Auteur : Jean-Jacques Goldman
Compositeur : Jean-Jacques Goldman
Editée par : JRG
Version originale
Année : 2001
Interprétée par : Jean-Jacques Goldman
Distribuée par : Columbia / Sony Music
Si j'avais si j'avais ça
Je serais ceci je serais cela
Sans chose je n'existe pas
Les regards glissent sur moi
J'envie ce que les autres ont
Je crève de ce que je n'ai pas
Le bonheur est possession
Les supermarchés mes temples à moi
Dans mes uniformes, rien que des marques identifiées
Les choses me donnent une identité
Je prie les choses et les choses m'ont pris
Elles me posent, elles me donnent un prix
Je prie les choses, elles comblent ma vie
C'est plus 'je pense' mais 'j'ai' donc je suis
Des choses à mettre, à vendre, à soumettre
Une femme objet qui présente bien
Sans trône ou sceptre je me déteste
Roi nu, je ne vaux rien
J'ai le parfum de Jordan
Je suis un peu lui dans ses chaussures
J'achète pour être, je suis
Quelqu'un dans cette voiture
Une vie de flash en flash
Clip et club et clop et fast food
Fastoche speed ou calmant
Mais fast, tout le temps zap le vide
Et l'angoisse
Plus de bien de mal, mais est-ce que ça passe à la télé
Nobel ou scandale ? On dit 'V.I.P'
Je prie les choses et les choses m'ont pris
Elles me posent, elles me donnent un prix
Je prie les choses, elles comblent ma vie
C'est plus 'je pense' mais 'j'ai' donc je suis
Des choses à mettre, à vendre, à soumettre
Une femme objet qui présente bien
Sans trône ou sceptre je me déteste
Roi nu, je ne vaux rien
Je prie les choses et les choses m'ont pris
Elles me posent, elles me donnent un prix
Je prie les choses, elles comblent ma vie
C'est plus 'je pense' mais 'j'ai' donc je suis
Un tatouage, un piercing, un bijou
Je veux l'image, l'image et c'est tout
Le bon 'langage' les idées 'qu'il faut'
C'est tout ce que je vaux
Jean-Jacques Goldman : L'essentiel des activités des gens a toujours été plus ou moins pathologiquement en rapport avec l'argent, avec la dépense : avec ce qu'on gagne, avec les objets, avec l'achat, qui revêtent souvent une importance folle. Dans la plupart des milieux, on se rend compte que ce rapport à l'argent constitue même le loisir principal. On regarde des catalogues, on fait des économies, on s'endette. Gagner et acheter est une des choses qui prend le plus de temps pour la majorité des gens, ce n'est vraiment pas nouveau.
Les pères ont des enfants
Seuil, novembre 1999
Charlotte Pozzi : "Les choses", une chanson pop.
Jean-Jacques Goldman : "Les choses", c'est un portrait. Tous ces gamins qui pensent que s'ils n'ont pas un survêtement de telle marque, s'ils n'ont pas une montre de telle marque, une casquette de telle marque, ils n'existent pas. S'ils ne sont pas habillés comme ça, ils ne vont pas plaire aux filles, s'ils ne sont pas dans une grosse voiture, ils ne valent rien. Je trouve ça super triste. C'est comme s'ils étaient des porte-manteaux. Comme si on ne les jugeait que par rapport aux choses et plus par rapport à ce qu'ils valent.
Jean-Jacques Goldman : Franchement la seule chose à laquelle j'ai succombé quand j'étais jeune, c'est une guitare Gibson. J'avais l'impression qu'avec cette guitare je devenais un guitariste crédible. Maintenant j'en suis débarrassé. Ce n'est pas parce que je suis meilleur que les autres, mais mon éducation m'a vraiment tenu en dehors de ces valeurs-là. Je ne sais pas si une chanson peut servir d'éducation mais si certains pouvaient savoir que ça n'épate pas, qu'ils ont l'air un peu con dans leur survêt…
J'adore l'idée que l'amour se joue de nous
Télémoustique, le 12 décembre 2001
Eric Jean-Jean : Et en parlant de notre société, il y a une chanson qui s'appelle "Les choses", espèce d'instantané de société, un peu vieil étudiant gauchisant…
Jean-Jacques Goldman : Euh… Ouais. Je ne sais pas, en tout cas, c'est assez…
Eric Jean-Jean : "C'est plus je pense, mais j'ai donc je suis".
