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Nicolas Bacchus : "Ce que j'aime sur scène, c'est souffler le chaud et le froid"
Entretien enregistré le 30 octobre 2004 à Paris
Parler d'sa vie, le 3 décembre 2004
Retranscription de Anne-Caroline, Christine Artus, Denis Desmarest, Marjolaine Ferré, Jean-Michel Fontaine, Stéphanie Morel
Propos recueillis par Jean-Michel Fontaine

Petit cadeau en exclusivité pour les visiteurs de "Parler d'sa vie"

Bonjour Nicolas Bacchus !

Bonjour Monsieur Jean-Michel !

On te compare souvent à Vincent Delerm et à Bénabar…

Ah bon, qui ça ? Qui a osé ?

Plein, plein de gens, des millions de gens te comparent avec Vincent Delerm et Benabar [rires], avec lesquels tu partages le sens du texte et un humour souvent corrosifs, mais tes chansons ont une dimension d'engagement politique et social que les leurs n'ont pas, et que l'on pourrait retrouver chez un Jean Ferrat, par exemple. Comment définirais-tu ton style musical ?

Le style musical ou bien les paroles ?… eh bien, on peut faire effectivement moins daté années 70 que Jean Ferrat, et un peu plus impliqué dans la vraie vie que Vincent Delerm, mais après je ne sais pas si le croisement improbable d'un Jean Ferrat avec un Bénabar ou un Vincent Delerm donnerait un Nicolas Bacchus, je ne sais pas ! Il faudrait essayer avec des manipulations génétiques ce que ça pourrait donner. Définir, c'est difficile, j'ai essayé de faire la synthèse : j'ai été élevé à plusieurs choses : d'un côté avec du café théâtre, Font et Val, des gens qui sont vraiment dans la contestation, dans le chansonnier, et puis avec de l'autre côté des Brel, ou d'autres chansons plus écrites, plus poétiques. Moi, ce que j'aime sur scène, c'est mélanger les genres, souffler le chaud et le froid, et essayer de cueillir les gens après avoir dit une grosse blague, faire quelque chose de plus prenant, et j'essaie de faire ce mélange là. Par contre, pour Bénabar, sur scène, il montre autre chose, il envoie des petites piques plus politiques. C'est vrai que ça ne se voit pas trop dans les albums… Ce sont quand même des gens qui savent ce qui se passe autour d'eux. C'est plus dur de le montrer maintenant pour les gens qui font de la chanson actuellement et moi-même, pour écrire des chansons politiques, j'avais moins de mal il y a dix ans que maintenant, parce que les gens n'ont plus de culture historique et politique qui leur permet de voir d'emblée de quoi on parle. Il faudrait faire une introduction de dix minutes pour savoir de quoi on parle. Et après avoir dit les choses, tout le monde est tellement ancré sur ses particularismes ou identités qu'il faudrait encore dix minutes derrière pour bien expliciter, en disant, "j'ai voulu dire ça et pas ça", et ça passe en dehors du format chanson. Avant, c'était facile de faire un raccourci, de dire en trois mots quelque chose et là, ça devient plus du format de l'éditorial et de la précision sémantique que du format de la chanson et du raccourci. C'est pas seulement qu'on est plus ou moins d'un côté, mais ça devient difficile de faire simple !

Tu te rapprocherais plus de Desproges et de Bedos, quelque part…

Je m'aperçois de la tendance, que mes chansons parlent moins politique mais le baratin en parle plus, mais le côté impliqué – on va dire - est plus dans le baratin, dans les petits sketches entre les chansons qui permettent de plus développer que dans les chansons, car la chanson est un format court. Bon, après, ce sont mes idoles ! Dans le genre one-man-show, Desproges, Bedos, j'en suis loin. Mais c'est vrai que les thèmes se rapprochent plus de ce format là.

Pour mieux comprendre la conception que tu te fais de ton métier, je te propose que l'on écoute tout de suite "Vie privée", un monologue qui te permet de te présenter.

[ Vie privée ]

Dans "Vie privée", tu défends les thèmes qui te tiennent à cœur, que tu évoques dans tes chansons. J'en ai dénombré quatre :
- Les amours déçues (avec "Sens unique" ou la "Chanson de l'ami").
- La société actuelle, l'actualité (par exemple "Coupe d'immondes", "Les sans-papiers", "Les Restos").
- Un certain décalage que tu peux avoir vis-à-vis de la société (par exemple "Ma p'tite vie" ou "La cerise sur le gâteau").
- L'homosexualité, que tu évoques dans "Eva", "Ton fils", "Sale pédé" ou "Cayenne".

Ce qui me frappe, c'est que les chansons que tu as écrites sur le thème des amours déçues s'adressent vraiment à tout le monde. Est-ce une volonté de ta part de ne pas adresser ces chansons uniquement à un public homosexuel, ou est-ce une manière de démontrer que la souffrance en amour est la même, quelle que soit son orientation sexuelle ?

