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Jean-Jacques Goldman sur Radio Landes
(Radio Landes, le 18 juillet 1984)

Jean-Jacques Goldman sur Radio Landes
Radio Landes, le 18 juillet 1984
Retranscription de Géraldine Clot

Animateur : Jean-Jacques Goldman, je t'ai demandé de passer la soirée avec nous parce que Jean-Jacques Goldman est un des éléments en pointe ces temps-ci. Je me rappelle avoir fait une émission avec toi il y a presque deux ans et je retrouve exactement le même Jean-Jacques Goldman. Pourtant depuis ces deux ans là, il s'en est passé des tubes et des succès.

Jean-Jacques Goldman : Oui, mais c'est un peu grâce au fait que je suis venu vous voir. Je vous ai présenté les albums. Vous les avez programmés et puis il se trouve que les gens, ça leur a plu. C'est ça qui s'est passé mais bon, en ce qui me concerne moi, il ne s'est pas passé beaucoup plus de choses.

Animateur : Ce qui me gêne un peu, c'est qu'il y a deux ans, je voulais tout savoir sur Jean-Jacques Goldman parce qu'on ne le connaissait pas trop et on faisait toujours référence à cet ancien groupe que tout le monde connaît maintenant comme par hasard. Alors je suis un peu gêné parce qu'on sait que Goldman a fait partie de Taï Phong, on connaît tous ses tubes. On connaît presque tout sur toi maintenant.

Jean-Jacques Goldman : Oui, oui, mais il ne faut pas trop croire ce que dit la presse ou des choses comme ça parce que je ne crois pas qu'on puisse apprendre quelque chose sur quelqu'un en lisant des journaux, en écoutant des gens. Je crois que ce qui reste quand même le plus intime et là ou on apprend le plus sur quelqu'un c'est quand même en écoutant ses chansons.

Animateur : Tes chansons, on les écoute à longueur de journées. Par contre, ta voix, on a la chance de l'avoir ce soir, et tu disais il y a quelques instants, que certains propos ont été déformés, alors je crois que le plus simple, c'est que je vais te laisser le micro et puis je vais te laisser te présenter, comme ça, ça va se faire en ligne droite, en ligne directe.

Jean-Jacques Goldman : Non, non, il n'y a pas une grosse déformation de mes propos. En plus, ce n'est pas suffisamment important ce que dit un chanteur ou ce que peut être sa vie pour que ce soit dramatique, mais c'est vrai que souvent la presse, en particulier, écrit un peu ce qu'elle veut et puis en particulier, il y a des articles qui sont fait sans notre présence, c'est à dire qu'il faut faire un papier sur un tel, alors les gens n'ont pas le temps de nous rencontrer ou ils n'ont pas envie ou alors il faut qu'ils partent en week-end. Ils écrivent n'importe quoi en se basant sur des articles précédents qui étaient déjà faux donc c'est vrai que c'est délicat, toute cette histoire de presse. Moi, me présenter... Je suis un type qui aime bien faire de la musique depuis toujours, dont le passe-temps favori c'est d'être dans un studio et d'enregistrer des disques de la même façon qu'il y en a qui construisent des chaises ou qu'il y en a qui jouent au bridge ou qui jouent au tennis. Et il se trouve que depuis trois ans je fais des albums qui marchent, et c'est devenu, ça me fait bizarre de dire ça, mais presque un métier alors que pour moi ça reste toujours une source de plaisir au départ.

Animateur : Tu dis "presque un métier", pourtant tu y es, et tout est réuni pour que ce soit réellement un métier, les tournées, les séances d'enregistrement, les séances de promotion, des radios, des télévisions, alors pourquoi "presque un métier" ? C'est parce que dans ta tête, ça n'a pas encore réagi ou... pourquoi ?

