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J'adore l'idée que l'amour se joue de nous
(Télémoustique, 12 décembre 2001)

J'adore l'idée que l'amour se joue de nous
Télémoustique, 12 décembre 2001
Jean-Luc Cambier
Retranscription de Monique Hudlot

Depuis toujours, Goldman met ses chansons en avant, sans en profiter pour se cacher derrière. On lui a donc demandé de s'expliquer sur ses "Chansons pour les pieds", façon de montrer que le Jean-Jacques danseur reste un penseur.

Autour de "Chansons pour les pieds", contrairement à ce qu'impriment d'importants journaux français repartis en guerre (voir "Tir groupé" plus bas), rien n'a changé sinon les variations qu'il s'impose d'apporter d'album en album. Quand le succès ne vous quitte pas depuis vingt ans et qu'il contamine les interprètes auxquels vous apportez des chansons (Céline Dion, Kaas, Hallyday, Khaled, récemment mais plus marginalement De Palmas et Noah), on devient suspect. On vous soupçonne de détenir une pierre philosophale capable de métamorphoser des disques gris en albums de platine. Au prix de quelle abomination ?

Goldman veut être un chanteur populaire. "Il est important de rencontrer les gens. Je ne fais des albums que pour cela. J'adore que mes chansons plaisent. Si je pouvais calculer cet effet, je le ferais mais ce n'est pas possible. Tout mon calcul, c'est de savoir si je dois me faire plaisir. En général, ce sont mes chansons préférées qui ont le plus de succès". Cette fois, après l'intime et dépouillé "En passant", son plaisir s'est traduit par un album à danser qui s'ouvre sur une chorale de mille voix. "Les chansons rapides, c'est à chaque fois la grande question. Plaire avec une chanson lente est plus facile et le signe incontestable du vieillissement. Je me suis rendu compte que l'album précédent était plutôt lent. Par contre, les succès ont été des chansons rapides, On ira, Bonne idée, Le coureur, Tout était dit".

On ne peut pas accuser le bluesman de "Entre gris clair et gris foncé", le tiers de l'association Fredericks-Goldman-Jones, le nostalgique slave de "Rouge" d'appliquer une recette unique. S'il possède une méthode, il ne la tient pas secrète. Les fouineurs trouveront dans le livret un remerciement aux "Pauliniens", un groupe de discussion fait de copains (une femme parmi eux) et nommé d'après le restaurant où ils se réunissent. "C'est moi qui convoque et moi qui règle l'addition à la fin. J'arrive avec une série de thèmes. On en débat et ça donne une autre dimension. C'est un brainstorming très concret. Par exemple, Il part (sur "Rouge" en 93) est l'histoire d'un amant qui part à trois heures du mat. Je leur demande : "qu'est ce qui se passe alors ?" Chacun parle de ses expériences et j'ai des éclairages nouveaux. La voiture ne démarre pas. Il neige… C'est la troisième fois que j'utilise ces réunions. Je ne l'avais pas fait pour "En passant" qui est plus personnel".

Il avoue aussi sans retenue d'insoutenables admirations pour Michael Bolton ou Status Quo. De toute façon, ce n'était pas le moment de jouer au "branché", quand le guitariste biberonné au blues-rock s'amuse de tarentelle, gigue et fanfare. "Le rock a toujours été un grand cannibale de formes traditionnelles ou de musique africaine. La Bourrée de Jethro Tull est une référence. Il y avait des trucs dans Yes, dans Genesis ou les Stones, Police avec le reggae, Branduardi qui remettait au goût du jour du traditionnel. Je m'y suis toujours retrouvé. Je n'ai pas l'impression que cet album soit si différent. Le petit cordonnier a déjà ce côté entraînant. Ce n'est pas un effet de l'âge (50 ans depuis ce 11 octobre). Je sais maintenant qu'il y a deux dates de passage dans la vie d'un homme. Trente ans était assez difficile à vivre et je pense que 60 ans est une autre étape. On entre vers la fin".

