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Une interview du nouveau roi de la chanson
(Télé 7 Jours, 1er au 7 février 1986)

Une interview du nouveau roi de la chanson
Télé 7 Jours, 1er au 7 février 1986
Martine Bourrillon
Retranscription de Monique HUDLOT

Champion du "Top 20" et du "Top 50", il a conquis la France avec ses chansons et sa sincérité.

A la fin de "Champs-Elysées", le 18 janvier, il n'a pas chanté "Je te donne", comme prévu, mais a offert une autre de ses chansons en hommage à Daniel Balavoine : "Confidentiel". Celle-ci figure aussi sur son dernier 33 tours et les paroles semblent écrites pour l'auteur de "L'Aziza" : "Je voulais simplement te dire. Que ton visage et ton sourire, Resteront près de moi, sur mon chemin… Ça restera comme une lumière. Qui m'tiendra chaud dans mes hivers. Un petit feu de toi qui s'éteint pas…". Sur ce même disque, Jean-Jacques avait déjà consacré une chanson à Danièle Messia, chanteuse beaucoup moins connue que Daniel et morte dans une presque indifférence. On comprend alors pourquoi il nous a dit, le jour où nous l'avons rencontré, avant que Daniel ne soit plus là : "J'évite les interviews parce que je pense que le chanteur est toujours moins beau que les chansons qu'il chante. J'ai peur. Je suis sûr que je ne peux que décevoir ceux qui en viendraient à me connaître vraiment…"

Ce n'est pas ce qu'ont eu l'air de penser, quelques minutes plus tard, les jeunes de ce petit bistrot de banlieue où nous sommes allés nous réchauffer après une ultime répétition de Jean-Jacques. "Vous avez tout, a lancé l'un d'eux, le succès, l'argent, le pouvoir". "L'argent, oui, ça me laisse du temps pour travailler, répond Jean-Jacques. Je me dis que j'ai au moins cinq ans devant moi. Après… après, on verra. Si ça ne marchait plus, je ferais un autre métier. Avant d'enregistrer mon premier disque, je travaillais dans un magasin de sport, avec l'un de mes frères. Je m'occupais de la comptabilité. Je n'ai arrêté qu'au moment de mon deuxième disque".

Car, Jean-Jacques, depuis quatre ans, réussit ce prodige d'accumuler les disques d'or, à chaque 33 tours, de décrocher d'entrée la première place au "Top 20", de demeurer plusieurs semaines d'affilée premier du "Top 50", avec "Je te donne", et enfin d'être élu numéro 2 des chanteurs du référendum "Télé 7 Jours". Et tout cela, à 34 ans. "Le succès ? Il n'a presque rien changé dans ma vie. Je vis simplement". Le même pavillon de banlieue, avec sa femme qui est psychologue et leurs trois enfants, âgés de 1 à 9 ans, une voiture des plus courantes, une Talbot Horizon : "Je ne sais même pas par coeur mon numéro d'immatriculation ! Et puis je n'ai jamais souffert du manque d'argent, même quand personne ne voulait de ma musique. Mon plaisir, c'est de m'enfermer dans ma cave où j'ai installé un studio et de composer". Jean-Jacques Goldman aime travailler. Depuis longtemps. Cours de violon d'abord. "Parce que mes parents, qui n'avaient rien, ont eu l'intelligence de vouloir tout nous donner". Mais ces cours ne le passionnent guère et il abandonne. Puis, un peu de piano et la guitare.

De 15 à 29 ans, Jean-Jacques fait partie de petits groupes. Le premier sous l'égide du curé de Montrouge, les suivants à l'EDHEC-Lille où il poursuit des études commerciales, le dernier, Taï Phong, qui connaît un certain succès. Quand le groupe se disloque, Jean-Jacques songe à renoncer : "Je me suis dit que j'allais seulement composer des chansons pour les autres. De toutes façons, ce qu'il y a de mieux dans le spectacle, ce n'est pas moi, c'est le public. Il met à l'aise, il galvanise, même si l'on n'a pas assez dormi la veille, même si l'on a des soucis. Il pardonne tout à condition qu'on ne triche pas. Que l'on donne…" Donner, le mot revient souvent dans les chansons de Jean-Jacques. Jusqu'à devenir le titre de celle qu'il interprète avec Michael Jones : "Nous sommes amis depuis quatorze ans, nous étions tous les deux dans le groupe Taï Phong. J'ai eu du succès avant lui. Il va en avoir avec le disque "Guitar man" qu'il vient de sortir. On va parler de lui". "Personne ne parle pour nous, se plaignent encore les jeunes du café. On ne peut pas s'en sortir". "Alors là, s'insurge Goldman, ce discours me met mal à l'aise. Moi, quand mon père est arrivé en France, il avait, pour tout bagage, deux pièces de monnaie, cachées dans son col de chemise. Mon père est d'origine polonaise, ma mère d'origine allemande. Des réfugiés juifs, qui ont dû se battre, qui ont fait la Résistance. Mon père a fait tous les métiers. Il a été tailleur, poseur de rails. Il a fini par s'engager dans les Chasseurs d'Afrique. C'est ainsi qu'il a obtenu sa naturalisation, à cette époque- là… Moi j'ai été élevé comme un enfant bourgeois et je ne suis pas de ceux qui en ont honte. La zone, il faut s'en sortir, mais ne comptez pas sur les autres pour faire le boulot à votre place. On nous a reproché, explique encore Goldman, à moi et à ceux qui ont participé au disque et au concert pour l'Ethiopie, de n'agir que pour la misère du bout du monde. C'est vrai, il y a de la misère ici aussi. Et si l'occasion m'est donnée de participer à autre chose, je le ferai". Le jeunes se sont poussés du coude : "On peut vous serrer la main ?" "C'est vrai, c'est émouvant toutes ces marques d'affection, reconnaît Jean-Jacques, mais parfois, j'avoue, cela m'effraie…"

Son copain Balavoine Jean-Jacques et Daniel avaient chanté avec passion au concert pour l'Ethiopie de La Courneuve : "Daniel, je l'ai connu du temps des bals, dit Jean-Jacques. Il était dans le groupe Présence et moi dans le groupe Phalanster. Tout ce qu'il a écrit et chanté restera, c'est une certitude, mais ce qui va nous manquer, c'est lui. C'est le chanteur français qui avait le plus de projets ambitieux et il les aurait réalisés".


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