Jean-Jacques Goldman : Non, je crois que même dans la tête des gens, ça reste un peu un rêve. Je vois la façon dont réagissent beaucoup de gens quand ils voient la vie qu'on mène. Il y en a beaucoup qui souhaiteraient vivre cette vie, partir en tournée avec nous. Le nombre de propositions que j'ai eues, des lettres de gens qui disent : "bon, je peux prendre une semaine de vacances, ce que j'adorerais c'est suivre la vie de tournée", etc.... C'est sûr que c'est un peu mythique pour les gens. Je crois que le fait que ce soit un métier, ou que je ne le considère pas comme un métier ça ne prouve pas que je ne le fais pas avec soin et il y a des tas de gens qui jouent au tennis et qui font ça de façon très soigneuse en choisissant des bonnes chaussures, en allant s'entraîner plusieurs fois par semaine, etc. Donc disons que c'est un hobby que je fais de façon sérieuse.

Animateur : On a parlé du mot "mythique" un peu tout à l'heure. Je voudrais y revenir un peu parce que Goldman, c'est l'anti-star par rapport à tout ce qu'on a connu jusqu'à maintenant. Goldman représente tout un chacun. Il n'y a pas une évolution de ce côté là ? Les grandes stars sont un peu oubliées ou est-ce que par ce phénomène d'anti-star, qui redeviennent des stars, c'est pas super, c'est vrai, mais, ça se passe comment là ?

Jean-Jacques Goldman : D'abord je ne crois pas être exceptionnel, enfin je ne crois pas que ce soit moi qui aie commencé ce type d'attitude. Il suffit d'entendre euh... je sais pas si tu as déjà rencontré Souchon, par exemple, ou si même tu as déjà rencontré Cabrel qui est dans ton coin. Ce sont vraiment des gens, je ne crois pas qui se sentent très différents des autres en se disant qu'au lieu d'être charpentier ou boulanger, ils sont des faiseurs de chansons. Mais ils n’ont pas l'impression pour ça d'être au dessus des autres, d'être plus intelligent ou d'être plus doués. Si, ils sont plus doués pour faire de la musique et des chansons, comme il y en a d'autres qui sont plus doués pour parler dans un micro, dans une radio par exemple, ou pour être restaurateur, enfin, des tas de choses que je serais complètement incapable de faire. Il y avait Montand qui avait fait une jolie définition, je trouve, de ça. Un jour, on lui disait : "Qu'est- ce que ça vous fait d'être une star ?". Il a répondu : "Mais une star en français ça veut bien dire une étoile". Alors la personne elle lui dit "oui", et il avait dit : "Mais une étoile c'est loin des gens alors ! Donc je ne serais jamais une star parce que je suis près des gens". Et je trouve que c'est une très très belle définition de ce qu'il ne faut pas être.

Animateur : Mais Montand est beaucoup plus loin des gens que tu ne l'es. Tu es beaucoup plus près. Tu es un peu leur...

Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas...

Animateur : Il y a une évolution dans le monde de la musique et tous les jeunes s'y intéressent de près, de très très près et parmi la jeunesse beaucoup d'entre eux n'hésitent pas à passer aux actes et en pratique il y a beaucoup de groupes. Ça bouge beaucoup partout et tu représentes un peu celui qui arrive ici et qui est à l'image de tous ces jeunes qui sont là, en train de s'entraîner avec une guitare, avec une batterie, avec presque rien comme matériel et qui ont envie de réussir, qui rêvent. Ce rêve s'est réalisé, c'est toi.

Jean-Jacques Goldman : Oui, oui et je ne trouve pas qu'il y ait une énorme différence entre ce que je faisais du temps où je n'étais pas connu et maintenant où ça marche. C'est à dire que ce que je faisais c'était de la musique avec la même envie, avec les mêmes échecs, avec les mêmes réussites, avec tout ce qui fait que l'on avance. Et je ne crois pas que le succès prouve que ce que je fais maintenant est mieux que ce que je faisais avant quand j'avais moins de succès.