Au départ, ce n’est pas forcément voulu, c'est-à-dire qu’il y a des chansons que j’écris comme ça vient et si ça s’adresse à un mec, et bien voilà ! Après, effectivement, il y a la "Chanson de l’ami" ou d’autres, où c’est dommage, à cet endroit là, ça oriente complètement le truc et où j’essaie de gommer ça pour que ça devienne unisexe et où c’est appropriable par tout le monde. Et en même temps c’est une erreur parce que même une chanson comme "Ton fils dort avec moi" touche autant les hétéros que les homos, alors qu’elle parle vraiment de la rencontre entre deux gars, présentée comme une banale rencontre d’histoire d’amour. A un moment, on se rend compte que c’est avec un deuxième gars. Mais il y en a certaines où je travaille sur cette ambiguïté là et sur le fait que ça peut être appropriable sans déformation par tout le monde. Parce que c’est un peu énervant par exemple de voir des gars ou des filles changer les paroles des chansons. Moi, je ne supporte pas les gens qui adaptent les chansons en féminisant ou masculinisant les trucs comme Bruel sur "Mon amant de Saint Jean". Qu’est ce qu’il a besoin d’aller dire, "elle l’aimait tant, son amant de Saint Jean" ?! Putain, t’es chanteur, tu prends un personnage ! Ton personnage, ça peut être une fille sans qu’on soupçonne que tu es pédé ou que tu n’as plus de couilles ! Tu es un personnage, tu joues un truc ! Je vois pas pourquoi Bruel ne pourrait pas jouer une nana qui dit "moi qui l’aimais tant, mon amant de Saint-Jean". Donc, pour éviter que ça arrive à mes chansons, il y en a qui sont unisexes et qui sont chantables sans rien déformer par un mec ou par une fille et s’adressant pour les deux, soit un mec, soit une fille. Bon, après, ce n’est pas aussi systématique que ça. J’y pense quand j’écris, à un certain moment, pour qu’il reste un équilibre dans le spectacle. Je ne cherche pas à attirer un public homosexuel, ni un public militant gauchiste, ni un public de sketches (enfin, des gens qui viennent voir un bateleur ou un mec qui fait des revues de presse). Simplement, tous ces thèmes et toutes ces choses font partie de mon spectacle et je ne veux pas être que le chanteur de ceci ou de cela, mais aussi celui de ceci et de cela. Et pour l’instant, ça marche bien, quand même. Les gens s’y retrouvent, qu’ils soient directement visés ou un peu en dehors ou qu’ils soient juste amateurs de spectacles ou de chansons

Je te propose qu'on écoute la chanson de l'ami.

[ Chanson de l'ami ]

On va continuer sur les amours déçues.

On va pleurer ce matin ! [rires]

Tu rends un très bel hommage à Gainsbourg avec "La petite nuance". Quelles sont tes influences musicales ?

A la base, dans le côté provoc, c’est Font et Val et puis Renaud parce que le premier album, je devais avoir trois ans et depuis j’ai été biberonné à ça et il n’y en a pas eu un de loupé, on le retrouvait à la maison dans les jours qui suivaient sa sortie. D’un autre côté, il y a eu Brel et puis Brassens et Souchon et voilà. Beaucoup plus tard, Richard Desjardins, mais bon, là, j’avais déjà commencé à écrire des chansons. C’est cette famille là, entre la chanson libertaire, on va dire, et les espèces d’icônes, les idoles qu’on ne peut pas toucher et qui font toujours un point de référence utile quand on écrit des chansons : sinon, c’est facile, quand tu n’y connais rien, d’écrire un truc et de te dire, "tiens, c’est bien ce que j’ai fait !" et d’aller emmerder les gens avec. C’est vachement plus dur de sortir un truc quand tu connais ce qui a été fait avant et par des gens qui n’écrivaient pas n’importe comment. C'est-à-dire que ça te permet de relativiser un peu, et de se dire "bon, celle la, je vais pas la sortir tout de suite. Je vais attendre de savoir mieux écrire".

[ La petite nuance ]

Tu as à ton actif deux albums : un premier album en studio, "Coupe d'immondes", sorti en 1999, et un album enregistré en public à Toulouse en 2002, "Balades pour enfants louches". Pourquoi ce choix de présenter des chansons inédites directement sous la forme d'un live ?

Bon, le deuxième album, c’était le moment ! Et puis je voulais montrer une autre facette que l’album studio où l'on avait invité des musiciens vraiment pour chaque chanson, donc il n’y avait pas vraiment d’unité musicale. Là, on a monté un groupe exprès et qui donne cette unité à l’album, c'est-à-dire qu’il y a toujours les mêmes instruments, les mêmes formations sur tout l’album, contrairement à des albums studio où l'on invite un tel sur telle chanson, un tel sur telle autre. Et puis pour donner aussi la dimension scène, parce que les baratins pour moi c’était important, les présentations de chansons, l’articulation… J’avais montré les chansons toutes crues, j’avais envie de montrer les chansons enchaînées, et puis, disons, dans une suite logique et avec ce qu’on pouvait mettre autour, avec l’emballage qu’on pouvait mettre autour et les réactions des gens. Justement, ça permettait de pouvoir mettre des chansons qui n’auraient jamais pu avoir leur place sur un disque, comme "Le petit âne gris" par exemple, ou "Josy", des trucs qui ne marchent… qui sont des chansons de scène, quoi ! Et en même temps qui ont quand même pour moi un intérêt. Puis elles avaient leur place sur un disque, donc la solution c'était de faire un live. Le prochain sera en studio, parce que les chansons sont plus "musicales", on va dire… J'ai envie de les habiller vraiment, chacune avec une personnalité différente. Pour le deuxième album, j'avais vraiment envie d'une unité : qu'on voit ce que c'est que Nicolas Bacchus sur scène de a à z...

Ton but, en spectacle, n'est pas uniquement d'interpréter des chansons. Entre chaque titre, tu délivres des messages, des "baratins" comme tu dis… Pendant parfois, deux, trois, voire quatre minutes, c'est énorme ! D'ailleurs, on retrouve ces messages sur "Balades pour enfants louches". Sur ton site également, on trouve des bonnes et des mauvaises humeurs liées à des thèmes d'actualité qui te touchent. As-tu envie de t'impliquer plus profondément dans la vie de la cité, comme Zebda a pu le faire à Toulouse avec le mouvement "Motivés" ?

