Il avait fallu arracher Pierre Goldman à la justice qui, sans preuves, l'envoyait à perpétuité dans une cellule de prison. La justice dut reprendre le dossier : elle le déclara normalement innocent d'un crime terrible. Cela devait suffire. Cela n'a pas suffi.
Pierre Goldman devint un symbole de l'Anti-France pour tous ceux qui veulent étriller les oppositions, imposer une morale nationaliste, et expurger le pays de sangs impurs. Pour eux c'était trop : juif polonais, marié à une antillaise, joueur de tumba, braqueur, taulard, révolutionnaire, revenant d'une condamnation à perpétuité qui avait fait faire demi-tour à la justice, écrivain : le portrait Robot de l'homme à abattre à la première occasion. S'agit-il d'une vengeance à froid, commise trois années plus tard ? Ou d'une mort à crédit, dont l'échéance était toujours retardée ? Pierre Goldman était un condamné à mort en sursis et nous l'avons oublié. Certaines campagnes de Minute en particulier l'avaient effrayé. Et puis sa vigilance était retombée. Les tueurs ont-il attendu que la police soit humiliée par l'affaire Mesrine pour défendre son honneur, selon le raisonnement fasciste par excellence : Goldman paiera pour Mesrine. Pour un Tillier ancien flic, journaliste à Minute, un Goldman ancien gangster, journaliste à Libération. Goldman était un otage. Et l'otage a été exécuté. Scénario fasciste. Le ministre concerné fera sa déclaration lénifiante. Et la boue suivra. Les policiers évoqueront leurs pistes : règlement de comptes latino-américain ou règlement de compte du milieu. La boue suit toujours les assassinats politiques.
Le gouvernement se targue de n'avoir pas de terrorisme en France. Il se trompe. Le terrorisme en France est simplement une des formes d'expression des ganglions fascistes. On remarquera que leurs crimes restent impunis, et que le gouvernement, comme l'opinion, s'en accommode. L'inertie administrative faisant le reste. En France, on s'accommode de tout, même de l'ignoble.
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