Jean-Jacques Goldman : “Après la chanson, pourquoi pas le cinéma ?”
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Jean-Jacques Goldman : “Après la chanson, pourquoi pas le cinéma ?”
Ciné Télé Revue, mars 1984
Bernard Alès
Retranscription d’Hélène Bury
Avec “Envole-moi”, Jean-Jacques Goldman est à nouveau en tête du hit-parade : pourtant, il avoue être devenu chanteur… presque par hasard !
Depuis le 29 février et jusqu’au 27 mai, Jean-Jacques Goldman est en train de parcourir la France dans le cadre d’une tournée qu’il va interrompre uniquement du 26 mars au 1er avril, pour passer pendant une semaine à l’Olympia. N’ayant pas encore une grande expérience des planches, Jean-Jacques Goldman a choisi d’offrir à son public un spectacle total, dans lequel il intervient au même titre que les musiciens, les bandes dessinées et les films projetés sur l’immense écran qui occupe le centre de la scène… Mais malgré son peu d’expérience, le sympathique auteur-interprète d’”Envole-moi” est très détendu avant d’affronter le public. Et c’est peut-être pour cette raison qu’il se définit comme un chanteur à part.
“A la scène, explique-t-il, je suis un débutant ! Mais en tenant compte de ce qui s’est passé avec les disques, je ne pouvais pas présenter un spectacle de débutant au cours de ma tournée… Le public n’aurait pas comparé mon spectacle avec celui d’un chanteur… qui commence, mais avec le “show” de quelqu’un qui a déjà réussi quelque chose. Il fallait donc que cela tienne debout… J’ai commencé par un essai, en novembre, parce que je voulais savoir comment je me comportais sur scène et surtout sur le plan vocal : mes chansons sont difficiles à chanter, et d’autre part je n’étais pas sûr de pouvoir tenir pendant deux heures tous les soirs. Enfin, je voulais aussi savoir si les gens viendraient, parce que le fait d’avoir remporté un certain succès grâce aux disques, ne signifie pas nécessairement que les salles vont se remplir : il y a là quelque chose de très mystérieux… Mais quand j’ai constaté que tout se passait plus ou moins bien, je me suis jeté à l’eau pour de bon”.
Aussi étrange que cela puisse paraître, le tour de chant face au public n’a jamais été une révélation pour Jean-Jacques Goldman… “A vrai dire, reconnaît-il, je ne suis pas vraiment un interprète. J’adore le travail de composition et de studio… Je préfère tout ce qui se fait plus ou moins dans l’ombre : c’est ce qui me passionne et qui me fait ressentir des choses très fortes…”
Et le chanteur précise ce qui le rend si différent des autres vedettes de la chanson : “Pour monter sur une scène, les artistes doivent être un peu exhibitionnistes, ce qui n’est pas mon cas. Pour compenser, je devais m’entourer d’une infrastructure susceptible de compenser le magnétisme que je ne possède pas. J’ai donc soigné particulièrement le décor et impliqué les musiciens au maximum dans ce “show”. J’ai d’autre part mis au point quelques gags, sans oublier la projection de diapositives et de films, ainsi que les lumières qui rappellent davantage un éclairage de théâtre... Je crois que c'est une question de tempérament : je n’ai jamais rêvé d’être seul sur une scène, alors que la plupart des artistes que je connais avaient à peine sept ou huit ans qu’ils se promettaient déjà d’être un jour des vedettes !”
Interprète par obligation !
C’est avec une exquise modestie que Jean-Jacques Goldman explique comment il est devenu presque par hasard une vedette et pourquoi il accorde au spectacle plus d’importance qu’à sa présence sur scène ! “Plus jeune, dit-il, tout ce que je voulais c’était de faire de la musique parce que cette activité me procurait un immense plaisir… Si j’en suis arrivé à chanter, c’est parce que j’ai proposé mes chansons à tous les interprètes du moment et c’est seulement devant leur refus général que j’ai été obligé de les interpréter moi-même… Et si j’ai pensé à ajouter dans mon spectacle une projection sur grand écran, c’est parce que le disque est fait pour être écouté et le spectacle pour être vu… Chaque fois que j’assiste à un concert, j’espère “voir” quelque chose puisque, le disque, je l’ai déjà ! Or, il n’y a pas trente-six façons de voir ce qui se passe sur scène : ou bien c’est théâtral, ou bien c’est du cinéma ! ”
Cinéma… Un art et en même temps une forme d’expression que le chanteur pourrait très bien aborder un jour, comme il l’explique en toute simplicité, sans faire de la fausse modestie : “Je vous l’ai dit, au départ je ne me sentais pas tenté par la chanson en tant qu’interprète, et mes disques ont remporté très vite un certain succès… Alors, je me dis que tout peut arriver ! Il y a trois ans, je n’aurais jamais pensé que j’allais devenir un chanteur à succès… Comment pourrais- je affirmer que je ne serai jamais un acteur à succès ? Je n’en sais vraiment rien… En revanche, il y a une chose dont je suis sûr en ce qui concerne le cinéma : j’aimerais beaucoup faire des musiques de films : l’idée de faire “coller” une musique sur des images me tente beaucoup !”
L’impact de la musique…
Jean-Jacques Goldman est d’ailleurs fasciné par l’image et surtout par le pouvoir de l’image… “Prenez le cas de Michael Jackson ! fait-il remarquer… Son succès est immense sur le plan international et je le comprends parce qu’il se résume à un seul mot : “l’image”. Et, en effet, Michael Jackson est le premier à prévoir des images pour chacune de ses chansons !… Sans les clips, ses albums se seraient vendus honnêtement, sans plus ! Parce qu’il est tout de même anormal qu’il ait un tel impact musical, quand on compare avec ce que font certains autres musiciens ! La musique de Michael Jackson est par exemple beaucoup moins intéressante que celle de Stevie Wonder… Pourquoi cet engouement, dès lors ? Tout simplement parce qu’il est un “monstre” de l’image ! Il est un excellent acteur, doublé d’un danseur formidable… Il ne faut tout de même pas oublier que le lendemain de la diffusion de “Thriller” en France, des centaines de personnes se sont précipitées chez les disquaires pour acheter la musique du clip. Et lorsqu’on leur a présenté l’album, ils se sont rendu compte qu’ils l’avaient déjà !… En somme, l’image ajoute à la musique une autre dimension… Et, à la limite, je me demande si les gens ne sont pas déçus lorsqu’ils ramènent le disque chez eux et qu’ils l’écoutent pour la première fois sans l’apport de l’image”.
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