Je l'ai fait, déjà. Là, depuis que je suis à Paris, j'ai eu moins de… J'y suis arrivé vraiment pour la musique, donc je me suis appliqué surtout à la musique, la recherche de contacts. Mais sinon, à Toulouse, j'ai participé à la recréation d'"Act Up Toulouse" qui avait périclité quelques temps avant, on avait créé un mouvement qui s'appelait "Chiche", enfin une antenne d'un mouvement qui s'appelle "Chiche", qui était issu à la fois des jeunes verts et des alternatifs, qui était un mouvement de jeunes écolos alternatifs et solidaires, si je me souviens bien… Et puis voilà, j'étais avec les manifs qu'il fallait à Toulouse. C'est vrai que j'ai un peu perdu ces réseaux-là quand je suis arrivé à Paris. Je suis en train de me les refaire petit à petit et je commence à être autant sollicité maintenant que je l'étais à Toulouse pour aller faire des soirées de soutien, des trucs gratuits… En général, quand on me dit "c'est un concert militant !", alors je dis "oui oui, vous voulez dire que c'est un truc pas payé, c'est ça ?". Voilà, et c'est ça… [rires] Mais bon voilà, ça recommence ici, et puis de toute façon je ne me suis jamais vraiment senti… Tu dis "Est-ce que tu as envie de t'impliquer plus profondément dans la vie de la cité ?", je ne me suis jamais senti très désimpliqué de la vie de la cité, quoi ! A part comme tout le monde, qui fait ce boulot-là ou un autre d'ailleurs, quelques périodes de rush où je suis le nez dans le guidon et où là je ne m'aperçois même pas de ce qui se passe autour.

[Allez l'ami ]

Tu as choisi comme pseudonyme Bacchus, le dieu romain, du vin, et du délire mystique, pourquoi ?

C'est sûr qu'après la chanson qu'on vient d'écouter, on peut se demander pourquoi ! Parce que celle-là, c'était à la manière de Brel… Mais Bacchus, ce n'est pas que le vin ! C'est aussi le dieu de tous les délires, de la fête, des orgies, des garçons, des filles et de tous les plaisirs de la vie. Et donc, au départ c'était un surnom dévié de mon vrai nom et puis par des mômes qui lisent Astérix, et qui finissaient tous leurs mots en "us" - le premier devait même pas savoir qui était Bacchus. Ça m'est resté comme surnom et puis quand il a fallu choisir un nom de scène, ce côté libertaire, libertin, pouvait être facilement assumable par rapport à ce que je chantais, et donc, je l'ai gardé. Ça sonne et puis les gens le retiennent et puis banco !

J'ai l'impression que tu cherches à brouiller les pistes en permanence en fait…

Mais non, je suis transparent comme de l'eau de roche ! [rires]

[rires] Certaines de tes chansons pourraient plaire aux gauchistes, d'autres au public gay, d'autres aux amateurs de "chansons françaises à texte" - comme on dit aujourd'hui - mais tu as l'art de toujours remettre en question ce qui semblerait acquis, d'être au moins aussi exigeant avec ton public que tu ne l'es avec toi-même. Est-ce qu tu n'as pas peur de te mettre tout le monde à dos, en fait ?

Ce serait de la gourmandise, déjà ! [rires] Et puis c'est le fait que je chante pas que pour une personne, pour un type de public, en excluant les autres. Je peux essayer de montrer aux gens que c'est pas parce qu'ils sont ceci ou cela qu'ils ne peuvent écouter que des chansons qui parlent de ceci ou de cela. On dirait qu'on ne peut chanter ou qu'on peut s'exprimer que sur quelque chose sur lequel on est concerné. Bon, quand je chante une chanson qui parle d'amour homosexuel, je suis homo, ça va, c'est accepté, et pourquoi je ne pourrais pas chanter une chanson sur les sans-papiers, il se trouve que je ne suis pas sans-papiers, mais je peux aussi m'y intéresser, quand même ! Pour moi, une des victoires d'Act up, ça a été le moment où cette asso, montée par des gays, séro-positifs, mecs, a été dirigée par une fille, séro-négative, hétérosexuelle. A ce moment-là, on peut commencer à se demander, "et si SOS racisme était dirigé par un blanc français de souche ?". On a quand même le droit de s'occuper d'autre chose que ce qui nous concerne directement. Voilà, il ne faut pas avoir l'impression de ne pouvoir chanter que pour un type de gens et c'est pas brouiller les pistes en leur disant : "eh, tu peux regarder à côté de tes œillères et voir qu'il se passe autre chose que tes petits problèmes à toi". Alors soit on peut dire, "il ratisse large et il essaie de ramasser des petits bouts de public à droite à gauche…".

… et ce n'est pas ce que tu fais…

…il se trouve que c'est ce qui se fait à la longue dans la réalité, mais ce n'est pas pour aller racoler que je vais me dire : "tiens, il y a cette frange de public que je n'ai pas eue, je vais faire une chanson sur… par exemple, les gauchers qui ont les yeux verts…" parce qu'il y a une communauté qui n'a pas été touchée par la chanson et je vais ramasser du public. Non, il y a des gens que ça énerve parce que je ne parle pas que de ça, et d'autre chose que de ça… Le tout est de rester subversif ou provocateur, y compris dans le public que l'on peut se croire acquis. C'est à dire d'aller titiller un gauchiste là où il ne s'attend pas à être titillé, là où il ne s'attend à rester dans son fauteuil et se moquer des autres et pas de lui.

