Le 30 mai dernier, la 1ère Chambre de la Cour d'Appel de Paris prenait une décision surréaliste, confirmant la saisie des droits d'auteur du premier livre de Pierre Goldman, en réparation des blessures reçues par le brigadier Quinet lors du meurtre dont Pierre Goldman avait été reconnu innocent par la Cour d'Assises. Absurde acharnement, absurde décision rendue possible par un défaut de procédure. Le lendemain, Pierre Goldman faisait part, dans Libération, des réflexions que tout cela lui inspirait.
Si l'agent Quinet cherche, à travers cette affaire, à gagner de l'argent, qu'il ne compte pas sur moi : de moi, il n'aura jamais un sou. Mais s'il désire écrire ses mémoires, je peux lui trouver un éditeur.
Si, par cette insistante procédure, il entend, par-dessus le verdict légal d'une cour d'assises, signifier qu'en réalité je suis le tueur du boulevard Richard Lenoir, comme l'avait affirmé une autre cour d'assises, il perd son temps ; cette signification, je sais bien qu'elle est inscrite, en dehors des significations légales, dans la tête imbécile et scélérate d'innombrables personnes. Et cela ne m'atteint plus : j'ai été atteint pour toutes. Autrement dit, comme Obélix, le brave Gaulois, est tombé tout petit dans la potion magique et n'a plus besoin d'en prendre pour être fort, je suis, moi, tombé dans l'attente il y a bien longtemps et je ne suis plus atteignable.
S'il entend rouvrir sauvagement le dossier Richard Lenoir, cela ne me gêne pas. Je peux même ouvrir le feu : l'officier de police principal qui reçut la confidence calomnieuse me désignant comme assassin, s'est suicidé peu après mon procès : mis à la retraite prématurément, il était l'objet d'une enquête pour proxénétisme et complicité de proxénétisme. Il s'appelait Roger Le Berre.
Pour le reste, je rappelle ceci : ce n'est point par stratagème que je ne me suis pas pourvu en cassation contre l'arrêt civil de la Cour d'Assises de Paris. Le verdict criminel, ayant provoqué des remous dans la salle, le président avait repoussé l'audience civile qui suit tout procès d'assises. Le lendemain de l'arrêt criminel (réclusion à vie), le 15 décembre 1974, je m'étais pourvu en cassation. Le 8 janvier 1975, eut lieu l'audience civile qui me condamna à verser je ne sais plus combien de francs, à l'agent Quinet : ni le président, ni ceux de mes avocats qui étaient présents, ne m'informèrent que je devais me pourvoir aussi contre cet arrêt. J'ignorais tout simplement que la procédure de cassation au plan criminel n'incluait pas le plan civil. J'avais, ce jour-là, d'autres soucis en tête.
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