Animateur : La musique de Jean-Jacques Goldman est une musique qui marche et qui le prouve ces temps-ci avec tous ces succès qui s'enchaînent les uns à la suite des autres. C'est une musique, qui est tout de même directement inspirée de ce qui nous vient et de ce qui se passe en Angleterre et aux Etats-Unis avec des paroles françaises, et qui est à mettre en évidence.

Jean-Jacques Goldman : Oui, c'est je crois l'explication première de l'impact que ça peut avoir sur les gens. C'est que, moi c'est la musique que j'ai jouée depuis toujours simplement parce que j'en n'ai pas connu d'autre. C'est à dire que l'on ne peut pas parler de culture musicale française, à part peut-être du musette ou des choses comme ça, que je n'ai pas bien connu. Nous, enfin, les gens qui s'intéressent à la musique, puisent leur culture, je dirais, enfin, avec des guillemets, ou leur « connaissance », ou leur envie de jouer dans les transistors. C'est la seule source de musique qu'on a et puis, je suis né en 51 donc quand j'avais 15 ans, c'était dans les années 65-70. C'était vraiment la grande grande révolution qu'avaient commencée les Beatles et tout ça. Donc c'est la seule musique que j'ai connue et la seule musique qui m'a formé ou déformé, comme tu voudras, et c'est celle-ci que je joue maintenant en y mettant des textes français et en l'adaptant. Et je crois que le moment est venu pour les hit-parades, pour les mômes, pour eux. Ils ont envie d'écouter cette musique là, et c'est parce que je suis là à ce moment là que ça marche.

Animateur : Beaucoup ont cherché à faire quelque chose, certains n'ont pas hésité à chanter en anglais carrément avec leur musique directement inspirée. Toi ça a été un pari, quand même au départ, de chanter en français, et je crois que tu prouves que ça marche, que ça peut marcher et on y est. Il n'y a pas de problème.

Jean-Jacques Goldman : Oui, ça, c'est très très difficile, c'est vraiment effectivement le grand grand problème. Alors, la première chose que je te dirais, c'est que j'ai trahi quand même au départ puisqu'avec Taï Phong, j'ai chanté en anglais très longtemps et avant avec tous les autres groupes ou je chantais les classiques, que ce soit du blues, que ce soit des Deep Purple et autres. Pour faire danser les gens, je chantais donc en anglais, et c'est assez tard que m'est venue l'envie de faire des textes en français. La grande grande difficulté pour les chanteurs français réside là parce que s'il y a une particularité qui reste à la chanson française, c'est l'exigence vis-à-vis des textes. C'est à dire qu'on ne peut pas chanter les stupidités que chantent les anglais ou les américains qui passent tout seul. C'est un peu ce que je faisais hier en faisant la traduction de Jenny Jenny Jenny. Quand on traduit, c'est absolument épouvantable. Ça ne passe pas du tout en français. Donc il faut faire un effort particulier en adaptant sur cette musique, ce qui n’est déjà pas très très facile, des textes qui ne soient pas complètement débiles et qui sonnent quand même, et ça c'est ce qui demande le plus de travail.

Animateur : C'est vrai au niveau des textes, anglais ou américains, quand on regarde de près et qu'on s'amuse à faire la traduction [NDJM : Il manque un morceau]. A propos des chansons françaises, mais du côté anglais ou américains c'est pas si mal.

Jean-Jacques Goldman : Oui, oui, ça peut s'appliquer vraiment dans l'intégralité de son sens. Ce qui est un peu injuste, c'est à quel point on les accepte tout crus parce que finalement on ne comprend pas trop, et puis par contre à quel point on va descendre un type qui fait à peu près la même musique avec des paroles pas plus bêtes, enfin, pas plus intelligentes non plus, mais quand c'est en français, évidemment, ça choque beaucoup plus.

Animateur : On ne va pas revenir sur les lois du succès. Je pense que tout le monde les connaît. On en parle souvent, et c'est souvent le première question qui vient à l'esprit dès que l'on a un artiste derrière un micro. J'aimerais que l'on parle un peu plus de la musique de Jean-Jacques Goldman, de sa façon de travailler, de sa façon de composer. Je crois que ça intéressera beaucoup plus peut-être tous ces jeunes qui sont impatients d'avoir quelques renseignements de ce côté là.