On entre dans "Chansons pour les pieds" par sa "pochette", une fois de plus tout à fait particulière, soit une boîte métallique, contenant le CD mais aussi un livret de 68 pages, dessiné et lettré par Zep, l'heureux créateur de Titeuf. "A chaque fois, je voudrais quelque chose d'orignal ou de joli. J'ai été élevé avec les grandes pochettes des disques vinyle, Jimmy Hendrix et ces images qui bougeaient, la fermeture éclair des Stones… Même chose pour les tickets de concert. Moi aussi, je suis consommateur et je préfère un beau billet qu'un truc comme un ticket de caisse. Mais je ne vais pas voir d'expos. Je ne lis pas de BD et je ne connais rien à la peinture. Donc à chaque fois, j'attends les propositions de mon équipe".

On en sort par une petite mélodie à peine cachée, enregistrée une fois le studio déserté. Remarié à Marseille en octobre dernier, ce qui lui a valu une première apparition mesurée dans la presse people (elle s'appelle Nathalie, sans doute Eurasienne, peut-être 24 ans, présente depuis quelques années dans sa vie à ce qu'on dit, etc.), Goldman n'y chante qu'une phrase qui n'appelle pas d'explication : "La vie c'est mieux quand on est amoureux". Pour les autres chansons, nous lui avons demandé un complément d'information.

"Ensemble", où se fondent 1 003 voix, dont celles de Jean-Jacques, Maxime (Le Forestier) et Gérald (de Palmas).

Jean-Jacques Goldman : Tous les ans à Alès, mille choristes travaillent le répertoire d'un auteur-compositeur qui rejoint la chorale à la fin du spectacle, Ferrat, Moustaki, moi la troisième année, puis Bécaud. Je me suis donc retrouvé à chanter "Peur de rien blues", "Puisque tu pars" et "Rouge" avec 1 000 choristes. J'étais très ému. Je leur ai dit : "un jour, j'écrirai une chanson qui s'appellera "Ensemble" et vous saurez qu'elle est née ici". Mais j'avais envie de faire un canon depuis longtemps. Quand j'étais scout, j'adorais les voix qui s'emmêlent.

"Et l'on n'y peut rien", où le coup de foudre fend les armures.

Jean-Jacques Goldman : La chanson parle du côté incontrôlable de l'amour. J'adore l'idée que quelque chose se joue de nous, de n'importe qui. J'ai vu des couples extraordinaires se fendiller sur une rencontre improbable, une petite ou bien un maître nageur. C'est fascinant. Peut-être qu'à ce couple manquait un petit plus, ce petit côté inhumain, déraisonnable…

"Une poussière", où l'homme du désert voit quelque chose arriver, bien, mal ou seulement "la mélancolie du monde".

Jean-Jacques Goldman : Je me rappelle une discussion avec Renaud sur la chanson pour l'Ethiopie. Le texte disait "victimes de nos bombes, de notre argent". Je lui ai appris, informé par mon père, que l'Ethiopie n'avait jamais été colonisée. Il n'était donc pas possible de se contenter de nous accuser sans parler, par exemple, des pays voisins qui ont des milliards grâce au pétrole. On n'est pas les seuls coupables. "Est-ce un colonial, un conquistador ? Est-ce un des nôtres qui fera pire encore ?" Sans défendre le colonialisme : il suffit de voir les exemples de l'Algérie ou Madagascar. L'Occident est mélancolique sur certains aspects, pas globalement. On se pose des questions qui n'ont pas cours en Nouvelle-Guinée ou à Ouarzazate. Eux qui souhaitent venir vivre chez nous voient débarquer des caricatures de cette mélancolie, des voyages organisés, des rallyes, des gens qui s'ennuient, qui creusent pour trouver du pétrole ou qui veulent faire le bien à tout prix. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas y aller. Je suis le premier à faire du trekking ou du vélo. Mais cette situation théâtrale pourrait leur sembler un peu rigolote si elle n'était si tragique pour eux.

"La pluie", où le mauvais temps ne doit pas empêcher de sortir dans la vie.

Jean-Jacques Goldman : C'est une chanson anti-Prozac. La douleur, la tristesse, l'échec font partie de notre vie. C'est le prix à payer pour apprécier le soleil après. Très souvent, quand on veut que les choses changent, on a l'impression que changer de contexte suffira. Le mythe de l'ailleurs est une idée fausse. Les problèmes sont les mêmes dans toutes les sociétés. Chez nous, on a même résolu pas mal de choses. Mais il faut faire la différence entre ce qui vient de nous et de l'extérieur.

