant son mariage.
Car c'est aujourd'hui le grand jour. C'est aujourd'hui que "notre" Céline se marie avec René Angelil, l'ex-Baronet devenu son gérant à ses débuts en 1981. Treize mois après l'annonce de ses fiançailles avec "mon ami de toujours, René" à l'occasion du lancement de son disque "The Colour of My Love" au Métropolis, la "petite fille de Charlemagne" dira oui devant Dieu et les hommes.
On sait que les deux fiancés se sont d'abord recueillis au couvent des Carmélites jeudi, sur les conseils du prêtre célébrant, Mgr Ivanoé Poirier, qu'ils se sont ensuite séparés jusqu'à ce que l'Église catholique les unisse aujourd'hui et que Céline est allée chez son fidèle coiffeur Louis. On sait que sa robe sera signée Mirella Gentile, que le costume à queue de pie de René est l'oeuvre de Roger Giunta ("Il m'a aussi fait une espèce de jabot, m'explique René Angelil. Apparemment, il a fait le mieux qu'il pouvait faire avec quelqu'un comme moi", ajoute-t-il en riant).
On sait aussi que les rues entourant la basilique Notre-Dame, où sera célébré le mariage, seront fermées à la circulation, que les quelque 500 invités auront des autobus à leur disposition pour se rendre de l'hôtel Westin Mont-Royal à la basilique et en revenir, et que le magazine 7 jours détient l'exclusivité des photos à l'intérieur de la basilique et à la réception. (NDLR : Au moment d'écrire ces lignes, les publications Quebecor - Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, Échos-Vedettes, Le Lundi et Hebdo-Vedettes - attendaient une réponse à leur demande d'injonction soumise devant la Cour supérieure du Québec pour que leurs journalistes et photographes aient accès à la basilique Notre-Dame).
Par ailleurs, les 150 chambres et toutes les salles de réception du Westin ont été réservées ; trois de ces salles seront transformées respectivement en salle de bal, en discothèque et… en casino : après tout, René Angelil est un joueur qui s'assume entièrement !
"Féerique"
"Mais il y aura aussi plein de surprises, dont moi-même je ne sais rien, m'affirme René Angelil. Par exemple, le programme musical. Je sais seulement qu'il y aura beaucoup de musique. Il va y avoir cinq orchestres différents dans l'église, dont un grand orchestre, ils vont jouer du classique, du jazz, toutes sortes d'affaires".
"Céline voulait un mariage grandiose, reprend-il. Le mot-clé, c'était féerique. Les gens de l'organisation se sont donc chargés de faire en sorte que ce soit féerique, je vous le dis. J'ai assisté, cet après- midi, à un espèce de meeting de production, comme on fait des fois avant un show. Il y a environ 200 personnes qui travaillent juste pour le mariage ! Le type qui s'occupe de la logistique, André Pérusse, fait la même job pour le "Festival Juste Pour Rire". Ben, il m'a dit tantôt que "Juste pour Rire", c'était rien à côté de mon mariage ! (rires)"
"Pour moi, ajoute Céline, mon mariage, c'est le spectacle le plus important de ma vie, parce que c'est pas moi qui va être l'entertainer, cette fois-ci. Quand je fais un show, les gens savent pas à quoi s'attendre, alors que moi, je sais tout ce qui va arriver. Cette fois, je ne saurai pas ce qui se passe "backstage", et j'en suis bien contente !"
D'amour et d'amitié
À l'instar de la majorité des Québécois, je n'ai pas besoin de faire beaucoup d'efforts pour me rappeler des grands moments de Céline Dion : sa famille de 14 enfants, ses dents écartées qui lui ont valu l'honneur d'être imitée à plusieurs "Bye ! Bye !", sa chanson "D'amour et d'amitié" qui allait devenir en 1983 le premier disque d'or jamais obtenu par un artiste québécois en France, sa soeur Claudette qui a tenté en vain de se tailler elle aussi une carrière de chanteuse, la visite du pape au Québec en septembre 1984 devant qui Céline allait chanter sa fameuse "Une colombe", ses "pôpa pis môman" qu'elle nous présente à chaque spectacle, la pochette de son disque "Incognito" en 1987 dont on se demande encore "Mais qu'est-ce qu'elle tient dans la main droite ?", le concours Eurovision qu'elle allait gagner en 1988 en tant que représentante de… la Suisse, ses pleurs chaque fois qu'elle gagnait un prix, ses incalculables Félix dont le plus célèbre demeure celui qu'elle a refusé avec fracas (Chanteuse anglophone de l'année 1990), ses dons de comédienne révélés dans la télésérie "Des fleurs sur la neige" en 1991, ses lancements en public au Métropolis, ses costumes qui sont souvent d'un mauvais goût très sûr, la crise cardiaque de René Angelil en 1992, ses larmes à l'émission "Tête à tête" avec Lise Payette alors qu'elle nous parlait de cet homme qu'elle aimait dont elle ne pouvait alors révéler le nom… Et que dire des pâtés de Maman Dion ?