Jean-Jacques Goldman : Pour moi, c'est la finalité un peu de tout ce cirque. C'est à dire de la vie de chanteur qui comprend la scène, la promotion, les télévisions, les radios, les interviews, et dieu merci, ça comprend aussi la composition et l'enregistrement d'un disque. Alors pour moi, la composition et l'enregistrement d'un disque, c'est ce qui me passionne le plus, c'est ce qui m'intéresse le plus, c'est la finalité de toute cette démarche. Ce que je fais, c'est que pendant neuf ou dix mois, je prends des notes, sans arrêt. Des notes entre guillemets, c'est à dire que c'est aussi des notes de musique et des petits bouts de phrases, des situations, des moments que j'ai pu vivre, des émotions que j'ai pu avoir, ou des mots qui sonnent bien. Je note tout ça sur un petit carnet. Ça, ça dure neuf mois, dix mois. Au bout de ce temps, j'ai eu beaucoup de choses et je m'arrête pendant deux mois ou je mets ça en forme. Donc là c'est la partie travail ou je prends toutes ces petites idées, mais qui parlent de choses authentiques, c'est à dire qu'il n'y a pas un moment où je me dis : bon, ben de quoi je vais parler sur cette chanson. J'ai toujours des thèmes ou des mots qui paraissent ou qui sont venus déjà. Ça c'est la période travail, et ensuite vient le mois le plus important, le plus crucial. C'est quand toutes ces maquettes sont terminées, je recommence au moins dix ou quinze versions de chaque chanson pour le découpage. Le découpage de la chanson, c'est ce qu'il y a de plus important, vraiment de fondamental. C'est à dire qu'au début, on a une façon un peu classique, un peu naturel de faire une chanson, et c'est la mauvaise en général, c'est à dire qu'il faut savoir couper, il faut savoir enlever des choses, et ce qui fait toujours mal une fois que... enfin quand on est un peu créateur, ça fait du mal d'enlever un mot, ou d'enlever un moment de musique qui paraît… un pont qui nous est paru très naturel. Mais c'est le plus important. Et après ce découpage, je rentre en studio, et comme les maquettes sont quasiment, enfin sont très très précises, je mets assez peu de temps en studio. Un mois et demi maximum.

Animateur : Alors là, pour ce découpage, pour ce choix, tu travailles tout seul ? Tu travailles en équipe ? Certains le font tout seul. Est- ce que tu as une équipe avec toi ? Est-ce que tu as des musiciens qui te suivent, qui sont là, qui te donnent leurs idées ?

Jean-Jacques Goldman : Non, non, je travaille tout seul. J'ai un petit studio chez moi, très simple. C'était un quatre pistes. Enfin là je me suis mis en huit pistes parce que c'est plus facile, mais jusque là j'étais en quatre pistes. Je fais ces maquettes tout seul, et quand j'arrive en studio par contre je fais appel à des musiciens de studio, enfin pour les parties que je ne sais pas jouer, genre batterie, basse, etc... et je leur fais écouter la maquette et quasiment sur la maquette, il y a déjà tout le morceau.

Animateur : Et on fait par exemple, les basses rythmiques de quinze titres...

Jean-Jacques Goldman : Oh non, je pars sur douze titres en général en studio. On fait les basses rythmiques en quatre jours, cinq jours maximum. Donc ça, ça va très très vite.

Animateur : Ce qui peut expliquer aussi le succès de Jean-Jacques Goldman, c'est le style, c'est cette voix qui part parfois très très loin, assez haut perchée et qu'on a du mal à suivre.