Et rester subversif, c'est aussi dire à un public militant, par exemple, que la CGT n'a pas été clean pendant l'histoire d'AZF à Toulouse et que de mettre toujours le travail en avant, et d'être prêt à bosser pour n'importe qui du moment que ça fait de l'emploi. Bosser pour un marchand d'armes, ou pour un fabricant de chocolat, eh bien c'est pas la même chose ! Ce genre de discours, c'est rester en éveil, y compris devant un public qu'on pourrait se croire acquis.

Moi, ce qui me plaît, dans ton spectacle, c'est qu'on se pose plus de questions sur pleins de thèmes auxquels on n'avait jamais pensé avant, que tu ne pourrais apporter de réponses. Ce qui est bien, c'est que tu apportes les questions…

…Et bien, j'en suis ravi, c'est le but.

… Alors que certains chanteurs essaient de convaincre les autres qu'ils ont les réponses. Il y a des chanteurs qui font l'émission "7/7" pour dire "la pauvreté, c'est pas bien", "les gens qui meurent de fin, c'est pas bien"…

Le malheur, le malheur… Une fois qu'on a dit ça, qu'est-ce qu'on fait ? Pourquoi c'est comme ça, bon, bref !

On va prendre un exemple précis, "Les Restos", qu'on va écouter dans un instant. Sur l'album live, le titre est précédé par un soliloque sur le charity business et tu parles notamment des différences qu'il peut y avoir entre la soirée annuelle des Enfoirés qui est diffusée sur TF1, qui elle est très rassembleuse, et des petites soirées organisées sur le terrain.

Oui, mais cette chanson, c'est une grosse blague en fait ! C'est plutôt du vécu, parce que c'est vrai que quand on fait des soirées de "charité" pour des asso comme ça, dans des petits villages ou des comités locaux, c'est organisé par des gens qui n'ont pas l'idée de ce que peut être un spectacle, ils font ça comme ça pour la première fois, c'est plein de bonne volonté, et plein de bonnes intentions, mais on se retrouve parfois dans des conditions bizarres : les gens ne sont pas là pour écouter, ou voir ce qui se passe sur scène… Il y a par exemple, la maison d'handicapés d'à côté qui a amené le car, et c'est vrai que les seuls qui font un peu d'ambiance, c'est le trisomique de passage qui danse tout seul devant la scène.

Cette chanson, c'est plutôt une photographie, c'est Serge Scotto, un auteur marseillais, qui a écrit ça, et j'ai trouvé ça vachement bien vu, et j'ai rajouté une petite touche d'ironie à la fin pour dire que les mongoliens ne sont pas toujours ceux qu'on croit, dans les publics des grands concerts. C'est anecdotique ! Après, le petit baratin avant, c'est pour montrer le décalage entre le côté paillette que peut prendre le charity business, et le message qu'il vaut mieux voir le chanteur que la cause qu'il défend.

Bon après, il ne faut pas généraliser parce qu'il y a des tas d'autres causes et d'organisations différentes qui font quand même que les gens arrivent à mélanger le côté militant et le côté festif sans que l'un passe avant l'autre. Je pense au festival du vent à Calvi, ou aux Motivés à Toulouse. Il reste quand même les deux. C'est pas ou tout l'un, ou tout l'autre. C'est pas parce qu'on va s'amuser à un concert qu'on a complètement oublié la cause qui va avec ou parce qu'on défend une cause qu'on doit s'emmerder. Oui, il faut nuancer… Le baratin, ça fait rire, je pose quelques petites questions et quelques piques aux uns et aux autres dans les deux sens, mais c'est plutôt une grosse blague, ça ne va pas chercher trop loin.

Sur le fond, ça reste vrai. Je me souviens qu'il y a dix, douze ans Goldman ramait vraiment pour convaincre les gens de venir avec lui pour chanter pour les Restos…

… Maintenant c'est l'inverse…

... Et puis maintenant , non seulement les gens se battent pour en faire partie, mais quand ils n'en font pas partie, ils se lâchent dans la presse en disant : "c'est une mafia, Goldman ne veut pas de moi", c'est triste d'en arriver là !

Oui c'est vrai, chacun a des intérêts différents.

On va écouter "Les Restos".

[ Les Restos ]

A propos de "Ton fils (dort avec moi…)", tu dis qu’elle a aidé de jeunes homosexuels à effectuer leur "coming out". Avant qu’on ne parle de cette chanson, je te propose qu’on écoute des réactions des parents dont tu parles dans un soliloque qui s’appelle "Christine Boutin et moi".

Allons-y !

[ Christine Boutin et moi ]

Quels conseils donnerais-tu, ou donnes-tu d'ailleurs peut-être, à tous ces jeunes qui ne savent pas comment annoncer leur homosexualité à leurs proches ? – là, ce serait très intéressant qu'on ait une caméra pour voir ta réaction... [rires]

