Tandis que M. Alain Bernard, premier juge d'instruction à Paris, était
chargé mercredi 18 décembre de faire la lumière sur les
incidents qui ont fait suite au procès de Pierre Goldman, M. Jean Lecanuet,
ministre de la justice faisait connaître son sentiment à l'Assemblée
nationale sur ces incidents. A M. Georges Donnez (réf. Nord), qui indiquait
qu'"ils étaient de nature à porter atteinte à l'indépendance
des jurés", M. Lecanuet a répondu :
"Tout d'abord, je rappellerai que le ministre de la justice doit être le premier à respecter l'indépendance des magistrats.
"Dans l'affaire Pierre Goldman, c'est une cour d'assises et donc un tribunal populaire qui s'est prononcé. Par conséquent, le ministre de la justice doit s'interdire de porter quelque jugement que ce soit sur la décision rendue.
"La justice s'efforce, dans le respect de la loi, de rechercher la vérité dans chaque cas individuel qui lui est soumis. C'est une lourde tâche, surtout lorsque, comme dans l'affaire qui nous occupe, l'accusé conteste la principale accusation dont il est l'objet ; mais s'il s'élève des contestations touchant la procédure, je rappelle qu'il est possible de faire un recours en cassation.
"Cela dit, je considère comme absolument intolérables les manifestations auxquelles se sont livrées certaines personnes présentes lors du verdict dans l'affaire Goldman. Les jurés des cours d'assises sont issus des milieux populaires. Ils ont statué en leur âme et conscience. Les actes commis constituent le délit d'outrage à l'égard à la fois des jurés et des magistrats professionnels".
Pour sa part, le Comité justice pour Pierre Goldman a publié, mercredi 18 décembre, un communiqué dans lequel il "tient à préciser qu'il n'appelle à aucun rassemblement boulevard Richard-Lenoir". "Une reconstitution, précise le comité, a été envisagée dans le cadre de la commission d'enquête ; elle se tiendra lorsque les conditions requises de sérieux seront rassemblées. Il n'est pas question en tout état de cause, de faire du boulevard Richard-Lenoir un lieu de manifestation à l'occasion de l'anniversaire d'un double meurtre qui a provoqué en son temps une vive émotion dans le quartier. C'est une question de décence en même temps qu'une condition de l'efficacité de la contre-enquête. Les actions et les manifestations de masse qui ne manqueront pas de se développer par ailleurs trouveront assurément des lieux plus opportuns pour mettre en cause le scandaleux fonctionnement des institutions policières et judiciaires mis en évidence par la procès de Pierre Goldman. Toute forme de soutien doit être envoyée par écrit à Evelyne Goldman, boite postale 127, 92-Montrouge. Un meeting aura lieu vendredi à 19 h 30 amphithéâtre Richelieu à la Sorbonne".
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