Thank You
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Rock and Folk, 1976
Journaliste inconnu
Retranscription de Marie-Laurence Cuvillier
Taï Phong Quand je suis arrivé chez M. & Mme Minh, "Moondawn" était sur la platine ; est-ce un signe que Klaus Schulze, le grand sorcier blond de la recherche du Son, a eu une influence (faste) sur Taï Phong ? On serait tenté de le croire, tant "Windows", leur nouvel album m'apparaît comme un effort résolu dans la quête d'une certaine perfection, non seulement de la production en général, mais de chaque son en particulier.
A côté de la platine trône un petit monstre ("petit", c'est pour la litote) comme on commence à en voir dans certaines caves, des châteaux et autres endroits mal fréquentés que l'on appelle studios ; mais rarement, comme ici, dans le salon d'une villa cossue de la banlieue sud, ou, comme bientôt, sur une estrade dans une salle bondée face à un groupe d'ici.
Khanh : "C'est une console Midas que nous avons spécialement fait faire pour Taï Phong. Actuellement, il n'y en a que trois au monde : celle de Yes qui a 28 canaux, celle de Supertramp qui en a 36, et celle-ci, 32 canaux avec des groupements. C'est ça qui est nouveau ; cela veut dire qu'avec un seul réglage, tu peux jouer sur plusieurs canaux simultanément tout en les gardant indépendants. En concert, c'est très pratique parce que cela permet, par exemple, de remonter en même temps toutes les voix (et chez Taï Phong, ça fait du monde) sans modifier leurs réglages respectifs et les unes par rapport aux autres. D'autre part, on a une équipe d'amis de Polytechnique qui est en train de concevoir pour nous tout un système de sono assez révolutionnaire, avec quatre étages d'amplification indépendants : graves, médium- graves, médium-aigus et super-aigus (si mes connaissances ne sont pas trop vagues, ce doit être un succédané de l'équalisation appliquée à l'amplification) ; avec des retours de scène à plusieurs canaux réglables où chaque musicien pourra sélectionner ce qu'il veut entendre en particulier".
Pour rendre tout cela possible et opérationnel sans l'emploi de câbles gros comme le tout-à-l'égout, les Messieurs de l'X ont imaginé d'adapter à la sonorisation un système qui vient d'être mis au point pour le téléphone et qui consiste, par un jeu de codeur et décodeur, à faire passer plusieurs signaux (canaux) dans un même fil. (Saviez-vous que, lorsque vous décrochez votre téléphone, vous êtes parfois en compagnie d'une douzaine d'autres qui causent en même temps que vous - sans compter ceux qui écoutent illégalement ?). Il y a une petite boîte qui emmêle et une qui démêle, et on a économisé ainsi du fil et de la place. Les messieurs de l'X vont même déposer un brevet : le rock fait avancer la science, oui Monsieur !
Dans le sous-sol de M. & Mme Minh, il y a de grandes constructions en bois et en stuc qui ressemblent vaguement aux armures des samouraïs de la pochette du premier album.
Khanh : "Oui, c'est cela ; c'est ici que l'on fabrique les décors pour la scène. Ce que tu vois, ce ne sont que des morceaux de moules sur lesquels sera coulé du polyester translucide. On a aussi, parallèlement, des copains qui s'occupent des éclairages, et l'on devrait avoir un light-show très intéressant".
Avant de déjeuner, ils m'ont fait boire et écouter l'album.
Khanh : "Pour choisir les morceaux de l'album, on a été obligé de voter, il y en avait trop".
Vous avez certainement remarqué la prise de son très particulière des violons sur le "Shekina" de Zao ; eh bien, c'était Khanh !
Jean-Alain Gardet : "C'est Khanh qui s'est occupé de la prise de son, et on a tous mixé et remixé, jusqu'à ce que l'on ait exactement ce que l'on voulait"
A propos de "The Gulf Of Knowledge", ce que Taï Phong a produit de meilleur à ce jour :
Taï : "Mike Oldfield n'est qu'une influence parmi beaucoup d'autres. Non, il n'y a pas de mandoline, c'est la guitare électrique de Khanh très trafiquée... Le son de la batterie ? Avant même d'enregistrer, il a fallu des heures à Khanh et Stephan (Caussarieu, le batteur) pour trouver le son que l'on cherchait. Ensuite, Stephan a tout enregistré en une seule prise".
Cela ne ressemble à rien d'autre, et le jeu de Stephan sur ce morceau est époustouflant : pas de la virtuosité chiante, de la musique ; un sens de la musicalité de l'instrument qui fait immanquablement penser au temps tragiquement révolu où Robert Wyatt frappait ses peaux. D'un album à l'autre, c'est Stephan qui a le plus évolué : plus de fermeté et d'invention. Le travail, mon bon !
Khanh : "On a fait écouter l'album aux musiciens d'Ange, ils ont eu l'air très impressionné. Ils ont demandé à Taï de les conseiller pour l'achat de leur nouveau matériel".
Rock & Folk : Quand tous les préparatifs doivent-ils être terminés ?
Khanh : "Nous sommes très exigeants, et donc cela prend toujours beaucoup de temps avant que nous obtenions exactement ce que nous désirons ; c'est pour cette raison que l'album, qui devait sortir au printemps, ne sort que maintenant ; c'est pour cette raison aussi que nous n'avons encore jamais tourné. Nous avons fait quelques concerts (confidentiels) dans des petites salles et il y a eu une très bonne réponse du public, mais ce que nous voulons, c'est que TOUT soit parfaitement au point. Nous devrions être prêts au début de l'année prochaine".
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