Concert 1983 : Good Vibrations
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Concert 1983 : Good Vibrations
[Publication inconnue], 1983
[Journaliste inconnu]
Retranscription d'Isabelle Delpech
Journaliste : On connaît tes disques, on te voit à la télé, tu es matraqué à la radio, mais par contre pas de Goldman sur les planches, et, lors de tes interviews, tu as souvent fait allusion à tes réticences scéniques : et te voilà sur les routes... alors ?
Jean-Jacques Goldman : Alors, je ne sais pas si j'ai vraiment changé mais, par contre, les choses autour de moi évoluent pas mal. Je crois qu'il arrive un moment où le disque, la radio, la télé ne suffisent plus et où les gens veulent avoir un contact plus direct, plus physique avec les chansons qui les ont touchés. Moi, je commençais à ressentir un peu comme une petite trahison de ne pas "y aller". Et, en fait, à partir du moment où cette expérience scénique a été envisagée, ça a déclenché des enthousiasmes, genres de "good vibrations" de la part de plein de gens, musiciens, éclairagistes, cinéastes, producteurs, preneurs de son, etc. qui m'ont contaminé et je me retrouve aujourd'hui toujours un peu inquiet mais très stimulé, très gonflé.
Journaliste : Et te voilà en tournée comme les autres...
Jean-Jacques Goldman : Oui, mais pas tout à fait comme les autres. Tu sais, je viens des groupes, et je crois toujours beaucoup à l'idée d'équipe, et la tournée a été un peu conçue comme ça, comme une réalisation d'équipe, pas comme le "show" d'une vedette, entourée par les inévitables requins et techniciens parfaits de service ; d'abord au niveau des musiciens qui, en dehors de leur compétence instrumentale (et là, crois-moi, ça dégage), sont des mordus de la scène et de la vie de tournée, s'impliquent beaucoup dans ce qu'ils font, tout en étant capables de s'intégrer à une aventure collective. D'ailleurs, la plupart d'entre eux viennent des groupes ou en sont encore membres, comme à peu près tous les bons musiciens aujourd'hui. Ensuite, pour la partie visuelle (affiches, décor, photos, mise en scène, vidéos, films, etc.), je l'ai confiée à un vieux complice, Bernard Schmitt, qui a toujours vu des images quand moi, j'entendais des notes.
Journaliste : Oui, justement, pourquoi cette importance du visuel dans ton spectacle ?
Jean-Jacques Goldman : Tu sais, moi, j'ai toujours adoré aller à des spectacles comme spectateur, mais surtout pas pour entendre la même chose que sur le disque. J'y vais d'abord pour voir la musique et je préfère quelques erreurs de son ou de mise en place, s'il se passe vraiment quelque chose visuellement, à une réplique parfaite... et glacée. C'est pour ça que j'ai voulu mettre des images sur les chansons, en travaillant avec des pros, mais un peu marginaux au show-biz habituel, pour essayer de susciter d'autres implications, d'autres rencontres... créatives. Ainsi le sus-nommé Schmitt vient de nulle part, mais également du théâtre et du cinéma (pub télé, mise en scènes...), l'éclairagiste, Gérard Boucher, est très connu dans les milieux du théâtre (lumières de Chéreau et de beaucoup d'autres), Janniaud est une star de la prise de son studio... Tous ces gens arrivent donc, sans a priori, et avec une énorme motivation qui m'apporte beaucoup.
Pour finir, l'organisateur de la tournée a 22 ans, et il est fou et provincial ! Toutes les conditions sont donc réunies pour une catastro... pardon ! pour un événement intéressant.
Journaliste : Toi, musicalement, d'où viens-tu ?
Jean-Jacques Goldman : Et bien, piano, violon (papa, maman contents, moi pas très enthousiaste mais obéissant) et puis un jour, Aretha Franklin, Sam and Dave et autres Spencer Davis. Du coup, j'ai lâché Vivaldi pour Gibson et les galères des groupes de boîtes, bals, parties, séances, parallèlement à mes études, jusqu'en 1975, l'expérience Taï Phong, 3 LPS et beaucoup d'apprentissage et de passion.
1981 : split du groupe et me voilà tout seul, avec des textes français et un nom propre, Jean-Jacques Goldman et incroyable mais vrai, des gens qui suivent.
Sur le plan des références musicales, à peu près tout, sauf peut-être quelques fanfares militaires et cariocasseries mexicaines !, la variété, quoi !
Journaliste : Justement, tu as une place curieuse au milieu des étiquette musicales.
Jean-Jacques Goldman : Les gens de la variété connaissent mon passé "groupes" et me considèrent de façon un peu louche ; les rockers, eux, me rangent sans appel dans la soupe (plouf !). Moi, je pense appartenir à la variété non péjorative, c'est-à-dire en dehors de tout a priori ou dogme, même si on sent bien dans mes chansons les séquelles des maladies que j'ai attrapées en rôdant dans les Tobacco Road et en saignant sur des Gibson.
Journaliste : Dans le spectacle, joueras-tu d'un instrument et ne chanteras-tu que du Goldman ?
Jean-Jacques Goldman : 1) Oui, je jouerai et ça sera un des vrais plaisirs de la tournée pour moi. 2) Je ne chanterai pas que mes chansons, d'abord parce que je ne suis pas sûr d'en avoir suffisamment et aussi parce que j'ai envie de faire partager aux gens qui aiment ma musique quelques-uns des standards qui m'ont marqué et influencé. D'autre part Didier (Makaga) qui joue des synthés et chante avec moi, interprètera 2 ou 3 chansons à lui.
Journaliste : Qu'en attends-tu de cette tournée ?
Jean-Jacques Goldman : Réponse immédiate et banale : un contact direct, la recherche d'un échange qui n'existe pas en studio, à la radio ou à la télé. Peut-être aussi des événements, des rencontres, tout ce qui fait qu'on s'enrichit, qu'on se transforme au contact des gens et des choses (et un chanteur en a plus besoin que tout autre) ; l'occasion également de jouer toutes les chansons des albums, pas seulement les quelques tubes qui étouffent un peu d'autres morceaux pour lesquels j'ai parfois une petite tendresse particulière. Et puis j'aimerais bien aussi qu'il y ait un peu de monde, et qu'ils prennent (les gens) autant de plaisir à recevoir que nous à donner.
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