Jean-Jacques Goldman : Oui, ça c'est une chose qui m'a valu beaucoup de critiques au départ, en particulier sur la radio périphérique. Ils disaient qu'ils ne supportaient pas ma voix ou des choses comme ça, ce que je comprends très bien. Mais par contre je crois que ce qu'elle a de bien, c'est qu'elle est reconnaissable. Et c'est un peu le problème de beaucoup de chanteurs, enfin de jeunes chanteurs qui amènent des maquettes, c'est que ça ressemble toujours trop à quelque chose, même si ça peut être mieux même que quelque chose qui existe, mais ça n'est pas très personnel. Et ça, c'était l'intérêt un peu de cette voix, c'est qu'une fois qu'on l'écoutait, soit on la haïssait, soit on l'aimait, mais en tout cas, on savait que c'était moi qui chantais.

Animateur : Oui, apparemment, ce sont ceux qui l'aimaient qui l'ont emporté.

Jean-Jacques Goldman : Il y en a beaucoup qui ne supportent pas quand même. On le sent, que ce soit au niveau des disques, même au niveau de la scène. Par exemple, c'est un tout petit détail, mais je suis un chanteur qui ne fait pas de guichet. Tu sais ce que ça veut dire le guichet ? C'est les gens qui viennent au dernier moment. Moi, il n'y a jamais personne qui vient au dernier moment, ou peut-être vingt personnes sur une soirée. Ce qui veut dire que tous les gens qui voulaient venir, on a fait le plein avant, et par contre il n'y a personne qui se dit : bon ben, qu'est-ce qu'on fait ce soir, on va écouter Goldman, ou des trucs comme ça. Et ça personne. C'est à dire qu'il y a une motivation chez les gens, soit dans la haine, soit dans l'envie d'y aller.

Animateur : Certains chanteurs, à partir du moment où ils commencent à éclater, où on commence à les connaître, où ils ont du succès, où ils sont reconnus, je préfère ce terme, avaient déjà un certain capital de chansons. Je connais des chanteurs qui avaient composé certaines d'entre elles depuis déjà cinq, six à dix ans. Est-ce que « Il suffira d'un signe », « Quand la musique est bonne », enfin toutes les chansons que nous connaissons étaient déjà composées ou alors est-ce que ça s'est fait au moment ou tu as signé dans cette maison de disque ?

Jean-Jacques Goldman : Non, j'avais une vingtaine de chansons « consommables », disons. J'en avais beaucoup plus parce que j'avais essayé d'en placer au début, quand je ne comptais pas être chanteur, et personne n'en voulait. C'est pour ça que je les ai chantées. Le deuxième album a été composé presque entièrement par rapport au premier. C'est à dire que le premier, évidemment, c'était des chansons que je traînais depuis trois, quatre ans, et le deuxième par contre, a été composé entièrement pendant les douze mois qui ont suivi le laps de temps entre le premier et le second sauf peut-être une ou deux comme « Veiller tard » que j'avais avant, des choses comme ça.

Animateur : En ce moment, c'est le smurf. Ça vient encore des Etats- Unis. En France, il y a un come-back de toutes les années 60. Est-ce que tu ne penses pas que tes chansons s'inscrivent un peu dans ce cadre là ? Mais c'est du plagiat systématique, c'est tout de même un phénomène évolutif, c'est à dire qu'on a fait avancer les années 60, mais c'est directement dans la lignée.

Jean-Jacques Goldman : Non, je ne crois pas que ce soit les années 60. C'est plutôt, par contre, les années 70-75, c'est à dire la période après, avec des guitares plus saturées, avec une façon de chanter plus agressive, mais là je suis tout à fait d'accord avec toi. C'est une musique qui n'est pas très moderne que je fais, qui est plutôt un peu plus passéiste, et qui est plutôt basée sur ces années 70 à 75 et qui sont les années où je jouais le plus.

Animateur : Les autres devraient se poser des questions au lieu de persister dans un certain style.

Jean-Jacques Goldman : Non, je ne crois pas. Chacun a son style, et il y a quelqu'un qui va faire un gros succès avec, je ne sais pas moi, les gens comme les Forbans par exemple, avec des trucs des années 60. Il y en a d'autres qui vont faire la chanson très new wave et qui vont faire aussi un succès. L'important, c'est de toucher les gens. Peu importe les références qu'on peut avoir et la façon dont on l'enregistre.

