Les "na-nas" de Goldman
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Les "na-nas" de Goldman
Mars 1984
Philippe Sorbil
Retranscription de Delphine W.
Parce que les disques, les radios, les télés ne suffisaient plus, Jean-Jacques Goldman voulait un contact physique avec les gens.
Le noir. Un film-générique sur des images de New York. Autour de l'écran, les lumières montent doucement. On distingue faiblement des musiciens, dans le décor-capharnaüm d'une cave "underground" qui pourrait se trouver à Greenwich Village. Petits murs de briques, quelques praticables sur-élevés , une grande banane et un palmier synthétiques, une inscription "Motel"…
En veste de smoking, manches retroussées, cravate fine, chemise blanche, jeans serrés et baskets blanches, il apparaît sous les cris des adolescentes, comme si la récré avait sonné. Le cheveu souple et le sourire frais, voici donc Jean-Jacques Goldman.
Il y a plusieurs mois qu'il préparait cette apparition en public. Qu'il le redoutait aussi. Mais, l'enthousiasme de son entourage artistique l'avait littéralement poussé sur les planches. Le jour de la "première", dans un théâtre périphérique parisien, la salle était électrique. On l'y avait déjà vu débuter, quelques mois plus tôt, une petite tournée de rodage. On savait que ce soir-là, c'était, pour Jean-Jacques, le véritable coup d'envoi.
"Je ne veux pas que mon spectacle ne soit que la réplique glacée de mes disques, m'avait-il dit au cours d'un bref passage en Belgique. Il faut des images, du mouvement, une véritable mise en scène. Je ne sais pas encore exactement quoi, mais…".
Faites-moi confiance !… avait-il bien envie d'ajouter, s'il n'avait eu peur de paraître prétentieux. Car ce qui frappe, chez ce jeune homme de trente-trois ans, c'est sa simplicité lucide. Le succès ne l'a pas perturbé, lui. Et pourtant, après "Il suffira d'un signe", puis un deuxième album duquel sont sortis trois "tubes" ("Quand la musique est bonne", "Comme toi" et "Au bout de mes rêves"), le troisième, "Positif", enregistre les meilleures ventes françaises du catalogue C.B.S de ce début 84.
Marié, père de deux enfantes (désolé de mettre ici un terme à beaucoup d'illusions !), Jean-Jacques a bien "galéré" dans les groupes rocks, les bals et les clubs, au sorti d'une enfance sans histoires, sans très grandes ambitions ni très haut niveau d'études musicales. Louveteau, chef de la sixaine des gris, il était spécialiste des deuxièmes voix dans les chorales, tout en apprenant, pour faire plaisir à papa et maman, le piano et le violon. C'est à l'âge de 14 ans qu'il lâcha Vivaldi pour sa première guitare d'occasion.
Cette époque bénie, il l'illustre dans son spectacle par un clin d'œil amusé aux premiers arpèges de la "sèche" à six cordes, puis aux premiers rocks-qui-déménagent, sur fond de photos d'enfant projetées dans le décor. Les autres musiciens, tous des mordus de la scène, s'éclatent dans la nostalgie des années tendres et chacun y va de son petit solo naïf.
Mais le garçon a grandi. Il affectionne manifestement la bande dessinée, dont il nous envoie des vues sur les notes d'un blues pénard. Entre en action le très curieux saxo long, qui invente un instrument hybride, saxophone accouplé à une clarinette, qui se met à jouer "la danse du Marsupilami".
Le show évolue, comme si on ouvrait un numéro spécial de "Podium". Fumées, lumières…sur les premières notes d'intro d'"Il suffira d'un signe", le public est debout. Retour au romantisme "clean". Goldman entame un solo de violon pour "Comme toi". Puis il tire la langue aux journalises pressés par une interview clichée…
Ainsi, chacune de ses chansons s'inscrit dans un scénario de carton- pâte, sur une planche de B.D. ou met la musique en phylactère, sauf au final, au cours duquel les paroles d'impriment sur l'écran pour que toute la salle suive aussi le "texte", qui se termine en "na-na…" Ah ! ces nanas !
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