Jean-Jacques Goldman : Ouais. Je suis un peu terrorisé par ces gamins qui pensent que s'ils n'ont pas telle bagnole ils n'existent pas, que s'ils n'ont pas tel survêtement, les filles ne vont pas les regarder… c'est comme si eux, ils n'existaient pas, comme si c'étaient des porte-manteaux et que tout à coup ils existaient parce qu'il y a un logo, un sigle sur leurs chaussures, ou sur leur casquette, ou sur leur téléphone portable et que sans ces choses-là, eux n'existent pas. Je trouve ça super déprimant d'avoir si peu d'estime pour soi.
Eric Jean-Jean : "supermarchés, mes temples à moi", tu mets un petit taquet à la télé aussi, d'ailleurs tu en remets un autre dans la chanson "C'est pas vrai" donc on va englober : "Plus de bien de mal mais est-ce que ça passe à la télé". Tu trouves qu'elle a une sale gueule, notre télé, en ce moment ?
Jean-Jacques Goldman : C'est pas ça, mais tu peux très bien imaginer par exemple, un débat avec d'un côté, le prix Nobel de littérature et à côté de lui, Loana ou Bernard Tapie. D'ailleurs, plus loin je dis, ce n'est pas important, maintenant, on a un terme générique pour ça, c'est VIP [prononciation anglaise], on dit VIP [prononciation française]. Voilà, c'est VIP, mais est-ce qu'il a fait quelque chose de bien ou est-ce qu'il a fait quelque chose de mal…
Paroles et musiques
RTL, le 15 décembre 2001
Jean-Jacques Goldman : Il y a beaucoup plus de chansons rapides que sur les autres albums, c'est une constatation objective…
Eric Jean-Jean : C'est voulu ?
Jean-Jacques Goldman : Non, c'est un hasard, je voulais en enlever une d'ailleurs.
Eric Jean-Jean : Laquelle ?
Jean-Jacques Goldman : J'hésitais entre "Un goût sur tes lèvres" et "Les choses". Et puis il y avait aussi le "Status Quo" et aussi "Les p'tits chapeaux". Enfin, bon, il fallait que j'enlève une chanson rapide. Je n'ai pas réussi à me décider donc je les ai toutes gardées, ce qui fait qu'il y a plus de chansons rapides…
Paroles et musiques
RTL, le 15 décembre 2001
Laurent Boyer : Jean-Jacques, j'en viens au douzième titre. C'est un texte assez dur, "Les choses" !
Jean-Jacques Goldman : Ironique, amer…
Laurent Boyer : Le parfum de Jordan, la vie de flash en flash, clip et club et clop et fast food…
Jean-Jacques Goldman : Ils ne doivent pas comprendre grand chose là…
Laurent Boyer : C'est un texte sur le matérialisme en fait.
Jean-Jacques Goldman : Le pouvoir des choses sur certaines personnes et sur plein de gamins, en particulier. Si tu donnes tant d'importance aux choses, à la montre que tu as, aux fringues que tu as, aux marques que tu as, ça veut dire que tu n'existes pas ! Ce sont des mômes qui n'ont pas confiance en eux : s'ils ne sont pas dans ce survêtement, les filles ne vont pas les regarder. S’ils n'ont pas cette chaîne là, c'est pareil, s'ils n'ont pas cette bagnole, ils ne sont rien. Je trouve que s'évaluer par rapport aux choses, c'est se dévaluer soi-même.