Quel conseil je leur donnerais... ? Et bien, démerdez-vous, comme tout le monde ! [rires] Non... mais c'est difficile de donner des conseils généraux parce que, d'une part, les parents ou l'entourage ne sont jamais les mêmes ; d'autre part on se plante tout le temps sur l'attente qu'on a des réactions d'untel ou untel, c'est-à-dire qu'on redoute la réaction d'un que l'on ne sait pas très tolérant et qui va le prendre comme une lettre à la poste. On ne redoute pas du tout la réaction de quelqu'un qui nous paraît ouvert, y compris sa mère ou son père, y compris des gens proches que l'on croit connaître... Et puis c'est avec celui-là ou celle-là que ça se passe le moins bien. Et en plus, ça dépend de ce que chacun ressent, si on en ressent le besoin. Il faut déjà en ressentir l'envie et le besoin avant de le dire. Ça ne sert à rien de le dire juste pour le plaisir, comme ça, pour voir ce que ça va faire – c'est pas dans le disque, mais maintenant je le dis en concert : "Voilà, pour mettre de l'ambiance dans un repas de famille, vous devriez essayer... Ça n'a même pas besoin d'être vrai. Même si vous n'êtes pas homo, allez-y, dites-le, ambiance assurée !" [rires]. Bon, c'est pour rire, mais c'est un peu pour montrer ça : c'est pas la peine d'aller comme ça au casse-pipe, ou pas d'ailleurs, juste pour rire ; il faut vraiment en ressentir le besoin. La conséquence évidente, et que tout le monde a pu ressentir, que ça se passe bien ou que ça se passe mal, c'est que c'est quand même une libération énorme d'apparaître tel qu'on est et d'être reconnu pour ce qu'on est par les gens qui nous sont le plus proches et avec qui on a le plus envie de partager ça, y compris quand ça se passe mal. C'est quand même une libération parce que ça change les rapports dans une famille, au moins dans un premier temps, mais pas forcément très profondément, mais au moins, on a l'impression d'être en phase avec soi et avec les autres. Après, quand je dis ça, on ne sait pas quelle va être la réaction d'untel ou untel. Tu as toujours un mec en face qui dit "oui, non, mais moi c'est pas pareil parce que, moi, mon père, il est vraiment comme ça...". Oui, d'accord, tout le monde dit "et moi c'est pas pareil" parce que pour personne ce n'est pareil, sauf qu'il y a un truc auquel on ne pense jamais : c'est un domaine dont on ne parle pas, c'est-à-dire qu'on peut prévoir la réaction de ses proches ou de ses parents sur... je ne sais pas, moi... la défaite d'une équipe de foot ou sur n'importe quel sujet qui est rabâché à la télé, ou dont on a déjà parlé, mais du point de vue de l'intime, c'est quelque chose qui est quand même rarement abordé dans les relations parents / enfants, du point de vue de la sexualité par exemple, et ça, dans la mesure où c'est un sujet qu'on n'a pas abordé, on n'en a aucune connaissance : on ne sait pas comment nos parents font l'amour, s'ils font ça comme des fous en hurlant partout et en s'accrochant aux rideaux avec des tas d'accessoires, ou s'ils font ça en éteignant la lumière et en faisant le moins de bruit possible, tu vois ? Et pour tout ce qui touche à la sexualité et à l'intime, on n'a aucun moyen, autre que celui de transposer ce que l'on connaît d'eux, dans le domaine social, dans le domaine intime. Or, chacun sait bien qu'on n'est pas du tout pareil et qu'il peut y avoir des différences énormes entre ce qu'on est socialement et ce qu'on est intimement, nos fantasmes, etc... Et moi j'explique ça comme ça, le fossé qu'il y a entre les attentes qu'on peut avoir des réactions des uns et des autres et puis leurs réactions réelles, parce qu'on ne sait pas en fait ce qu'ils en pensent, y compris quand tu entends quelqu'un de ta famille qui braille à la télé quand il y a la Gay Pride : "Ouais, ces pédés, etc...", et qui n'aura pas la même réaction, parce que c'est pas pareil, c'est les autres ; c'est pas son fils, c'est les autres ; son fils est parfait, et même s'il est pédé, finalement, c'est lui qui va réagir le mieux parce que les pédés de la télé ce ne sont pas les mêmes. C'est comme "Je n'aime pas les Arabes, mais Mohammed en bas qui tient l'épicerie, ce n'est quand même pas pareil".

Mais à l'inverse ça me fait penser aux réactions dans le sketch de Muriel Robin... "Moi je ne suis pas raciste mais je n'en veux pas chez moi"...

Il y a aussi ça. Le pédé, c'est l'autre.

Cela peut être ça... "Non, non, je n'ai rien contre les homosexuels, ils font ce qu'ils veulent... ah, quoi ? Toi, tu l'es ?!... Tu ne fais plus partie de ma famille"...

Il y a ça... bon, en général, ça revient vite en arrière parce qu'on s'aperçoit de ce qu'on perd. On s'aperçoit de ce qu'on gagne de soi de dire "non, je reste ferme sur mes positions". On s'aperçoit aussi de ce qu'on perd... enfin, ça ne change rien, c'est ton fils quand même... Voilà, il peut y avoir des crises, il peut ne pas y en avoir du tout, mais c'est "Je rejette tant que c'est l'autre"... de toutes façons, le pédé, c'est l'autre, ton fils, c'est pas pareil. Guy Bedos avait un sketch comme ça dans les années soixante-dix, quatre-vingts... – 1981, ça devait être, au Théâtre du Gymnase. Il donnait les résultats d'un sondage dans lequel il y avait des questions de société, des questions super tordues du style "Accepteriez-vous que votre fils partage un appartement avec un homosexuel ?", et Bedos faisait remarquer : "Attention, le pédé, c'est pas le fils. Le pédé, c'est l'autre ! Le fils, lui, il passait par là, il était là, il était dans l'appartement..." - [rires] – "... on ne sait pas pourquoi, mais le pédé c'est l'autre !". Et il y a toujours ça dans les réactions des parents qui veulent garder un peu de distance avec ça, ils peuvent toujours se dire que... voilà... Le conseil, c'est de faire quand même selon son envie et le besoin qu'on a de s'exprimer à ce moment, et puis de ne pas trop craindre les réactions parce que, d'une part, on ne peut absolument pas savoir ce qu'elles vont être, et d'autre part, si on en a besoin, c'est au moins être soi-même en face de gens auxquels on tient. Et puis quoi qu'il arrive, c'est une libération.

