Studio 1
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Studio 1
Europe 1, mars 1986
Michel Drucker
Retranscription de Géraldine Renard
Michel Drucker : Bonjour, Jean-Jacques Goldman. Jean-Jacques est là et il a pris son petit-déjeuner. Est-ce que ton micro fonctionne, Jean- Jacques ?
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : Très bien, Jean-Jacques, c’est une heure assez anormale pour un chanteur pop-star [rires].
Jean-Jacques Goldman : Ceci prouve que : soit je ne suis pas un chanteur pop-star, soit c’est une heure normale.
Michel Drucker: C’est une heure normale. Nous allons bavardé longuement avec Jean-Jacques ce matin. Nous parlions de la critique, s’il s’agit d’un sujet qui vous intéresse. Est-ce que vous suivez la critique ? Est-ce que vous suivez attentivement la critique ? Est-ce que la critique détermine vos choix en ce qui concerne l’achat d’un livre, pour aller au cinéma, au théâtre ?Vous allez nous dire tout cela au 42 32 15 15. Est-ce que vous lisez la critique et qu’est-ce que cela vous inspire comme réflexions ? Vous nous téléphonez. Quant à nous, nous allons écouter Michael Jones et Jean-Jacques Goldman. [début de l’intro de "Je te donne"] Est-il besoin de vous rappeler le titre de cette chanson ?
[Je te donne]
Michel Drucker : [Proche de la fin de la chanson] "Je te donne" mes différences, tous mes défauts, y en a-t-il beaucoup ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, mais nous en avons tous, tant mieux [rires de Michel Drucker].
Michel Drucker : A mon avis, cela devrait rentrer dans le top.
A2 : Cela devrait être premier dans peu de temps.
Michel Drucker : Alors premier au top cinquante, c’est premier des ventes de quarante-cinq tours, premier des albums.
Second animateur : Oui.
Michel Drucker : C’est premier partout.
Second animateur : C’est premier partout.
Michel Drucker : En classe, étiez-vous également le premier partout ? [rires]
Jean-Jacques Goldman : Non, non, j’ai toujours été dix-septième. C’est le genre de place où on est pas assez bon pour obtenir des prix, mais on passe dans la classe supérieure [rires].
Michel Drucker : Dans quel lycée étiez-vous ?
Jean-Jacques Goldman : Tout d’abord au lycée François Villon dans le quatorzième arrondissement…
Michel Drucker : …au top cinquante de François Villon vous n’avez jamais franchi la dix-septième place ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non ; dix-septième, vingt-troisième place. J’avais quelque chose comme 10,5 de moyenne. C’était un peu cette ambiance.
Michel Drucker : Vous vendiez peu donc très peu de quarante-cinq tours ?
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : Il y a vraiment quelque chose d’irrationnel dans un succès pareil ?
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : On ne contrôle pas ?
Jean-Jacques Goldman : Non.
Michel Drucker : Pourquoi cette chanson plutôt qu’une autre ?
Jean-Jacques Goldman : Pourquoi cet album plutôt qu’un autre ?
Michel Drucker : A quoi cela tient, à votre avis ? Si, cela tient peut-être au fait que les autres qui avaient déjà du succès prévoyaient cette explosion car ils n’avaient pas été des "bides". Lorsque l’on regarde tout ce que vous avez chanté depuis trois ou quatre ans, à chaque fois les scores s’amélioraient.
Jean-Jacques Goldman : Oui, il y a une acclimatation. Les gens ont besoin de connaître un peu. Puis ils font confiance et à force d’être là, ils font plus confiance. Je n’en sais rien mais il faut simplifier les choses. J’aurais tendance à dire que peut-être que cela fonctionne parce que les gens aiment bien les chansons. C’est aussi simple que cela.
Michel Drucker : Est-ce que les critiques aiment également les chansons des chanteurs ? C’est une autre paire de manches. Nous allons nous pencher sur le problème.
