Le phénomène Jean-Jacques Goldman
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Le phénomène Jean-Jacques Goldman
Télé Poche, 2 décembre 1985
Francis Maroto
Retranscription de Monique Hudlot
Jean-Jacques Goldman au Zénith : triomphe homologué
Goldman à la une de notre journal. Un phénomène qui s'impose naturellement. Sa tournée-triomphe à travers la France, avec un arrêt Zénith-Porte de Pantin-Paris, l'atteste. Du 3 au 18 décembre, il fixera l'attention de la capitale, jouant même les prolongations pour cause de succès. La télé lui fait la part belle en toute occasion. Promo et pub à tout va. Prochainement sur vos écrans, Goldman chez Drucker. Pour les fêtes de fin d'année, entre autres.
Plus que les projets déjà connus, c'est l'esquisse d'un personnage, singulier en apparence, qui sert de support à ces lignes. Retour vers certaines étapes passées, avec explications. Mais sans états d'âme. De la sensibilité, pas de sensiblerie.
Affirmer que Jean-Jacques Goldman est le numéro 1 de la chanson made in France n'appartient pas encore au domaine du pléonasme. Pourtant cela s'y apparente bigrement. Exemples ?
Les galas à travers la France qui affichent complet. Le Zénith bourré jusqu'à la gueule deux mois avant de commencer, prolongations comprises. Le nouvel album, "Non homologué", bousculant la hiérarchie des ventes dès son apparition sur le marché. Premier en une semaine. Plus vite que lui tu meurs pour dépassement de la vitesse... du son. Prémices précédents, le 45T extrait de l'album. Un million de vente pour "Je marche seul". Vous parlez d'une balade en solitaire !
Goldman compose, arrange, écrit, chante, lie le contact avec le public mais ne s'exprime pas devant la presse écrite. Ou si peu. Quelques confidences aux journaux pour jeunes. Un choix ? "Il y a quelques années, j'ai découvert une interview intitulée "Soyez cool avec Jean-Jacques Goldman" dans un magazine. Etonnement. Je n'avais rencontré aucun reporter de cet hebdomadaire. Téléphone à la journaliste qui me renvoie auprès de la rédactrice en chef. Explications confuses avec comme argument final : "Le public veut du Goldman. On lui en donne, que cela vous plaise ou non". Dès lors j'ai pensé qu'il était préférable que ces interviews aient vraiment lieu". Etonnant de la part d'un jeune homme qui rechigne à recevoir la presse écrite.
Goldman réservé, timide, dédaigneux ? "Absolument pas. Mais tout ce que je peux exprimer en dehors de mes chansons sera moins bien dit. D'ailleurs les chansons offrent la possibilité à ceux qui les écoutent d'ajouter des aspects de leur propre imaginaire. Ne pas occulter cette liberté m'apparaît essentiel". Remarque : la liberté d'écouter Goldman, personne ne s'en prive vraiment. Après la distribution des copies en vinyle de "Je te donne" le résultat fut éloquent. Succès. Partagé avec Michael Jones cette fois. Le Gallois à la voix de cristal et au menton fendu par une fossette façon Kirk Douglas. Il devait remplacer Jean-Jacques au sein du groupe Taï Phong. Depuis, ils travaillent de concert dans le triomphe.
Un tel engouement d'emblée pour l'album, cela rassure ? "Et comment. Je suis fou de joie même". Pour un être n'extériorisant pas ses sentiments en public, il n'hésite pourtant pas à dévoiler un réel plaisir face à cette réussite. Il tire même une fierté certaine de ce disque. "Ce n'est pas un album-escroquerie. Je le crois dense, honnête. Même si j'ai reçu quelques lettres de rupture d'admirateurs de la première heure". Premières heures, premières oeuvres connues : "Il suffira d'un signe". Le succès claque comme un coup de fusil. En plein coeur. "Quand la musique est bonne", succès canon. Boum sur les ondes avec en écho, "Comme toi", "Au bout de mes rêves". Notamment. "Pour ce second album je devais être en état de grâce. Chaque titre, dans un domaine précis, demeure ce que j'ai fait de mieux. Je ne réussirai jamais plus un tel album". Allons, allons... "Non homologué". "Positif". "Minoritaire". "Démodé". Deux titres d'albums et deux adjectifs qui pouvaient également faire office de titres dans l'esprit du chanteur. "C'est après avoir terminé un album que je cherche le titre. Un titre doit être le dénominateur commun à chaque chanson. "Non homologué" parce que ce disque est bâti de bric et de broc. Sorte de fourre-tout dans lequel on trouve pêle-mêle banjo, synthé, jazzy, rock, variétés et bien d'autres tendances. Mais aucun courant ne peut le revendiquer". Pas même les anti-communistes, malgré le clip de "Je marche seul" ? Un bidasse de l'Est qui file à l'Ouest, tout de même... "Etait-ce vraiment crédible d'envisager l'inverse" ?... "Positif", l'album précédent, réunit un ensemble de titres générateurs d'espoir. Il fixe un besoin d'être positif. "Minoritaire" aurait pu barrer la façade de ce fameux deuxième album. "C'est vrai, les êtres dépeints dans la plupart des chansons sont intégrés dans un univers bien plus vaste. Quant à "Démodé", il reflète le sentiment éprouvé à l'égard du premier disque".
Vous avez dit rétro ? A voir ou plutôt à écouter, sûrement pas. Ce garçon charrie trop de passion dans la jeunesse de ce pays pour sentir la naphtaline à trente-quatre ans. Il libère trop d'adrénaline sur son passage. A Paris, il suffit d'un signe pour faire courir la foule. En province, même phénomène avec un retour de flamme encore plus brûlant. "Les gens y sont plus sincères, porteurs de davantage de naturel. A Paris, en concert, la glace à briser s'avère plus épaisse. Les spectateurs demeurent davantage sur la défensive."
Encore un Parisien originaire du 19e, nostalgique de la province qui... "surtout pas. L'anonymat de la capitale me convient parfaitement. J'éprouverais des difficultés à vivre ailleurs".
Ah bon... Nous voilà rassurés, nous, les gavroches !
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