Je te propose qu'on écoute une très, très belle chanson d'amour que l'on retrouve d'ailleurs sur les deux albums, en version studio et en version live : "Ton fils dort avec moi".

[ Ton fils (... dort avec moi) ]

Au début de notre entretien, je disais que l'un de tes thèmes de prédilection était un certain décalage vis-à-vis de la société, un certain degré d'asocialité. Pourtant, si je ne m'abuse, tu es fils de profs, tu as fait des études de droit, de psychologie, tu as été éducateur spécialisé pour ce qu'on appelle pudiquement des "cas sociaux" ?

Oui.

Et quand tu écris des chansons comme "La cerise sur le gâteau", j'imagine que ce n'est pas 100% autobiographique ?

Non, surtout que celle-là, ce n’est pas moi qui l’ai écrite, ni parole, ni musique, mais je la chante, donc je l’assume. Ce n’est pas asocial, c’est plutôt la veine des chansons à la Brassens : "des cons sous mon balcon", enfin, ça fait vraiment directement référence à une chanson de Brassens, ça reprend "Petit inventaire" : l’ami qui t’invite au mariage, le service militaire, enfin, là c’est vraiment les grands thèmes de la chanson classique, un petit peu, comment dire, "provoc", sur les grands thèmes, les flics et les curés. Donc, c’est une réécriture, plutôt un hommage en fait, je ne crois pas que ce soit vraiment asocial et que ce soit incompatible avec une vision d’éducateur spécialisé ou de quelqu’un qui s’implique dans le social justement pour essayer de limiter les dégâts de ce qu’une société normée peut faire à ses enfants.

On va écouter "L'heure des goûts et des coups", où tu mélanges habilement autodérision, humour vache et une chute pleine de tendresse…

Qui n’est pas autobiographique non plus, précisons-le.

[ L'heure des goûts et des coups ]

J'aimerais parler un peu de tes méthodes de travail. Tu es auteur-compositeur, parfois seulement auteur, parfois seulement compositeur. Souvent interprète. Comment te viennent les chansons ? Par exemple, est-ce que tu écris sur une musique, est-ce que tu composes sur un texte ?

Alors, c’est d’abord le texte, c’est sûr, que ce soient les miens ou non, comme pour la plupart des gens qui essaient de dire des trucs pas trop cons en fait. Parce que si la musique rajoute deux syllabes, on n’a pas forcément deux syllabes à rajouter, si on a deux syllabes de moins il faut que la musique s’y plie et on la fera plier parce que c’est ça qu’on veut dire et pas autre chose. Je ne sais pas s’il faut généraliser comme ça mais en tous cas, je ne sais pas faire autrement. Ça part donc souvent du texte, que ce soient des textes que j’écris ou que je choisis et après je m’y accroche. Comment viennent les chansons ? De plus en plus difficilement car au départ, le temps était à peu près équilibré entre ce que je passais à chercher des concerts, à chanter, à avoir une disponibilité, on va dire. Quand une idée venait, je pouvais travailler dessus. Maintenant, c’est un peu plus raide parce que je tourne plus. Quand j’ai une idée, je la note ou ne la note pas, donc, si je ne la note pas, j’oublie et si je la note, elle s’entasse dans un grand cahier, une grande pochette où il y a des tas de petites feuilles pleines de notes et des fois, j’arrive à m’isoler deux ou trois semaines pour essayer de mettre ces notes en ordre et être toujours déçu car je n’en ai pas fait assez.

Au départ, c’est quand même le texte et plutôt une accumulation de petits trucs, de thèmes, de notes et un jour, ça finit par donner une chanson. La proportion dans le nombre de notes prises, les projets et le nombre de chansons qui sortent vraiment, c’est désespérant.

Quelles sont tes sources d'inspiration ? Comment te vient l'inspiration en fait ? Est-ce que tu te promènes avec un petit carnet, comme certains, pour prendre des notes, pour capturer le quotidien ?

Non, j’ai essayé un moment, puis je ne marquais presque rien dessus, ça m’énerve. Quand je veux vraiment marquer quelque chose, je sors n’importe quel truc de mon sac et après, je le copie dans mon carnet de notes. L’inspiration, c’est difficile. Brel disait qu’une bonne chanson c’était une idée de paroles, une idée de musique et une idée qu’on n’attendait pas, celle-là ne se commande pas. La chanson qu’on a écoutée tout à l’heure, "L’heure des goûts et des coups", est restée longtemps dans les cartons avec trois couplets et elle est sortie quand j’ai trouvé le quatrième couplet qui soit une peu autodérision parce que je trouvais qu’elle était un peu déséquilibrée et la chute, tant que j’ai pas eu mis "maman" à la fin, ça n’avait pas grand intérêt, elle s’adressait à n’importe qui, à personne. L’idée qu’on n’attend pas peut mettre longtemps à venir. A certains moments, elle arrive tout de suite, d’autres moments, on se laisse guider par l’écriture et on se retrouve à écrire un truc qui donne du sens à la chanson et qu’on n'avait pas du tout pensé à écrire et qu’on ne savait pas du tout que c'était vers là qu’on allait, c’est un peu magique, on ne sait pas trop comment ça se fait. En même temps, ce n’est pas que magique, c’est du boulot aussi. Je n’avais jamais travaillé comme ça, m’arrêter et dire, de telle date à telle date, ces trois semaines là, je m’arrête et j’écris. Jusque là, je sentais que ça venait tout seul et que c’étaient des moments qu’il fallait saisir. En fait ça marche, il n’y a donc pas que de la magie, il y a aussi du boulot et le fait de s’y plonger qui fait que la mécanique du cerveau qui se met en branle et qui va chercher dans les ressources, les réflexes, les choses qu’on a entendues ici et là, des tournures d’esprit auxquelles on a été élevé.