[Micro-trottoir]
Femme n°1 : Je pense que le public de Goldman, par exemple, est complètement étranger à ce que demandent la critique, l’intelligentsia. Je ne vais jamais voir par hasard un film, une pièce, un concert, je choisis toujours. Pour choisir, il faut obligatoirement se préoccuper des critiques.
Femme n°2 : La critique, c’est quelque chose de difficile parce que tant qu’on est pas dans la peau de celui qu’on critique, on ne peut pas vraiment juger quelque chose. Ils n’ont pas la notion d’une démarche de quelque chose d’artistique.
Michel Drucker : Ce qui est intéressant, c’est l’avant-dernière opinion qui dit "moi, je lis cette critique parce qu’il partage assez bien mes goûts". [Note de G.R. : Cette intervention manque.]
Jean-Jacques Goldman : Oui, c’est cela. On finit par connaître les critiques de tel ou tel journal quand il nous a conseillé quelque chose de bien et que l’on a pris du plaisir aussi ; il est vrai que l’on a tendance à lui faire confiance après.
Michel Drucker : Ce qui nous a donné l’idée de faire ce petit sondage, c’est un article, une page que tous les professionnels ont vue publiée au moment où au Zénith on s’arrachait les places au marché noir afin d’essayer d’assister à vos spectacles ; Et vous avez fait quelque chose d’assez rare, je crois que c’est la première fois que je vois cela depuis que je fais ce métier, mais je pense que si on faisait des statistiques, je crois qu’aucun artiste n’a eu ce culot. Vous avez publié "pleine page" dans beaucoup de quotidiens de grande audience les critiques de votre spectacle et quand je dis les critiques, c’est vraiment avec un grand C. Vous vous êtes fait taillé en pièces par un certain nombre de critiques et c’est vraiment l’exemple du fossé qui existe entre la critique et le spectacle puisque je crois que nous n’avons jamais vu autant de monde se presser à un spectacle, en l’occurrence celui du Zénith où vous avez fait le plein. C’est un record et pratiquement sans affichage. En effet, j’ai vu très peu de pub au sujet de votre spectacle. Jean-Jacques Goldman : Il n’y a pas eu d’affichage.
Michel Drucker : Etait-ce voulu, bien sûr ?
Jean-Jacques Goldman : C’est-à-dire que cela fonctionnait sans, alors nous n’avons pas voulu pollué les rues de Paris avec ma tronche.
Michel Drucker : Quand vous avez vu dans la presse que…
Jean-Jacques Goldman : ...il y a suffisamment de tronches dans les rues de Paris, d’ailleurs [rires].
Michel Drucker : Oui, les hommes politiques ont besoin d’affichages.
Jean-Jacques Goldman : Oui [rires].
Michel Drucker : Alors qu’on se battait aux portes du Zénith pour vous applaudir, parallèlement sortaient dans la presse des papiers d’une violence terrible du genre Patrice Delbourg dans "L’événement du jeudi" : "Jean-Jacques Goldman est vraiment nul (…) l’art de faire du plein avec du vide". Le même Delbourg écrivait "on dirait un Balavoine quelque peu enrhumé", bravo monsieur Delbourg, cela prend toute sa saveur maintenant. Et puis il y avait également Alain Morel dans le "Parisien libéré" : "Des tubes de bastringue", "réunion de scouts", "discours gentils"…Bref, vous avez publié toutes les critiques les plus désagréables de quoi avoir des cauchemars pendant plusieurs semaines et vous avez dit : "Merci d’avoir jugé par vous-même" signé Jean-Jacques Goldman. Etait-ce un clin d’œil ?
Jean-Jacques Goldman : Non, je l’ai fait surtout pour le public parce qu’il est vrai qu’il y a beaucoup de papiers "assassins" comme celui de Delbourg qui sont sortis avant le Zénith ?
Michel Drucker : Oui.
