Auteur : Jean-Jacques Goldman
Compositeur : Jean-Jacques Goldman
Editée par : BMG Music Publishing France
Version originale
Année : 1982
Interprétée par : Jean-Jacques Goldman
Distribuée par : CBS
Ça a été très long mais il y est arrivé
Il fait le compte de ce qu'il y a laissé
Beaucoup plus que des plumes, des morceaux entiers
Et certains disent même un peu d'identité
Pourtant, elle est en lui cette force immobile
Qui le pousse en avant, l'empêche de dormir
Toujours vers l'effort à côte des plaisirs
Jusqu'à l'obséder par cet unique mobile
Pour être le premier, pour être le premier
Pour arriver là-haut, tout au bout de l'échelle
Comme ces aigles noirs qui dominent le ciel
Pour être le premier, pour être le premier
Pour goûter le vertige des hautes altitudes
Le goût particulier des grandes solitudes
Pour être le premier
Elle était innocente, douceur et jolie
De ces amours immenses où l'on blottit sa vie
Mais d'une âme trop simple pour comprendre un peu
Que l'on puisse désirer mieux que d'être heureux
On dit qu'il a la chance mais qu'il n'a plus d'amis
Mais moi je sais qu'au moins, il est bien avec lui
Comme s'il avait le choix ou cette liberté
Quand on a cette voix qui vous dit d'avancer
Numéro 1 : Lorsque tu chantes, "Etre le premier", tu laisses supposer : quand on est le premier, on finit toujours par être seul. Maintenant, tu es en haut de l'affiche, alors penses-tu être seul bientôt ?
Jean-Jacques Goldman : Non, je ne me suis jamais senti vraiment seul, et puis "Etre le premier" n'est pas du tout autobiographique. Il y a des chansons autobiographiques comme "Minoritaire" ou "Je ne vous parlerai pas d'elle" où je dis "je" clairement. Dans "Etre le premier", je dis "il". Parce que je parle vraiment d'un autre. Je parle de quelqu'un qui n'est pas moi, qui est même le contraire de moi et qui me fascine. Ce sont des gens que l'on rencontre dans la presse, dans la radio ou dans la musique, et qui ont cette espèce d'idée fixe : réussir à tout prix. Cette espèce de force qui leur fait endurer, pendant des années parfois, une vie misérable parce qu'ils veulent y arriver. Je les admire parce que j'aurais été complètement incapable de le faire. Moi, si quelqu'un ne s'était pas occupé de mes cassettes, je n'y serais pas allé. Si on ne veut pas de moi pour une émission, je n'y vais pas. Je peux être totalement heureux en jouant dans ma cave. Je ne dis pas que je renie ce qui se passe, mais je n'ai pas du tout cette force, qui pousse en avant, qui empêche de dormir, pour "Etre le premier". C'est donc une chanson en hommage à ces personnes là plus qu'une chanson autobiographique.
Numéro 1 : Tu dis "il" dans cette chanson, mais toi, tu finiras bien par être un jour le premier, marginalisé par ton succès. En France, on n'aime pas trop la réussite, tu le sais !
Jean-Jacques Goldman : Oui, c'est vrai, ça pose d'autres problèmes évidemment. Je ne peux plus faire mes courses tranquillement. Je ne peux plus emmener mes mômes à l'école. Je ne peux plus aller à un concert. J'aime bien me balader tranquillement, rêver, et c'est vrai qu'à présent ça m'est très difficile. Flâner maintenant, même si ce n'est pas dramatique, est devenu difficile, mais c'est comme ça : j'ai acheté des lunettes et une fausse barbe, et puis voilà.
Chanson : Être le premier, ça parle de qui ?
Jean-Jacques Goldman : C'est un mélange de gens que j'ai rencontrés, souvent des gens des médias d'ailleurs qui ont toujours su ce qu'ils voulaient être, où ils voulaient arriver. Ces gens-là me fascinent. Moi, je n'ai jamais su où je voulais aller. Si les gens n'étaient pas venus me chercher je serais resté dans mon coin. J'ai toujours été poussé par les autres. Un jour, un type me dit : "j'ai une fille qui chante, tu n'aurais pas des textes et des musiques ?" Alors j'ai fait "Il suffira d'un signe" que la fille a chanté au Jeu de la Chance à la télé en 78 ou 79. Marc Lumbroso, qui était un jeune éditeur affamé, donc autrement dit qui était obligé de faire son métier a vu mon nom au générique et a appelé la SACEM pour avoir mon numéro de téléphone. Il m'a demandé ce que j'avais. C'est lui qui a commencé à me faire travailler, à me stimuler surtout. J'ai besoin de stimulation.