[ Sale pédé ]

Sur le site radioceros, on peut écouter l'intégralité des chansons de ton deuxième album. Que t'apporte un tel partenariat ?

De l’écoute, c’est de se faire connaître, que ce soit la partenariat avec Radiocéros, des sites comme L'art-Scène ou des gens qui s’intéressent vraiment à cette scène chanson, entre autres pour Radiocéros parce qu’ils ont plein d’autres rubriques, L'art-Scène aussi, c’est plus rock. La visibilité sur Internet sur des sites comme ça, où j’essaie de surveiller que ce soit des sites respectueux, que ce ne soit pas mis en bordel, n’importe comment, mais quand c’est bien fait, bien présenté et que ça donne envie de découvrir le gars, d’aller sur son site qui a un lien avec ce que je fais, c’est de la visibilité en plus.

Tu es complètement indépendant, c'est-à-dire que tu es ton propre tourneur, ton propre producteur, tes albums sont autoproduits. J'imagine que tu as entendu, comme moi, que les majors allaient supprimer 20 à 30% de leurs effectifs et rompre les contrats des artistes qui vendent moins de 100 000 albums – et cela concerne des artistes comme Jacques Higelin. Les maisons de disques n'évoquent qu'une seule et unique cause à cette réorganisation drastique : le piratage et l'échange de fichiers en ligne. Qu'en penses-tu ?

Grande question. Tu as vu qu’il y a Charlie Hebdo qui vient d’ouvrir une rubrique où ils vont demander ça à des chanteurs, justement, toutes les semaines ou tous les je sais pas combien. Il y a Dominique A. qui commence cette semaine. C’est un grand débat et avec beaucoup de mauvaise foi de tous les côtés et puis les gens qui sont de bonne foi, on ne les écoute pas trop. Il y a les sociétés d’interprètes ou d’auteurs qui s’insurgent contre la position justement des majors et du tout répressif et qui disent que la musique est faite pour circuler. Les seuls qui essaient de trouver une solution qui ne spolie personne et qui soient un peu modérée, on ne les entend pas. Donc après, on écoute les braillantes des majors qui foutent dans les presse des mecs derrière les barreaux pour dire "vous allez aller en prison", on écoute les braillantes des pires pirates qui disent "Liberté, ceci, cela, ça permet de découvrir la musique et quand on a découvert, on va acheter les albums". C’est de la mauvaise foi parce que les seuls qu’on entend brailler comme ça, c’est ceux qui n’ont que piraté et qui n’ont pas un album acheté chez eux et qui piratent des centaines d’albums par semaine et on est vraiment le plus mal défendu par ces gens là, y compris si on défend le fait qu’on puisse écouter librement de la musique sur Internet. Ces mecs qui défendent la musique libre, ce sont les vrais pirates et ceux qui foutent en l’air l’histoire. Quand j’étais ado, tout le monde a copié des cassettes …

A l’époque, on écoutait la radio…

On écoutait la radio, on foutait une cassette dedans, on enregistrait un bout ou les CD qu’on empruntait à la bibliothèque on le foutait sur une cassette, c’était usé au bout de peu de temps. Effectivement, c’est parce que j’ai copié plein de cassettes, écouté pleins de trucs, enregistré plein d’émissions de radios que maintenant je suis un bouffeur de disques et que j’en achète partout. Simplement, je ne me sens pas défendu ou justifié par des mecs qui passent leur temps sur Internet à télécharger des trucs et qui n’achètent pas un disque de leur vie et qui les copient à dix exemplaires pour leurs potes, parce que ceux là, pour l’instant, je ne leur vends pas d’album et je ne bouffe pas. Entre les deux, pour n’importe quel ado ou jeune adulte qui n’a pas de sous et qui veut découvrir des chansons, il y a de quoi écouter de la musique sur Internet sans payer des cent et des mille ou sans payer du tout, et découvrir des trucs sans abus. L’abus est dans les deux sens, si on veut abuser de la position dominante et vendre à tout prix sa camelote comme les majors, on peut brailler ; si on veut à tout prix avoir tout gratuit sans jamais rien payer, sans s’apercevoir qu’il y a des gens qui bossent derrière et que ça coûte des sous de faire de la musique, on fout le système en l’air aussi, mais des deux côtés, en faisant le tout commerce ou le rien commerce. Après, si on est un peu conscient, un peu raisonnable d’un intérêt collectif, on doit pouvoir s’arranger et faire des choses qui soient correctes. Les propositions des sociétés d’auteurs avec une rémunération juste qui ne soit pas forcément financée par les gens qui écoutent de la musique sur Internet d’ailleurs, il y a des taxes proposées sur les hébergeurs, sur les tuyaux où coule ça parce qu’il y coule pas mal de pubs aussi et ça génère un fric monstrueux. Si sur ce fric là, on rémunère aussi les auteurs et les compositeurs, pourquoi pas, ça évite aussi aux gens de payer trop ou de payer quelque chose.

[ Josy ]

Je trouve que ton site web est extrêmement bien fait.

Moi aussi ! [rires]

Comment est-ce que tu t'es impliqué dans sa réalisation ?