Animateur : Je crois qu'il faudrait en parler un petit peu de ce contact avec le public.

Jean-Jacques Goldman : Oui, c'est pour moi quelque chose qui ne m'est pas très naturel. C'était au départ un peu une contrainte de partir sur scène parce que je suis plutôt tenté par l'ombre, par les studios, par la tranquillité, enfin surtout par la musique qu'on peut refaire. Tu sais, quand on fait telle ou telle prise sur un 24 pistes, tu la refais après, il n’y a pas de problème. Tandis que là, il y a un côté immédiat de la musique qui est un peu effrayant. Et finalement, tu sais, c'est comme toutes les choses que tu fais un peu à contre-cœur ou qui sont loin de ton tempérament, c'est que se sont les choses en général, qui apportent le plus, et même si elles sont très fatiguantes, très contraignantes, ça impose un genre de vie particulier. Ce sont des choses qui sont enrichissantes et très positives finalement.

Animateur : Jean-Jacques Goldman , un peu réservé, solitaire, un peu timide ?

Jean-Jacques Goldman : Non, là on parle sans trop de difficulté. Euh non, solitaire oui, enfin... solitaire non, je ne vis pas comme un vagabond, ou comme un misanthrope, mais j'ai besoin très souvent de me retrouver un peu tout seul.

[NDJM : Il manque un morceau]

Jean-Jacques Goldman : « Encore un matin », c'est un extrait du 33 T. C'était pas mon choix sur ce 33 T, mais bon, il y avait eu un espèce de consensus de la maison de disque sur ce titre là. C'est un titre que j'aime bien aussi, donc il n'y a pas de problème, puis le mien sortira plus tard.

Animateur : On peut être indiscret ?

Jean-Jacques Goldman : J'ai une petite tendresse pour « Américain » parce que je trouve que c'est un titre qui est un peu différent de ce que je faisais jusqu'à maintenant alors que j'ai tendance à trouver que « Encore un matin » c'est un peu une caricature de la musique que j'ai faite jusqu'à maintenant. Je ne crois pas que ce sois un grand risque. Ce n'est pas une chanson devant laquelle je rougis. « Comme toi » m'avais intéressée un peu plus parce que c'était un peu en rupture avec la musique spécifiquement discothèque que je fais quand même.

Animateur : Les chansons, les toutes dernières de Jean-Jacques Goldman sont un petit peu moins orientées vers le côté insolite. « Quelque chose de bizarre », « Il suffira d'un signe », là c'est « Envole- moi ». Je crois que là tu t'adresses beaucoup plus à tes auditeurs, à ton public, dans les sujets, dans les thèmes.

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai pas bien analysé ce qui se passait au niveau des textes. J'ai peut-être tendance, mais ça c'est un peu normal à partir du moment ou tu as un contact plus précis avec les gens qui achètent tes disques ou qui viennent te voir en concert, c'est ce qui se passe puisque je reçois des lettres, puisque je les rencontre un peu, on a tendance à parler de façon un peu plus personnelle. Parce que le contact est pris , parce que d'une certaine manière, on s'est présenté. C'est comme au début d'un repas où on parle du beau temps, des choses comme ça et puis ensuite, une fois que l'ambiance est un peu réchauffée, on peut parler de choses un peu plus personnelles et c'est peut-être ce qui se passe sur, en particulier le dernier album, ou même celui d'avant, la confiance s'étant un peu instaurée, c'est peut-être un peu plus impudique les thèmes, sans être très impudique. Ils sont peut-être un peu plus personnels et moins vagues.

Animateur : Je crois que ça sera pour terminer et c'est peut-être une question aussi que j'ai envie de te poser simplement, comme ça. Que sera le prochain Goldman ? Est-ce que déjà il y a une petite idée ?

