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TV5, date inconnue, probablement début 1994
Interview : Philippe Cornet, Stéphane Adam, Jean-Paul Raemdonck, Michaël Evrard
L'album rouge, un album plus idéologique que romantique. Déception, trahison, corruption, Goldman n'épargne personne et se révèle un véritable homme de gauche. Goldman à coeur ouvert : interview cash.
Goldman voit "rouge", titre de son dernier disque sur les idées qui meurent et la vie qui renaît. Un disque de quarantenaire ; concerné, chamboulé, éduqué. Goldman, fils de communiste devenu chanteur, a fait son service militaire, est père de trois enfants et se présente comme un type "disponible". Et pourquoi pas ?
Feu rouge sur les virées :
Jean-Jacques Goldman : Dans la virée, il y a une espèce de don de soi... de don de soi aux autres... la capacité à dire n'importe quoi. Savoir qu'on va perdre un peu conscience et qu'on se livre, disons, à la mansuétude des autres et à leur compassion quoi, que je n'ai pas. Bon... il y a d'autres façons de s'amuser que forcément [Il rit] se rouler dans son vomi un soir d'alcool. Donc, quand de temps en temps quelques uns ont cette envie là, ils ne m'invitent pas, quoi. [Il rit un peu plus] Ils vont faire ça entre eux.
TV5 : Donc, tu ne te souviens pas de ta dernière gueule de bois ?
Jean-Jacques Goldman : Mais non... mais jamais... ça ne m'est jamais arrivé !
TV5 : T'as jamais eu une gueule de bois ? ! ?
Jean-Jacques Goldman : Non... non, non...
TV5 : C'est incroyable ça ! !
Jean-Jacques Goldman : Ben oui... qu'est-ce que tu veux. [Il sourit et baisse la tête, l'air un peu gêné et modeste]
[Voix off : Douce France ?]
Jean-Jacques Goldman : Je la connais. C'est-à-dire, j'en connais aussi les défauts et je connais aussi les épouvantables forces qui existent dans ce pays, qui ont toujours existé. Tu ne changes pas un pays d'un jour à l'autre. Ça a été la milice. Ça a été Vichy. Ça a été tout cela. Je sais que ces choses là, de replis, de réactions, d'exclusions existent encore, mais il y a toujours ces autres forces de générosité vraiment spécifiquement française qui existent.
Tu es obligé d'essuyer un "sale Juif" de temps en temps, ou un truc comme ça, mais bon... Je ne le mets pas sur un autre plan que "les Ritals au feu" ou alors "les Bretons, têtes de cons". [Il rigole] Tu vois, à mon avis, ça ne va pas plus loin que ça. Tu payes un coup au mec, et puis c'est réglé après... Tu comprends ?
TV5 : Oui, oui je comprends.
[Voix off : Jean-Jacques, fils et frère]
Jean-Jacques Goldman : Moi, j'ai l'impression que tout ce que je fais, c'est d'essayer de ressembler à mon père. Sauf qu'il ne chantait pas trop bien quoi... [L'air modeste] Bon, tu me diras... moi non plus... m'enfin... Non...oui... les valeurs sont les mêmes. L'attitude est la même. Enfin, je suis vraiment l'archétype... et je me demande si le fait que je fasse de la chanson et tout, ça n'a pas été plus ou moins... bon... bon, j'ai eu un frère qui a écrit...
[Voix off : Pierre Goldman, frère de Jean-Jacques, a milité à l'extrême-gauche pour un idéal de révolution. Il a été assassiné en 79 par un groupuscule d'extrême droite. Ses idées radicales ont-elles marqué Jean-Jacques ?]
Jean-Jacques Goldman : D'abord, j'étais très jeune quand tout ça s'est passé, donc je n'étais pas encore fini. Je ne savais pas du tout sur quelle voie j'allais, et ensuite, même en étant jeune, je ne me suis jamais senti concerné par... J'avais pas l'impression qu'en France il fallait faire la révolution quoi. Je me disais, on vit quand même... J'allais aussi à l'école... Je me disais, on vit quand même dans le pays où il fait le meilleur vivre du monde. Peut-être qu'il y a d'autres pays à changer avant celui-là, quoi. C'est probablement pas le pire.
[Voix off : Jean-Jacques père]
Jean-Jacques Goldman : J'ai reçu un papier de l'école... qui est une école normale... enfin d'État, de ma fille, de la petite, où les professeurs donc, qui ont fait une réunion de professeurs... Je sais pas si c'est intéressant ça ?
TV5 : Oui, oui...
Jean-Jacques Goldman : Bon... Qui ont fait une réunion de professeurs, qui ont imprimé un papier pour donner aux parents - ce qui prouve que c'est une vraie préoccupation - et sur ce papier il y avait trois choses : Premièrement, que les enfants dorment la nuit. Parce qu'ils arrivent le matin... ils se sont endormis devant la télé... et ils ne sont pas en état d'écouter un cours. Deuxièmement, qu'ils aient mangé avant de venir. Parce qu'ils arrivent le matin sans avoir mangé, et ils ne sont pas en état d'apprendre. Et troisièmement, même s'ils ne sont pas capables de suivre le travail scolaire de leurs enfants, leur demander le soir s'ils ont du travail à faire. Voilà, donc maintenant, on est revenu à des choses de bases qui à mon avis au Moyen-Age n'existaient pas. Parce qu'au Moyen-Age, on disait aux mômes "Maintenant, va te coucher !" Et on disait aux mômes "T'as mangé ?" avant de partir aux champs. Et le soir, on lui disait "Est-ce que tu as terminé ton travail ?" Voilà, on arrive à des choses de bases comme ça qui ne fonctionnent plus. Ça, c'est nouveau. De mon temps, les parents étaient plutôt... chiants, mais ils disaient "Bon maintenant, tu vas te coucher". ou, "Maintenant, tu vas manger". C'était peut-être trop autoritaire, mais ça existait.
TV5 : Comment tu gères ça toi, tes problèmes d'autorité à la fois dans le groupe et en dehors avec tes enfants par exemple ?
Jean-Jacques Goldman : Non... moi, j'ai pas de problème d'autorité... [Il rit un peu].
{Voix off : Politiques - Jean-Jacques voit rouge]
TV5 : Tu as été décoré par Jacques Lang ?
Jean-Jacques Goldman : Non... non mais simplement, j'étais avec lui un jour sur la chaîne musicale. Il est venu près de moi. Il m'a posé la main sur l'épaule, on était à un bar, et il y a un photographe qui est sorti du bar et qui nous a pris en photo. Et quand la photo a été prise, il est passé à un autre.
TV5 : Ah oui ? C'est sympa ça !
Jean-Jacques Goldman : Ouais...
TV5 : C'est bien !
Jean-Jacques Goldman : [Il hoche la tête. Il a les bras croisés et un grand sourire sur le visage]
TV5 : Ça te fait rêver ?
Jean-Jacques Goldman : ...C'est... C'est impensable quoi ! ! C'est impensable ! ! Hier, j'entendais à la télé... C'est l'abbé Pierre qui racontait une histoire comme ça où il avait été appelé par Balladur pour parler une heure des problèmes de logement. Quand il est sorti... [Il s'écroule de rire, et se tape le genou] ... y avait tous les photographes ! ! Je trouve ça magnifique moi ! [Il rit toujours]
TV5 : Et Tonton ?
Jean-Jacques Goldman : ...[Il redevient sérieux]... Alors la, c'est l'horreur absolue quoi !
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