Les défenseurs de Pierre Goldman ont-ils choisi d'attendre leurs plaidoiries pour mettre en cause certains témoignages contre leur client, accusé principalement d'avoir commis le double meurtre du boulevard Richard-Lenoir ? Visiblement pas. Ils ont notamment réduit à peu de chose la déposition faite pas un médecin du boulevard Richard-Lenoir assez sûr de lui pour présenter à plusieurs reprises comme vraies des invraisemblances. Son témoignage n'était pourtant pas de ceux que pouvaient craindre les avocats. Ils ont cru opportun pourtant de démolir cette intervention trop péremptoire. Ils ont, de la même manière, jeté un doute certain sur les conditions dans lesquelles Pierre Goldman a été "reconnu" dans les locaux de la police.
On ne comprend que plus mal le silence des avocats contre le plus sur témoin de l'accusation, une jeune femme, dont les déclarations ne sont pas passées inaperçues, et pour cause.
Le soir du double meurtre, elle voit boulevard Richard-Lenoir une courte bagarre entre deux hommes, l'un d'eux se relever, fuir, s'arrêter sous un lampadaire, raconte-t-elle, à 2 mètres de l'endroit où elle est, attendre que le boulevard soit libre, le traverser, fuir encore, etc.
La scène se passe le 19 décembre, vers 20 heures. La police entendra la jeune femme le 27, soit huit jours plus tard.
Admettons qu'elle ne se soit pas arrêtée, alors que, quelques brefs instants plus tard, le même homme, qu'elle a si bien vu et, on pouvait le croire, suivi du regard, ne serait-ce qu'instinctivement, tirait sur son adversaire - un policier - le blessait grièvement, puis s'évanouissait dans une bouche de métro. La peur ne pouvant plus la chasser, la curiosité ne la retient pas. Témoin capital, elle ne figurera pas parmi ceux qu'entendront, sur place, en flagrant délit, les policiers intervenus quelques minutes plus tard.
C'est d'elle cependant que dépend, maintenant pour une large part, l'avenir de Pierre Goldman qui, jusqu'à présent, paraissait bénéficier d'un avantage plutôt net, en raison des excellents témoignages développés jusqu'ici.
C'est à elle cependant qu'on ne demande rien et surtout
pas la raison du délai constaté entre les faits et sa déposition.
S'est-elle présentée à la police de son propre mouvement.
Ou bien y a-t-elle été incitée ? Par qui ? Des voisins
? Des amis avec qui elle se serait entretenue du crime et de sa présence
sur les lieux ? Ou qui encore ?
Car c'est un fameux témoignage que celui de Mlle Nadine Lecoq, plus net
et plus précis que tous les autres. Trop ? Complet en tout cas.
La cohésion de la défense
Personne, par exemple, n'avait jusqu'alors décrit avec autant de précision le sac qu'emportait l'agresseur, et qui peut-être serait encore celui de la pharmacienne, encore qu'on n'ait jamais pu prouver l'existence de cet objet personnel Aucun détail n'a manqué, mercredi 11 décembre, devant la cour d'assises de Paris pour le décrire. Quelle précision de regard pour un objet a priori anodin ! Le témoin aurait-elle pu, aussi bien, décrire la cravate, les chaussures, etc. Dommage que, à l'audience, la jeune femme se fût déclarée incapable de répéter sa description.
Bien sur, ces questions, assez simples, pourront toujours être posées lors de plaidoiries. Qui y répondra ? Et même, ne sera-t-il pas trop tard ? Ne peut-on craindre que la religion des jurés ne soit déjà faite avant de les entendre ? N'est-ce pas pour les avocats apporter trop de crédit aux plaidoiries que de faire reposer sur elles la plus grande part de l'avenir d'un accusé ? Ou bien doit-on s'interroger sur le défaut de cohésion des représentants de la défense : Mes Libman, Pollack, Etienne Grumbach et Marianne Merleau-Ponty ?
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