Très nombreuses réactions
Libération, 24 septembre 1979
[Journaliste inconnu]
Retranscription de Dominique F.
Les organisations de gauche (sauf le PC) se réuniront à nouveau.
Un peu partout, condamnations, indignations, appels à réagir contre la "violence fasciste" continuent à affluer après l'assassinat, jeudi, de Pierre Goldman.
Dès samedi, un abondant courrier de lecteurs parvenait au siège de Libération : une tristesse et une colère immenses. Des poèmes, des souvenirs, des appels.
Parmi les réactions d'organisations, de mouvements ou de sections syndicales - outre celles que nous avons mentionnées dans nos éditions de vendredi et de samedi - le groupe "Libération arménienne" conclut la sienne par ces mots : "Si les fascistes s'attaquent aux juifs, ils retrouveront les héritiers de Manouchian sur leur chemin". La fédération CGT de la police "s'inquiète du développement des officines parallèles agissant impunément" et se déclare "indignée par cet acte odieux".
L'UEC demande la démission de C. Bonnet. L'UFC m.l. estime que "des meurtres de travailleurs immigrés, isolés dans la rue, la police passe à des essais de terreur plus globale dont la ratonnade d'un mariage algérien à Bassens ce printemps et l'affaire du quartier de Lyon sont des signes odieux. L'assassinat de Pierre Goldman qui entre autres aspects a un caractère anti-sémite marqué, tente du point de vue de ses auteurs de réunifier les racismes".
La réunion de 21 organisations.
La Ligue des Droits de l'Homme avait convoqué, vendredi soir, après la manifestation parisienne, les organisations de gauche et d'extrême-gauche dans le but d'organiser une réaction commune à l'assassinat de Pierre Goldman.
La CGT et le PCF ne sont pas venus. Dans l'attente des décisions de la famille de Pierre Goldman sur le caractère des obsèques et pour préserver les chances d'un accord avec les communistes, les participants ont finalement adopté un texte commun qui se borne à appeler une nouvelle réunion : "Les organisations soussignées, indignées par l'assassinat politique de Pierre Goldman, appellent la population à se mobiliser contre cet attentat sur lequel elles exigent que toute la lumière soit faite. Elles dénoncent la responsabilité du pouvoir, dont la politique contribue à réveiller les vieux démons du fascisme, du racisme et de l'anti-sémitisme. Dans notre pays en pleine crise économique et sociale, qui frappe les travailleurs et travailleuses, nous assistons à une grave recrudescence des atteintes aux libertés.
"Les organisations sont résolues à tout mettre en oeuvre pour que soit organisée, dès les tous prochains jours, la riposte aux violences aux provocations et aux attentats fascistes.
"Pour assurer l'unité la plus large, elles inviteront l'ensemble des organisations démocratiques à une très prochaine réunion".
Signataires : Ligue des Droits de l'Homme, M.A.J., Association des juristes démocrates, Syndicats des Avocats de France, Parti Socialiste, M.L.A.C., L.C.R., Fédération Nationale des Radios-Libres, Syndicat de la Médecine Générale, M.A.S., C.C.A., P.C.M.L.F., P.S.U., C.F.D.T., C.I.N.E.L., M.R.A.P., O.C.I., U.N.E.F. (Unité syndicale), F.E.N., O.C.T.
La date de cette nouvelle réunion n'était pas encore fixée dimanche.
Le grand Rabbin Kapplan : on parle trop de nous.
"Nous considérons qu'on parle beaucoup trop de nous" a déclaré dimanche le grand Rabbin Kapplan sur Antenne 2. "Nous sommes très préoccupés de cela car nous y voyons une recrudescence de l'anti-sémitisme (...). Je demande que toutes les mesures soient prises pour éviter la continuation des actes anti-sémites. Faut-il que je dise aux juifs : taisez-vous, laissez-vous faire ? Ce n'est pas possible".
Cette position prudente suscite certains remous au sein du C.R.I.F. (Conseil Représentatif des Institutions Juives).
Après la manifestation de vendredi soir.
La L.C.R., qui estime à 15 000 le nombre de manifestants, pense que "l'ampleur de cette première mobilisation montre à l'évidence une volonté massive de s'opposer à la montée du terrorisme fasciste".
La préfecture de police, de son côté, communique : "De petits groupes de manifestants ont systématiquement attaqué au passage du cortège auquel ils étaient mêlés les forces de police implantées auprès de la maison de police du 13e arrondissement et de la prison de la Santé. Trente-cinq engins incendiaires et des projectiles divers ont été lancés contre les effectifs qui ont été contraints de riposter par quelques jets de grenades lacrymogènes. Trois gardiens des CRS ont été blessés dont l'un a la cheville brisée. Ainsi, une manifestation qui a groupé 4 000 personnes environ et qui, du fait de son objectif, aurait dû se dérouler dans le calme et la dignité a été troublée par la seule faute d'éléments intégrés au cortège et qui ont échappé au contrôle des organisateurs conclut la préfecture qui rappelle que la L.C.R., lorsqu'elle a déposé une "déclaration de manifestation" avait pris l'engagement de "s'efforcer que ce rassemblement se déroule bien".
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