"Tournent les violons", où le beau lieutenant trouve jolie la jeune servante et ne l'épouse pas à la fin de la tarentelle.

Jean-Jacques Goldman : Un jour, en haut d'une piste de ski, une femme arrive : "je veux juste vous dire que je vous ai rencontré et que vous m'avez dit… et que grâce à ça, maintenant je fais cela". Moi, je n'en avais bien sûr aucun souvenir. Ça m'a impressionné : dire quelque chose qu'on oublie mais qui reste pour toute une vie auprès de quelqu'un. La chanson va au bout de ce paradoxe.

"Un goût sur tes lèvres", où l'on se demande "combien" avant de craquer.

Jean-Jacques Goldman : C'est le même thème que "Né en 17 à Leidenstadt". Mais certains ne craquent jamais. J'aurais pu ne rien dire lors de l'hommage à Brassens mais j'étais très énervé. Maxime (Le Forestier) voulait que je chante "Mourir pour des idées". Mais je ne peux pas chanter que les idées, "toutes sont entre elles ressemblantes". Moi je ne pense pas ça. Entre un type qui, pour ses idées, meurt en fracassant les Twin Towers et ceui qui meurt en allant ouvrir une prison, je vois une différence. De plus, j'avais appris pendant l'émission que l'anarchiste, le rebelle a été au STO (Service de Travail Obligatoire). Il a donc travaillé pour les Allemands. Je ne lui reproche pas. J'y serais peut-être allé. Mais faire ensuite une chanson comme "Mourir pour ses idées", je trouve cela obscène parce qu'il a fait son métier grâce à des Jean Moulin, des gens dont les plaques étaient encore fumantes.

"Si je t'avais pas", où le jeune marié sacrifie à la chanson de genre non autobiographique.

Jean-Jacques Goldman : Cette chanson-déclaration ne couvre pas une réalité directe. Elle m'est venue en voyant un couple parfait. Je me suis demandé ce qui se passe entre eux. Il y avait déjà "Et si tu n'existais pas" de Joe Dassin ou "Que serais-je sans toi" de Ferrat. C'est une question que tous les gens qui ont vécu longtemps avec une femme peuvent se poser.

"C'est pas vrai", où l'on apprend qu'on nous ment.

Jean-Jacques Goldman : L'essentiel n'est pas de dire que Molière n'est pas mort sur scène. Ce sont les lieux communs. Mais un lieu commun réactionnaire comme "Tel père, tel fils", m'agace moins que "C'est la faute à la société" qui est une phrase qui empêche d'avancer. C'est comme un verrou. J'ai un problème avec la fausse rébellion, avec le conventionnel rebelle. Pour moi c'est l'ennemi. Il faut que certains profs sachent qu'ils ont été conventionnels en Mai 68. Ceux qui se sont bien comportés n'ont pas accepté, juste pour que les cours aient lieu, qu'on les tutoie ou qu'on fume en classe. Le problème n'était pas d'être compris mais d'enseigner. Parfois on se fâche avec nos parents parce qu'ils nous interdisent des trucs. Après, on leur sait gré de nous avoir résisté.

"The Quo's in town tonite", où rien n'est plus important qu'être à un concert de Status Quo.

Jean-Jacques Goldman : Je voulais faire un catalogue de tous les riffs de Status Quo dont je suis un fan. Cela s'adaptait au concept de l'album et j'avais été touché par l'histoire de ce gamin qui suivait le Quo partout. J'en ai rencontré un autre, fou d'Alvin Lee (Ten Years After, 67-74) dont la carrière était finie quand il est né. Après un de mes concerts, je ne veux pas être dérangé pour rester dans l'émotion. Imaginez que vous venez de voir votre film préféré. Vous sortez du cinéma et la personne qui vous accompagne dit "On n'était pas bien assis. On va manger où ?" Et vous avez juste envie de rester dans l'ambiance, les couleurs du film. Moi c'est pareil. Après un concert, je monte dans la voiture ou sur ma moto et je pars.

"Je voudrais vous revoir", où il voudrait savoir si elle vivait le même amour quand ils étaient adolescents.