Jean-Jacques Goldman : Avant de me voir. Alors quand j’ai vu cette espèce de déferlement de haine…
Michel Drucker : …vous souvenez-vous des dates du Zénith ?
Jean-Jacques Goldman : Oui c’était du 3 au 20.
Michel Drucker : Jusqu’au 20. Effectivement la critique de "l’Evénement du jeudi" est parue juste au début.
Jean-Jacques Goldman : C’est cela !
Michel Drucker : De quoi décourager ceux qui voulaient y aller ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, exactement. Mais il y en a eu d’autres. Mais quand j’ai vu que cela a bien fonctionné quand même, j’ai voulu remercier les gens parce que quand on lit des choses comme cela, j’étais étonné qu’il y ait des gens encore dans la salle. Ceci prouve que les gens gardent aussi leur libre-arbitre. Tout à l’heure il y avait un sondage dans la rue sur les critiques. Ils écoutent mais ils gardent un peu de sens personnel, de jugement personnel. Ce n’est qu’un élément de décision pour eux.
Michel Drucker : Oui ce que j’avais remarqué dans ces critiques, c’est que certaines étaient d’une telle violence que cela ressemblait étrangement aux règlements de comptes ou un problème entre le critique et lui et sa propre carrière.
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas.
Michel Drucker : Il n’y avait pas un mot de gentil du genre : "Moi, je n’aime pas mais les autres aiment, cela je peux le comprendre". Il n’y avait rien de positif.
Jean-Jacques Goldman : Que moi je sois nul, c’est possible, mais il y a cinquante personnes qui bossent sur un spectacle : des éclairagistes, du son, des musiciens. Alors que le tout soit globalement nul, cela ne me paraît pas complètement logique. Il doit y en avoir au moins un autre qui est bien.
Michel Drucker : Nous allons demander à Jean-Jacques sans lui dire le titre, à quelle chanson appartient cette "intro" ?
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas puisque je n’ai pas le casque.
Michel Drucker : Mettez-le afin d’être avec nous.
Jean-Jacques Goldman : Ne serait-ce pas Sade ?
Michel Drucker : Voilà et le titre ?
Jean-Jacques Goldman : "Sweetest Taboo" ?
Michel Drucker : Très bien. Combien au top 50 ?
Jean-Jacques Goldman : Alors là c’est trop [rires].
Michel Drucker : Elle est quarante-troisième au Top 50. Elle sera le 25 janvier dans une émission que je ne rate jamais le samedi soir sur Antenne 2 à 20 heure 30 qui s’appelle "Montparnasse bienvenue" [rires].
["Sweetest Taboo"]
Michel Drucker : Connaissez-vous Sade, Jean-Jacques ?
Jean-Jacques Goldman : Je la connais comme tout le monde à la télé.
Michel Drucker : Vous n’avez jamais participé à une émission de télé avec elle ?
Jean-Jacques Goldman : Non.
Michel Drucker : Avez-vous remarqué son profil ?
Jean-Jacques Goldman : …
Michel Drucker : Non ?
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : C’est le plus beau profil de la chanson anglo- saxonne.
Jean-Jacques Goldman : Quant à vous, vous avez remarqué son profil ?
Michel Drucker : Oui, elle est venue à la télévision, j’étais fasciné. Nous avions mis les caméras de part et d’autres, droite, gauche, elle a le même profil.
Jean-Jacques Goldman : C’est un métier formidable [rires].
[intro de "Je marche seul"]
Julie : Nous allons avoir la maman de Jean-Jacques Goldman.
Michel Drucker : C’est une musique que la maman de Jean-Jacques Goldman qui n’est pas encore un titre vedette de son fils, je crois, nous allons écouter un peu afin de faire plaisir à Ruth. Il me semble qu’elle se nomme Ruth, cela va lui faire plaisir, elle est à Montrouge, nous l’avons en ligne dans un instant.
Ruth Goldman : Oui.
