Goldman, englouti
L'Express, 20 septembre 2004
Mickaël Guedj
Retranscription de Linda Delozier
Révolutionnaire, braqueur... Vingt-cinq ans après son assassinat, que reste-t-il de ce rebelle atypique ?
Les trois inconnus ont tiré à bout portant. En plein Paris, ce 20 septembre 1979, Pierre Goldman s'effondre. Quelques jours plus tard, 15 000 personnes affluent au Père-Lachaise. Parmi elles, ceux qui, avec lui, ont rêvé de révolution durant les années 1960 : Serge July, Régis Debray, Marc Kravetz, Alain Krivine, Bernard Kouchner, etc. Ils "regardent s'évanouir dans le cercueil un peu d'eux-mêmes", écrivent Hervé Hamon et Patrick Rotman dans Génération.
Né le 22 juin 1944, étudiant révolutionnaire à la Sorbonne, guérillero au Venezuela, écrivain en prison, Pierre Goldman avait aussi été braqueur, condamné pour meurtre, puis acquitté, et assassiné sans qu'on retrouve ses tueurs. "C'était un personnage de roman", lâche Alain Krivine, qui milita avec lui au sein de l'Union des étudiants communistes (UEC).
Amateur. Vingt-cinq ans après sa mort, que reste-t-il de Goldman ? Ceux qui l'ont connu évoquent une personnalité hors du commun. "Il prenait au sérieux les passions de sa génération, se souvient l'architecte Roland Castro, qui le côtoya aussi à l'UEC. On l'aimait beaucoup, comme un gars de la famille qui serait allé jusqu'au bout et qui culpabilise un peu ceux qui ne sont pas morts, d'avoir survécu". Pourtant, pour son ami Marc Kravetz, jadis secrétaire général du syndicat étudiant Unef, faire de lui un héraut des soixante-huitards serait une erreur: "Vous ne trouvez pas dix traits communs chez les gens de cette génération, mais des choses qui s'unissent par bouts. En matière de révolution politique, Pierre était un amateur ; dans la truanderie, également. En revanche, c'était un homme du langage". Ecrit en prison, entre le procès qui le condamna pour un double homicide et celui qui l'acquitta, Souvenirs obscurs d'un juif polonais né en France demeure un livre coup de poing. "Pour moi, lance Krivine, ce qui reste de Pierre, c'est la révolte et la rébellion". Deux traits qui ressortent avec force de l'ouvrage, où Goldman se livre. "Très peu de nos jeunes ont entendu parler de lui, raconte l'éternel porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire. Mais, quand ils tombent sur le bouquin, ils sont fascinés".
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