En 1990, la carrière de Céline a pris un nouvel essor quand elle s'est tournée vers le marché anglophone, un essor dont seuls les chiffres peuvent nous donner une pâle idée : au pays seulement, elle a vendu 600 000 exemplaires de son premier album anglophone "Unison" (1990), 700 000 exemplaires de "Celine Dion" (1992) et 200 000 de "Dion chante Plamondon" (1991), ce dernier étant par ailleurs offert sur le marché américain. Son tout récent album, "Céline Dion Live à l'Olympia" était disque platine (100 000 exemplaires vendues) avant même sa sortie en magasin. Son duo chanté avec Peabo Bryson pour le film "Beauty and The Beast" lui a par ailleurs valu un Oscar en 1992.
Mais son plus grand succès demeure "The Colour of My Love" qui, depuis novembre 1993, a trouvé 6 millions de preneurs dans le monde, dont un million au Canada (seuls trois autres artistes canadiens peuvent se vanter d'un tel exploit) et 200 000… en Corée ! Par ailleurs, dans une de ses dernières éditions, le populaire magazine Us classait Céline Dion au troisième rang des chanteuses préférées des Américains, tout juste après Whitney Houston et Mariah Carey, mais avant Barbra Streisand ! La preuve la plus éclatante de son succès aux "Zétats" : les journaux à potins parlent d'elle et on ne compte plus les talk- shows américains auxquels elle a participé. Ce n'est pas par hasard si elle a chanté il y a quelques semaines devant le président des États- Unis, dont elle est une des chanteuses favorites…
Un album avec Goldman
Mais le prochain projet, c'est pourtant un album en français écrit et réalisé par Jean-Jacques Goldman lui-même, promis pour le mois d'avril : "C'est une merveille, me dit René Angelil. Ça va être un autre point tournant dans sa carrière. Pendant quatre mois, Jean- Jacques Goldman a lu tout ce qui avait été écrit sur Céline, avant de composer 12 chansons juste pour elle. Quand on a lu les textes, on en pleurait, tellement c'était comme si c'était Céline qui parlait. Ça m'a fait penser au temps où elle était toute petite, à 13, 14 ans et qu'Eddy Marnay lui écrivait des chansons sur mesure…"
L'album est fini, la pochette, terminée et les nouveaux mariés pourront donc se reposer sans souci pendant deux mois, en Floride, dans la maison qu'ils viennent de s'y acheter. Mais avant, le dernier grand coup, c'est le mariage : "J'ai vraiment hâte à dimanche, murmure René Angelil. Je suis sûr que je vais pleurer tout le long de la cérémonie…"
"Laisse faire l'âge!"
"Moi, je pense que ça va m'enlever bien de la pression sur les épaules, d'être mariée, m'explique Céline, aussi excitée que toutes les filles du monde à la veille de leur mariage. Il n'y aura plus personne pour se poser des questions sur notre relation, sur la différence d'âge (elle a 26 ans, René Angelil, 52)… Laisse faire l'âge ! Un coup qu'on va être marié, tous les gens qui voient notre histoire comme une affaire pas "clean" vont trouver ça plus propre soudainement…"
Marie-Christine Blais : C'est donc si important pour toi, ce que les gens en pensent ?
Céline Dion : Sincèrement, c'est très important pour moi. Il y a ben du monde qui sont venus me dire : "Écoute ben, t'es heureuse là, fais donc ce que tu veux et laisse faire ce que les autres en pensent". Inquiétez-vous pas, je finis toujours par faire ce que je veux (rires). Seulement, le public, c'est mon gagne-pain, c'est lui qui me fait vivre, je ne peux pas lui dire : "Écoute ben, je vais faire ce que je veux". Je ne suis pas de même. Moi, j'ai grandi avec du monde, je chante avec du monde, depuis toujours. C'est tout ce que je connais, comprends-tu ce que je veux dire ?
Mais pourquoi était-ce si important, un mariage religieux, au point de demander l'annulation du précédent mariage de René Angelil ? "Nous autres, on s'aime beaucoup, on est tout le temps ensemble, on a les mêmes espoirs et on se ressemble énormément, me répond René Angelil. On aurait pu continuer comme ça, c'est sûr. Mais on n'aurait pas le "seal", l'étampe de Dieu. Pis moi, je suis ben croyant et Céline aussi. J'ai déjà été marié et ça ne s'est pas terminé comme je l'aurais souhaité. Là, j'ai l'impression que je suis avec la femme de ma vie, j'ai besoin d'avoir l'approbation du Grand Boss en haut", conclut-il en montrant le ciel.
"Je me suis toujours dit que je me marierais en blanc et à l'église, reprend Céline. C'est la première fois que je me marie et je veux que ce soit la dernière. Bon, c'est vrai que René se marie pour la troisième fois. Mais je me dis "Jamais deux sans trois". Cette fois, ça doit être la bonne, hein, René ?"
Retour au sommaire - Retour à l'année 1994