Michel Drucker : Bonjour, Madame.
Ruth Goldman : Bonjour.
Michel Drucker : C’est une musique que vous connaissez bien ?
Ruth Goldman : Oui.
Michel Drucker : Je vous remercie infiniment, Madame, de répondre à notre appel.
Ruth Goldman : C’est avec plaisir, je vous écoute très souvent.
Michel Drucker : Vous savez, j’ai l’impression de vous connaître un petit peu parce que je connais votre fils depuis longtemps.
Ruth Goldman : Oui.
Michel Drucker : J’ai de très bons souvenirs de ses débuts. Puisque je parle de ses débuts nous allons essayer de remonter un peu plus loin. Quel adolescent était Jean-Jacques ?
Ruth Goldman : C’était un adolescent assez calme, secret.
Michel Drucker : Aimait-il déjà la musique ?
Ruth Goldman : Pas plus que cela.
Michel Drucker : Moi, je l’ai connu à l’époque de Taï Phong, il y a bien 10 ans. A l’époque, il était étudiant dans une école de commerce.
Ruth Goldman : Oui, c’est exact.
Michel Drucker : Lorsqu’il avait 10, 12 ans, quelle était sa vocation, quels étaient ses rêves ?
Ruth Goldman : C’est difficile à dire, il se laissait très bien diriger, il n’était pas bien décidé.
Michel Drucker : Comment vivez-vous, Madame, la réussite exceptionnelle surtout cette année de votre fils Jean-Jacques. Est-ce que cela vous étonne, vous surprend ? Cela vous fait-il plaisir, bien sûr. Est-ce que cela vous fait peur ?
Ruth Goldman : Cela nous a fait un peu peur au début parce qu’on avait peur qu’il s’éloigne de nous…
Michel Drucker : …ce qui n’est pas le cas, je crois ?
Ruth Goldman : Non, ce n’est pas du tout le cas, nous sommes tout à fait rassurés.
Michel Drucker : Vous êtes bien sûr allée le voir au Zénith.
Ruth Goldman : Oui, plusieurs fois.
Michel Drucker : C’est un succès considérable. Est-ce que vous vous souvenez de sa première scène ?
Ruth Goldman : C’était à l’Olympia.
Michel Drucker : C’est donc relativement récent. Il y a deux ans, à peine deux ans. Est-ce qu’il était bon élève ?
Ruth Goldman : Bon élève, sans se fouler.
Michel Drucker : Vous-même souhaitiez-vous que votre fils devienne musicien ou aviez-vous d’autres ambitions pour lui ?
Ruth Goldman : Non, pas du tout. Nous souhaitions qu’il s’épanouisse. Nous n’avions pas d’ambitions particulières pour lui. C’était à lui de trouver sa voie.
Michel Drucker : Apparemment le succès ne l’a pas changé. Je crois que c’est très significatif comme symbole de cette nouvelle génération de chanteurs. Vous allez me dire si c’est votre avis. Jean-Jacques n’a pas vraiment changé de vie depuis qu’il est devenu une vedette.
Ruth Goldman : Il la préserve jalousement.
Michel Drucker : Est-ce qu’il habite toujours près de chez vous ?
Ruth Goldman : Oui, toujours.
Michel Drucker : A Montrouge ?
Ruth Goldman : Toujours.
Michel Drucker : Vous avez la vie d’une grand-mère heureuse car vous êtes grand-mère.
Ruth Goldman : Exactement.
Michel Drucker : Quel âge ont vos petits-enfants ?
Ruth Goldman : Il y en a entre un et neuf ans.
Michel Drucker : Un et neuf ans. Est-ce qu’ils écoutent beaucoup la musique de papa ou écoutent-ils Dorothée ou Chantal Goya ?
Ruth Goldman : Ils écoutent avec plaisir Jean-Jacques, ils connaissent ses chansons mais sans se rendre compte de la notoriété.
