Jean-Jacques Goldman
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Jean-Jacques Goldman
[publication inconnue], 1981
[journaliste inconnu]
Retranscription d'Hélène Bury
On aurait pu en faire quelque chose comme un prince des salons, impertinent d'humour et sourire mystérieux, ou peut-être un de ces tennismen : il aurait eu des petits polos blancs avec des crocodiles dessus, un revers choppé à faire pâmer le central, il aurait collé une ou deux balles de match dans l'œil du juge arbitre. Pas par méchanceté, par inadvertance bien sûr ; celle des rêveurs. Il se serait déplacé en scooter rouge.
Comme tous les vrais vauriens, Goldman est un vaurien de bonne famille. Les autres n'ont aucun mérite si l'on y pense bien.
Il entame sa vie d'adolescent par des études commerciales : HEC Lille. C'est un bon départ dans la vie.
Il en prend un deuxième plus émouvant. Il vous raconte vaguement l'histoire de ce jour où il a entendu un disque d'Aretha Franklin qui lui fit comme un frisson de plaisir dans le corps et lui révéla une urgence : être musicien.
Ce qu'il devint assez vite finalement puisqu'on le retrouve peu après chanteur et guitariste de Tai Phong. Un des premiers groupes français à briser le mur du silence, grâce notamment à une chanson "Sister Jane" qui un moment batifole dans les hits-parades.
Comme tous les vrais artistes, Goldman est avant tout un être intelligent. Finesse et culture, sans ostentation.
Culture classique, revoilà la bonne famille. Un peu plus que parolier, poète quelque part, avec ce petit côté tragique que les français poètes aiment décidément.
Culture musicale, revoilà le vaurien. Il a écouté tout ce que le rock'n'roll a pu apporter de vie et de force à la musique.
J'en déduis que Goldman est un bâtard magnifique : le fils de la chanson française et du Rock'N'Roll.
En cela, il est tout à fait représentatif de cette nouvelle vague de chanteurs et de musiciens français qui ont dépassé l'éternel problème de savoir s'il faut faire une chanson d'avant-garde ou une chanson populaire, comme si les deux ne pouvaient coucher dans le même lit.
Or cette nouvelle vague, précisément, elle nous a redonné envie d'écouter la radio, comme à l'époque des Dutronc, des Antoine, des Polnareff.
Il y a d'ailleurs quelque chose de Polnareff chez Goldman : le talent d'écrire des mélodies qui semblent avoir toujours vécu en vous et cela fait partie des indices qui ne trompent pas.
Et puis, bien sûr, ce type un peu timide, qui semble se méfier des modes et des choses trop violentes fera comme les autres ; il apprendra à sourire aux photographes et à raconter sa vie : "Je suis né le 11 octobre 1951, rejeton d'une famille de juifs immigrés (pardonnez-moi le pléonasme) de l'Europe de l'Est, et je bois du thé à mon petit déjeuner".
Comme ce premier disque est plaisir, je crois qu'on va lui pardonner.
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