Après l'assassinat de Pierre Goldman
Libération, 24 septembre 1979
Article de J.L. Peninou
Retranscription de Dominique F.
Ce sont des tueurs expérimentés qui ont agi.
Les obsèques de Pierre Goldman, assassiné jeudi à Paris, auront probablement lieu en milieu de semaine. La date et les modalités n'en sont pas encore fixées. Au cours du week-end, l'enquête de la brigade criminelle a, semble-t-il, peu avancé.
Ayant consacré les premiers jours qui ont suivi l'assassinat à recueillir les témoignages visuels et à répertorier les pistes possibles, les policiers du commissaire Leclerc devraient désormais prendre des initiatives. Ils ont maintenant une vision précise du déroulement de l'embuscade, connaissent l'itinéraire suivi par les tueurs immédiatement après le meurtre, le type des deux armes utilisées, le signalement d'au moins deux des agresseurs.
Du signalement à l'identification, il n'y a qu'un pas que les policiers n'ont pas encore franchi. Le fait que les tueurs aient agi à visage découvert, en plein midi, sans avoir cherché à se déguiser, leur fait redouter que l'exploration des archives de police n'aboutisse pas à grand chose. Des portraits-robots, établis à partir des dépositions des policiers du 9e BT qui ont vu les tueurs quelques minutes avant l'attentat, vont être diffusés prochainement. L'expression "hombre", en espagnol, prononcé par un des tueurs s'adressant à ses complices, intrigue, en tout cas, très fortement les enquêteurs.
Alors que, dimanche encore, le Figaro et le Journal du Dimanche évoquaient à plaisir la multiplicité des hypothèses, les policiers paraissent eux, convaincus que c'est vers l'extrême droite qu'il faut orienter les recherches. Ils ont obtenu confirmation de la part d'autres services de police qu'il n'y avait rien à glaner du côté "règlements de comptes au sein du milieu" et paraissent écarter avec bon sens des hypothèses impliquant des "latino-américains" ou "une provocation de l'extrême gauche", comme le suggère dans un billet ahurissant, le Figaro-Dimanche du 23 septembre. Mais "l'extrême droite", qu'on y inclue ou non des policiers fascisants, c'est bien flou. S'ils cherchent dans ce milieu, éparpillé en une poussière de micro-organisations, les enquêteurs de la brigade criminelle, pas toujours au fait des subtilités qui divisent les groupes fascistes, bénéficieront-ils de toute l'aide qu'ils sont en droit d'attendre de la part de leurs collègues des R.G., de la D.S.T. ou du S.D.E.C.E. ? L'enquête, toujours en panne, pour ces raisons, sur l'assassinat de Curiel, n'incite pas à l'optimisme. La brigade criminelle aurait l'intention de recueillir les dépositions de journalistes de Minute, après les nombreux et venimeux articles que cet hebdomadaire a consacrés dans le passé, à Pierre Goldman. Elle pourrait légitimement faire de même avec les responsables de la "Fédération professionnelle indépendante de la police" ou de l'association "Légitime défense" dont les tracts, ces derniers mois, n'ont pas manqué de dénoncer les conditions de l'acquittement de Pierre Goldman devant les assises d'Amiens.
Reste que les assassins de Pierre Goldman ne se recrutent probablement pas parmi des amateurs sans expérience, des enfiévrés qui font un coup sous l'impulsion du moment. Ils n'ont pas seulement agi à visage découvert, mais avec sang froid et détermination. On sait maintenant que Pierre Goldman a d'abord été abattu par plusieurs coups de revolver puis achevé au sol, par une autre série de balles. Les tueurs savaient y faire.
Si les enquêteurs parviennent à établir leur identité où à les localiser avec suffisamment de précisions, ils devront alors répondre à une deuxième question : Qui a ordonné ? Qui a commandé le crime ?
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