On s'y est mis à trois en fait. Il y a un informaticien qui était mon voisin à l'époque à Toulouse, qui a monté une boîte depuis, de réalisation de sites internet, mais qui s'occupe toujours de la partie informatique du mien. Il y a les deux architectes graphistes qui étaient des potes à moi à Toulouse aussi, qui ont fait la conception graphique de l'album et qui se sont donc impliqués dans la conception graphique du site, donc ils ont fait la charte graphique que l'informaticien a remplie, et moi après je n'ai plus qu'à mettre le contenu, on va dire. J'essaie que ça soit propre aussi, et de le tenir à jour, donc ils m'ont fait un petit site derrière le site en fait, une interface d'administration. Moi, je n'ai qu'à remplir des cases et après, ça s'affiche tout joli sous la forme graphique qui avait été décidée pour le site internet.

Quel serait le plus beau compliment que l'on pourrait te faire ?

[Il réfléchit] C'est… Je ne sais pas, ceux qu'on m'a déjà faits ! [rires] Il faudrait trouver une réponse vague du style "Celui qu'on va me faire demain"...

Tu es le plus beau, tu es le plus fort…

Non… Non non mais que ça touche. Voilà je crois qu'on fait ça pour toucher les gens quand même, et puis ce qui me touche le plus dans les messages internet que je reçois où quand les gens viennent me voir à la fin d'un spectacle, c'est quand ça les a vraiment touchés profondément, et que ça a touché quelque chose de sensible, d'humain, mais profondément. Ce sera peut-être moins consensuel qu'un truc qui va vendre 300 000 ou 1 million d'albums et qui va toucher un peu tout le monde, mais je pense qu'il y a la place pour une création, pour des chansons - enfin en tout d'ailleurs, pas que des chansons - pour une création qui soit moins consensuelle, moins large mais qui touche vraiment profondément et beaucoup, peut-être un peu moins de monde mais qui les touche vraiment. C'est-à-dire, au lieu qu'il y ait beaucoup de monde qui soit touché un peu, on a peut-être le rôle d'aller toucher, d'aller chercher ce qu'il y a de sensible dans un peu moins de monde. Bon voilà, et puis s'il n'y a pas 1 million d'albums de Nicolas Bacchus vendus mais que sur les 6 000 autoproduits qu'il y a eu de vendus pour l'instant, qui sont dans la nature, il y a des gens qui ont vraiment été accrochés, et bien voilà ça, c'est des compliments que j'aime bien. Ou alors "j'ai envoyé telle chanson, j'ai recopié les paroles et je les ai envoyées à", alors, mon père, mon petit ami, ceux-ci, ceux-là… Là c'est… quand les gens se sentent touchés à ce point, qu'on a réussi à trouver la bonne distance entre ce qui nous concerne assez pour qu'on ait encore à le chanter avec cœur, et ce qui concerne assez l'autre aussi, ce qui peut être assez universel pour que ça puisse aller intéresser un public, quand cette distance-là qui est quand même le truc le plus difficile à faire, on l'a trouvée, ben ouais c'est… Quand on vient nous le dire, on est flatté quand même.

Quels sont tes projets dans les mois à venir, cher Nicolas ?

Et bien finir les chansons du nouveau spectacle parce que… Les apprendre déjà, celles qui sont presque finies mais que je ne connais pas, finir les musiques de celles qui n'y sont pas, parce que du 11 janvier au 5 février on va jouer le nouveau spectacle normalement au Théâtre des Déchargeurs à Paris pendant un mois, et donc en invitant des gens et puis en essayant de… [il se reprend] enfin en essayant, la tournée est déjà presque faite donc, avec une tournée assez importante derrière, et ça devrait déboucher sur un troisième album durant l'été prochain.

Ce sera un album studio…

Là ça sera studio, oui.

On va se quitter avec la chanson la plus jouissive de l'album…

Ciel !

Quel message aimerais-tu faire passer aux auditeurs ou aux internautes qui vont écouter cet entretien, avant que nous nous séparions ?

Bougez-vous, écoutez de la chanson, écoutez de la musique, c'est ce que je disais tout à l'heure : on peut être touché un peu comme ça et se dire "tiens c'est pas mal", par une chanson qui passe à la radio et qui a été vendue déjà… qui passe à la radio parce qu'elle a été beaucoup vendue et qui va encore beaucoup se vendre parce qu'elle passe à la radio. Il y a des tas de petits lieux, des tas de gens moins médiatisés, et si on se bouge un peu on peut trouver celui, celle, ceux, qui vont nous toucher vraiment et qui vont faire que là on trouve un exutoire, ou à s'exprimer. Et voilà, ça se trouve dans des petits lieux, ce n'est plus le rôle de la télé ou des grandes radios, elles n'arrivent plus à jouer ce rôle-là de découverte et d'aller chercher dans des petites cases, elles sont obligées de faire de la masse. Sauf que chacun de nous, individuellement, on n'est pas une masse. Donc voilà, sortez, bougez, et en ouvrant les oreilles on doit pouvoir trouver. Il y a plein de choses qui se passent, il y a plein de choses qui se font. Et c'est comme ça qu'on pourra survivre avec une diversité culturelle en plus de défendre le statut, le régime des intermittents, qui permet quand même à plus de monde que les dix premiers de s'en sortir. C'est comme ça qu'on peut continuer à montrer des choses diverses et qui vont toucher diverses personnes. C'est bateau, c'est comme ça, c'est là...

Merci Nicolas !

Merci à vous.

[ Le petit âne gris will rock you ]

 

 

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