Goldman, au bout de leurs rêves…
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Goldman, au bout de leurs rêves…
La Voix du Nord, le 23 mars 1984
A. L.
Retranscription de Krystel Leriche
"Jean-Jacques ! Jean-Jacques ! Jean-Jacques !". Les lumières se sont rallumées. La scène est vide. Elles sont encore là, espérant une dernière apparition du chanteur, un autographe, un mot peut-être. Mais, après le troisième rappel, il a posé sa guitare, lancé un dernier "au revoir" et bondi dans la voiture qui l'a emmené à son hôtel. Ses fans attendront en vain. Certaines ont les larmes aux yeux. Elles devront se contenter du souvenir de ces cent minutes de spectacle. Court, peut-être. Mais d'une rare qualité. L'arrivée fracassante de Jean-Jacques Goldman au premier plan de la chanson n'est pas due au hasard. On connaissait ses disques, ses chansons. Il a prouvé, mercredi soir, sur la scène du Casino, qu'il avait du talent à revendre.
Trois ans après son premier album, Jean-Jacques Goldman est devenu l'un des grands de la chanson. Il suffit de voir débarquer son équipe de techniciens, de voir arriver le matériel. Deux camions, deux cars. Une petite entreprise d'une trentaine de personnes. Mercredi à Arras, jeudi à Rouen, vendredi à Bruxelles, samedi à Lille. Le spectacle achevé, on démonte et on repart pour la ville suivante. Tout est prévu, y compris l'intendance. Les techniciens ont des horaires très stricts. Le résultat de cette énorme organisation est là. Le spectacle est parfaitement au point.
Tous les atouts dans sa poche
Lorsqu'on a l'habitude d'écouter les disques d'un chanteur, on éprouve toujours une petite déception devant la qualité sonore d'un spectacle en public. Il n'en fut rien mercredi soir. Chapeau, messieurs les techniciens . Pas de saturation, ni de larsen. Une exceptionnelle qualité d'écoute distillée par deux murs de hauts-parleurs de chaque côté de la scène.
Ajoutez à cela six excellents musiciens, notamment Michael Jones, l'ami de toujours à la guitare, Lance Dixon aux claviers, et Philippe Herpin au saxo. Jean-Jacques Goldman avait mis tous les atouts dans sa poche pour sa tournée de province avant Paris. Sur un vaste écran de projection, s'inscrit le générique. Dessous, deux jambes chaussées de tennis se balancent. L'orchestre, emmené par le saxo, attaque. La scène s'assombrit. "Les lueurs immobiles d'un jour qui s'achève, la plainte douloureuse d'un chien qui aboie…", la voix, haut perchée, vient d'entamer"Veiller tard". Le spot lumineux s'agrandit. Jean à poche trouée, manches retroussées, Jean-Jacques Goldman fait irruption sous un tonnerre d'applaudissements.
On le sent un peu crispé. Le trac ? "Il y a un peu de cela. Mais depuis deux ou trois jours, je ne sais pas si je vais pouvoir chanter le soir". La voix tiendra cependant, malgré tous les efforts qu'elle devra produire. Près de deux heures de spectacle, sans entracte. Quelques intermèdes pour présenter la chanson suivante ou pour faire chanter le public. Pour l'aider, on projette même sur l'écran les paroles de "Je ne vous parlerai pas d'elle".
La salle suit…
Tous ses grands tubes se succèdent :"Il suffira d'un signe", "Quand la musique est bonne", "Comme toi", "Envole-moi". "Dans une première tournée, si je ne chante pas mes tubes, je me fais assassiner", expliquera-t-il. On ne voit pas traces par contre de certaines chansons sorties sur ses trois albums comme "Je chante pour ça" ou "Américain". "Elles rendent très bien en disque, mais ne donnent rien sur scène", s'excuse-t-il.
En revanche, il interprète "Le petit blues peinard" qu'on chercherait en vain sur ses disques. Problème inverse : bon résultat scénique, mais rien à l'écoute. Pourtant, la guitare à la John Lee Hooker est un régal.
La salle suit. Du premier rang au balcon, on frappe dans les mains, sagement. Ce n'est que vers la fin du spectacle que les spectateurs se lèveront, se balanceront en rythme. Une poignée de ferventes se presseront contre la scène, chantant par cœur chaque chanson, tendant les bras pour toucher "l'idole". Trois rappels, pas un de plus. Il les fera patienter, les spectateurs, avant de revenir à chaque fois avec une chanson. Pour la dernière, il est seul sur scène, assis avec sa guitare. Il chante "Bébé dors". Il ne pleut pas dehors, mais ça ruisselle sur quelques visages. L'ancien étudiant lillois est devenu une grande vedette qui part à la sauvette, à la fin du spectacle pour éviter la frénésie de ses admirateurs. Il est déjà arrivé à son hôtel que la salle du Casino crépite encore des applaudissements. La salle du Casino connaît rarement de tels instants. Trop rarement !
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