Jean-Jacques Goldman : Pour moi et pour tout le monde, les histoires d'adolescents sont uniques et importantes. La nouveauté de son corps, des expériences, l'hypersensibilité font qu'entre 13 et 17 ans, il se passe des choses incomparables d'intensité. C'est souvent douloureux et très difficile à vivre. Très sincèrement, on a envie de mourir, de devenir maître du monde, l'impression qu'on ne réussira jamais rien…

"Les petits chapeaux", où ceux qui n'ont pas de chance, peuvent avoir la chance de la rencontrer.

Jean-Jacques Goldman : C'est un portrait à partir de trois filles, dont ma sœur. Ces filles qui sont dans le monde, qui ramassent tout ce qui traîne, attirées par les gens qui souffrent. Elles n'ont pas peur du monde, de la vie, de la nuit. Elles me fascinent un peu.

"Les choses", où il faut posséder des marques pour être remarquable.

Jean-Jacques Goldman : Franchement la seule chose à laquelle j'ai succombé quand j'étais jeune, c'est une guitare Gibson. J'avais l'impression qu'avec cette guitare je devenais un guitariste crédible. Maintenant j'en suis débarrassé. Ce n'est pas parce que je suis meilleur que les autres, mais mon éducation m'a vraiment tenu en dehors de ces valeurs-là. Je ne sais pas si une chanson peut servir d'éducation mais si certains pouvaient savoir que ça n'épate pas, qu'ils ont l'air un peu con dans leur survêt…

Tir groupé

A la sortie de "Chansons pour les pieds", les quotidiens Libération et Le Parisien se sont fendus d'articles vengeurs. En 85, Goldman faisait publier dans un encart publicitaire le barrage de critiques moqueuses qui avaient accompagné ses premiers succès. Depuis, ses relations avec la presse française se sont à peine normalisées. Pour "D'eux", l'album écrit à Céline Dion, il avait accepté de rencontré des médias qui ne l'avaient jamais interviewé. Mais il y avait certaines règles : ne pas faire la couverture (généralement, les "stars" veulent au contraire une couverture) et relire l'article avant parution. Aujourd'hui, il faut aussi envoyer "une lettre de motivation", sans doute une manière de faire sentir qu'il s'étonne de l'intérêt que lui portent ceux qui le méprisaient il y a peu. Précisons que la presse belge n'a jamais eu à répondre à ces exigences méfiantes. "Je ne demande jamais de quoi on va me parler. Je demande à relire les articles mais je m'engage à ne rien changer au fond, seulement ce qui serait inexact ou incompréhensible. Ne pas être en une, c'est pour des raisons personnelles. La une me change la vie quotidienne. Je ne suis pas sur scène 365 jours par an".

Évidemment, il est beaucoup question dans ses articles de l'argent du "milliardaire de la chanson" et de son hôtel particulier dans le "quartier le plus cher de la capitale" ("Effectivement je suis super riche, il y a beaucoup de droits d'auteur et de gens aux concerts"). Mais on ne parle guère de l'usage de son pouvoir en dehors d'un contrat avantageux imposé à Sony (pourquoi laisser l'argent généré par la musique à des multinationales, U2 ne raisonne pas autrement). Nous avons parfois entendu des chanteurs se plaindre d'être tenus à l'écart par la "bande à Goldman" des Restos du Cœur. "C'est une émission au service des Restos. Ce ne sont pas les Restos qui sont au service d'un artiste. Si l'actualité, c'est Alizée et Garou, si Solaar est plébiscité, qu'on les aime ou pas, on les prend. Gildas Arzel, mon chanteur préféré mais qui ne marche pas, on ne lui demande pas de venir. Si je faisais un Numéro 1, il n'y aurait pas forcément les mêmes artistes qu'aux Restos".

Bien sûr, il y a encore la démonstration imparable : Goldman a transformé le non-marketing en stratégie. Et s'il faisait du marketing, ce serait quoi ? De l'hypnose ou du bénévolat ? Il reste une remarque originale, parce que inexacte : aucun succès ne pourrait jamais rassasier un Goldman blessé par des débuts difficiles, méprisé par les médias, mal aimé du public. "Je le dirais si j'en avais souffert. Mais il y a les faits. Je sors un album en 75 avec Taï Phong. On décroche le tube de l'été (Sister Jane) et nos trois albums sont encensés par la presse rock. Après, je fais mon premier album avec Il suffira d'un signe et ça marche tout de suite. Je fais Les Enfants du rock en 82/83, donc très tôt, et le premier article dans Libé n'est pas mauvais"


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