Jean-Jacques Goldman : Je le sais déjà parce que c'est très simple. Un album, comme on a dit tout à l'heure, c'est en gros les douze ou dix- huit mois qu'on a vécu avant. Alors, je vois quels auront été ces douze ou dix-huit mois. Ça aura été la scène, les kilomètres, les voitures, le public, les hôtels, la vie un peu éphémère et qui change chaque jour. Alors je crois que le prochain album respirera beaucoup la scène.

Animateur : Donc d'ici quelque temps, l'an prochain ?

Jean-Jacques Goldman : Oh, là, là, oui. Je crois que ce ne sera pas avant septembre 84... 85 pardon.

Animateur : En écoutant les chansons de Jean-Jacques Goldman, c'est un défilé d'images qui se produit. Et je crois que c'est en accord, complètement, avec cette évolution qu'il y a dans la musique, parce que jusqu'à maintenant, on faisait un disque, on passait ça en matrice et puis on mettait ça sur son pick up. Ça change, ça évolue là. L'image apparaît.

Jean-Jacques Goldman : L'image apparaît avec un gros retard en France puisque c'est surtout les Anglais, les Américains, une fois de plus qui nous ont...bon, je ne vais pas te parler de Michaël Jackson, mais je crois que c'est vraiment la différence essentielle qu'il a montré. Son succès effarant est évidemment motivé par le fait qu'il a mis, le premier, des images qui sont aussi importantes que sa musique, avec les clips et tout ça. Parce qu'on ne peut pas considérer que Michaël Jackson est, par exemple, un compositeur dix fois plus, ou cent fois plus important que Stevie Wonder ou des gens comme ça. Donc ce qui a fait la différence évidemment, c'est son génie de l'image en plus de la musique et ça c'est effectivement une évolution qui est irréversible sur l'année 83-84. C'est vraiment ce qui a changé.

Animateur : Il ne faudra pas être surpris si dans les prochaines chansons de Jean-Jacques Goldman, il y a des idées qui sont mises en avant pour le clip alors ?

Jean-Jacques Goldman : Ça, c'est pas spécialement à moi. J'ai déjà entendu des groupes ou des chanteurs, en particulier Alain Souchon, sur son prochain disque qui a dit qu'à partir de maintenant, il voyait des images en même temps qu'il composait les textes. Et je crois qu'on est tous un peu pareil, c'est à dire que maintenant quand on va écrire nos textes, on verra tout de suite comment on peut éventuellement l'adapter ou le visualiser par des images.

Animateur : Alors justement, à partir de ce moment là, à partir du moment où il y aura des clips, est-ce que tu seras partie prenante, toi qui es un créateur sur le plan musical, est-ce que tu le seras aussi au niveau de l'image ?

Jean-Jacques Goldman : Non, non, alors là, au niveau de l'image je suis un nain, un handicapé de l'image. Je n'ai jamais été très très ému par des tableaux, par des choses comme ça, ou par un paysage. Moi c'est les notes qui me font vibrer. Ce ne sont pas les images, mais comme je suis très conscient de ça, je m'entoure de gens qui voient des images sur mes notes, en particulier pour ce spectacle là. C'est leur compétence à eux qui palliera mes incompétences et mes insuffisances à ce niveau là. J'ai déjà suffisamment de mal à m'arranger avec des notes et avec des mots pour en plus m'embêter avec des images.

Animateur : Jean-Jacques Goldman merci de nous avoir accordé cette heure. Un des ces matins peut-être dans nos studios ?

Jean-Jacques Goldman : Peut-être, oui. Ce qui manque le plus c'est le temps, parce que s'il y a beaucoup de choses qui ont changé, malheureusement, les jours font toujours 24 heures et les années 52 semaines, et donc j'espère trouver quand même un petit bout de temps pour euh... je vois quelqu'un qui me montre le montre parce qu'il faut s'en aller... J'espère trouver un petit bout de temps pour le repasser avec toi.

Animateur : Merci Jean-Jacques.

Jean-Jacques Goldman : Merci. A très bientôt.


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