Auteur : Jean-Jacques Goldman
Compositeur : Jean-Jacques Goldman
Editée par : J.R.G. / N.E.F. Marc Lumbroso
Version originale
Année : 1987
Interprétée par : Jean-Jacques Goldman
Distribuée par : C.B.S.
Décolorés, les messages du ciel
Les évidences, déteintes au soleil
Fané, le rouge sang des enfers
L'Eden, un peu moins pur, un peu moins clair
Souillé, taché, le blanc des étendards
Brûlé le vert entêtant de l'espoir
La sérénité des gens qui croient
Ce repos d'âme que donnait la foi
Organisés, les chemins bien fléchés
Largués, les idoles et grands timoniers
Les slogans qu'on hurle à pleins poumons
Sans l'ombre, l'ombre d'une hésitation
Télévisées, les plus belles histoires
Ternis, les gentils, troublants, les méchants
Les diables ne sont plus vraiment noirs
Ni les blancs absolument innocents
Oubliées, oubliées
Délavées, nos sages années, programmées
Entre gris clair et gris foncé
Scénarisées, les histoires d'amour
Tous les "jamais", les "juré", les "toujours"
Longue et semée d'embûches est la route
Du sacré sondage et du taux d'écoute
Psychiatrisée, l'amitié des romans
Celle des serments, des frères de sang
Les belles haines qui brûlaient le coeur
Contrôlées à travers un pacemaker
Oubliées, oubliées
Délavées, nos sages années, programmées
Entre gris clair et gris foncé
Graffiti : "Entre gris clair et gris foncé", c'est le constat de la fin d'un règne, celui du manichéisme. "Nous voilà dans l'ère des nuances" suggères-tu avec, fait troublant, comme une nostalgie pleine de regrets dans le ton ! Alors Jean-Jacques, serais-tu un apôtre du paradoxe ?
Jean-Jacques Goldman : Disons que concrètement, la nuance dans la vie de tous les jours est souhaitable dans la mesure où elle facilite les rapports. Par contre, abstraitement et poétiquement, la fin des excès est regrettable, parce qu'elle a tué quelque peu les passions. Un exemple, certains grands auteurs du siècle dernier, qui étaient probablement de grands auteurs parce qu'ils souffraient des maladies mentales, n'existeraient pas aujourd'hui. On les aurait déjà soignés avec des pilules. C'est vrai, le blanc éclatant n'est plus à la mode et l'on ne se bat plus en duel pour des questions d'honneur, désormais, on règle ses affaires auprès d'un juge.
Graffiti : Tu sembles déplorer l'aseptisation de la société, alors que justement tu en es l'un des symboles et des prototypes ?
Jean-Jacques Goldman : Sûrement, je ne le nie pas mais je crois que chacun de nous est tiraillé par les choses raisonnables et celles qui ne le sont pas. Il y a une chanson de Souchon qui illustre bien cette contradiction : "Le baghad de Lann Bihouë" ; le refrain, c'est "Tu la voyais pas comme ça ta vie, Tapioca, potage et salsifis" et puis je connais aussi des aventuriers qui sont fascinés par des vies et des sentiments hyper simples. Donc je considère que la solution réside toujours des équilibres.
Graffiti, 1987