Laurent Boyer : Est-ce que tes enfants portent des marques, des piercing ? ou…
Jean-Jacques Goldman : …Piercing… je n'ai rien remarqué… [Rires]
Laurent Boyer : Ils les ont peut-être cachés, méfie-toi… [Rires]
Jean-Jacques Goldman : Ou bien alors, c'est extrêmement intime… [Rires] Des marques, non, ils s'en foutent. Je crois qu'ils se sentiraient un peu humiliés, j'ai l'impression, de porter une marque.
Laurent Boyer : Mais est-ce que "Goldman" n'est pas un logo en soi ? Est-ce que tu as renversé le truc, en disant, est-ce que moi, je ne suis pas un logo, non plus ?
Jean-Jacques Goldman : Pour certaines personnes ? Moi je trouve que ça a toujours été très difficile à porter comme logo. Ça a toujours été très difficile de dire qu'on aimait mes chansons, en général, c'était plutôt considéré comme…
Laurent Boyer : Tu parles de 1985, là !
Jean-Jacques Goldman : …un peu con, un peu ringard, mais ça me va, moi… un peu boy-scout…
Laurent Boyer : Il y a une jolie référence dans "Les choses" également, qui est une référence à Descartes : "c'est plus "je pense" mais "j'ai" donc je suis". La phrase de Descartes étant "Je pense donc je suis".
Jean-Jacques Goldman : C'est sûr que c'est Descartes ? … Moi je ne sais pas…
Laurent Boyer : Tu n'en sais rien ?
Jean-Jacques Goldman : Non.
Laurent Boyer : Tu connaissais la phrase ?
Jean-Jacques Goldman : Je la connaissais, mais je ne savais pas qui c'était.
Laurent Boyer : C'est le "Discours de la méthode" de Descartes.
Jean-Jacques Goldman : Ah, d'accord, d'accord… on apprend plein de choses dans ton émission [Rires].
Laurent Boyer : Toi, tu as pourtant. Mais ce n'est pas ta fierté, ce n'est pas ton orgueil.
Jean-Jacques Goldman : Disons ... ce n'est pas à cause de ça que j'existe, et je n'ai jamais eu l'impression que c'est parce que j'étais à la SACEM et que je touchais de l'argent de la SACEM que j'existais. J'avais l'impression d'exister avant, quand je travaillais dans mon magasin de sport et je ne me sens pas mieux maintenant, je ne me sens pas un meilleur homme parce que j'ai plus d'avoir, voilà.
Laurent Boyer : Jeu de mots, tiens, justement dans "Les choses". VIP qui veut dire Very Important Person … People. Est-ce que tu as conscience d'en être une, toi, une VIP ?
Jean-Jacques Goldman : Dans les restaurants ou dans les endroits réservés des salles de spectacle, oui. [grand sourire]
Laurent Boyer : Oui, est-ce que tu sais que tu es devenu une VIP page 1362 du dictionnaire ?
Jean-Jacques Goldman : Euh oui, ça sent le pâté alors ...
Laurent Boyer : [lisant le dictionnaire] "Alors ... Goldman, Jean- Jacques (Paris, 1951) chanteur et auteur-compositeur français influencé par le rock. Il a contribué au renouveau de la chanson française (Quand la musique est bonne, Au bout de mes rêves) tout en mettant son talent au service d'artistes les plus divers. Exemples : Johnny Hallyday, Céline Dion". Plutôt élégant non ?
Jean-Jacques Goldman : Non non, c'est... je me sens très honoré de ça.
Fréquenstar
M6, le 16 décembre 2001
Le Vif / L'Express : Dans "Les choses", vous déplorez le conformisme de l'image...
Jean-Jacques Goldman : Un thème qui revient pas mal, c'est effectivement la négation de soi-même par rapport à des objets et, à la fin, par rapport à des idées. Dans "Les choses", je dis - ça fait sérieux de se citer ! - bref, il y a écrit "les idées qu'il faut". Il existe un prêt-à-penser. C'est un thème qui revient. Comment être soi et ne pas suivre les lieux communs ou le fil de l'histoire.