Jean-Jacques Goldman ne viendra jamais au Printemps de Bourges
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Jean-Jacques Goldman ne viendra jamais au Printemps de Bourges
Berry Républicain, 1984
Pascal Vigneron
Retranscription de Céline Vallet
Pascal Vigneron : On vous avait annoncé au dernier "Printemps de Bourges" et vous n'êtes pas venu. Pourquoi ?
Jean-Jacques Goldman : Je fais de la scène pour répondre à une demande. Je pense que, honnêtement, je n'ai pas le droit d'émouvoir des gens par des disques et de ne pas aller les voir ensuite, de les laisser tomber. Le Printemps de Bourges, ou ces festivals-là, sont des endroits où les gens viennent, pas obligatoirement pour vous voir, vous. Il y a un public qui m'aime, un autre qui me hait. Il y a peu de gens qui peuvent venir passer une soirée comme ça... Bon...C'est pas la peine que j'aille agresser ceux qui n'ont pas envie de me voir....
Pascal Vigneron : Vous ne tenez pourtant pas plus que cela à monter sur les planches ?
Jean-Jacques Goldman : La scène c'est loin d'être mon tempérament. C'est pas l'endroit où je me sens bien, c'est pas l'endroit où j'ai rêvé d'être, contrairement à un tas de chanteurs pour qui elle représente une finalité. Dans leurs rêves, ils se voyaient sur scène avec des gens qui crient. J'avoue que moi, je n'ai jamais rêvé à ça. Je le fais un peu par nécessité, en tout cas fortement contre nature. Je suis beaucoup plus à l'aise chez moi, en train d'écrire des chansons, dans un studio en train de les réaliser, que sous le feu des projecteurs avec des gens qui crient, avec l'obligation de leur parler. Du fait que c'est loin de moi, c'est sûr que j'en tire énormément de choses. Je pense que cela se lira dans mes prochains albums et probablement dans ma façon d'être.
Pascal Vigneron : Goldman fait « gentil », bien élevé, mari rêvé pour ses jeunes fans, gendre idéal pour leurs mères... ?
Jean-Jacques Goldman : Cette image de chanteur « gentil », je la perçois très bien. Je préfère être en face de gens qui ne m'agressent pas, que de gens qui me donnent des coups de poing... Je dois être un peu bizarre... La connotation entre « gentil » et « niais »... c'est une chose que... je m'en tamponne, en gros. Il faut dire « con » et « merde » pour avoir l'air intéressant, je peux le dire, mais ce n'est pas une chose qui m'excite vraiment. Ceux qui ne trichent pas, je ne voudrais pas être démagogique, c'est quand même le public car, lui, il paie ses disques. On a beau leur raconter que l'image du chanteur est niaise, eux ils achètent ce dont ils ont envie. De ce côté-là, merci, ça se passe bien !
Pascal Vigneron : Et le matraquage sur les ondes ?
Jean-Jacques Goldman : C'est vrai mais vous savez, c'est fonction de la demande du public. Ensuite, c'est évident, ça fait boule de neige.
Pascal Vigneron : Dernière question. Qu'est-ce qui a le plus d'importance pour vous, la musique ou le texte ?
Jean-Jacques Goldman : La musique. A la limite, presque plus à la musique des mots qu'aux mots eux-mêmes. Ce qui ne veut pas dire, une fois de plus - c'est comme le fait d'être gentil et niais - que mes textes ne veulent rien dire. Je ne dis pas non plus que ce sont des messages, mais ce qui me paraît le plus important, c'est que lorsqu'on entend une chanson pour la première fois, de la même façon qu'on entend une chanson anglaise ou américaine pour la première fois, on ne sait pas de quoi ça parle. Mais cela crée immédiatement un climat. C'est ce que j'essaie de faire avec mes chansons.
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