Michel Drucker : A quel moment, vous êtes-vous rendue compte que votre fils entrait dans le club qu’il est convenu d’appeler le "le club idoles de la chanson" ? A l’Olympia, au moment de l’Olympia ?
Ruth Goldman : Oui, au moment de l’Olympia peut-être. Mais nous n’étions pas du tout préparés à ce genre d’explosion.
Michel Drucker : Je m’en doute. Est-ce que le regard des gens de votre quartier, de vos amis a changé ? Est-ce que l’on vous dit : "Etes-vous la maman de Jean-Jacques Goldman ?"
Ruth Goldman : Oui, bien sûr. On nous le dit mais comme on connaît beaucoup de gens, la question ne revient pas souvent. Les gens sont très sympathiques.
Michel Drucker : Quelle est la principale qualité de votre fils et son principal défaut ?
Ruth Goldman : Sa principale qualité, je pense, c’est sa sensibilité.
Michel Drucker : Et son défaut ?
Ruth Goldman : Il est très secret.
Michel Drucker : Il est très secret, ça c’est vrai. On a beaucoup de mal à bien connaître Jean-Jacques. En tout cas, c’est quelqu’un de très attachant et qui a ouvert une voie supplémentaire dans la chanson française. Il a un succès fou et je crois qu’il le mérite ? Je vous remercie infiniment. J’espère que vous viendrez nous voir en studio.
Ruth Goldman : Très volontiers.
Michel Drucker : Je vous félicite, c’est ce que l’on dit toujours, mais je le pense sincèrement. Julie également. Nous sommes tous des fans de votre fils.
Ruth Goldman : Merci.
Michel Drucker : Au revoir, Madame.
Ruth Goldman : Au revoir.
Michel Drucker : Bon Noël.
[Jingle de la radio]
Michel Drucker : Je m’étais permis de souhaiter un "bon Noël" à votre maman.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Jean-Jacques Goldman : J’étais absent à ce moment-là. Je n’avais pas entendu cette interview.
Michel Drucker : Elle vous l’avait dit quand même ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, mais…
Michel Drucker : …j’ai gardé le téléphone secret.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : De nombreux journalistes nous ont appelés dans l’heure qui a suivie : "Dis-donc, Michel, tu aurais eu un scoop à ce qu’il paraît", mais je n’ai pas donné le numéro de téléphone.
Jean-Jacques Goldman : C’est gentil.
Michel Drucker : J’ai donné le numéro de Coluche mais pas celui de ta maman [rires].
Jean-Jacques Goldman : Du coup, je suis venu ce matin.
Michel Drucker : Nous parlions des débuts de Jean-Jacques. Ecoutez cela.
[Sister Jane]
Michel Drucker : C’est un bon souvenir pour nous.
Jean-Jacques Goldman : Et pour moi donc !
Michel Drucker : C’est Jean-Jacques Goldman, en 1975, le chanteur de groupe Taï Phong, à vous fans de tous les pays, vous qui aimez Jean- Jacques Goldman. C’est une pièce de collection. On a cru que c’était un groupe anglo-saxon qui arrivait en France. C’était très très bien.
Jean-Jacques Goldman : C’était un peu vrai parce qu’il y avait deux Vietnamiens, un Anglais et peu de Français dans cette formation…
Michel Drucker : Est-ce vous qui avait choisi le nom du groupe "Taï Phong" ?
Jean-Jacques Goldman : Non, ce sont eux puisque les deux fondateurs étaient Vietnamiens, c’était un peu la couleur de groupe.
Michel Drucker : Il s’agissait du troisième album ?
Jean-Jacques Goldman : De Taï Phong ?
Michel Drucker : Oui.
Jean-Jacques Goldman : Non, c’était le premier.
Michel Drucker : C’était le premier, et avant qu’est-ce qui s’était passé ? Rien ?
Jean-Jacques Goldman : Avant j’avais beaucoup de groupes, mais c’était du bal, c’est-à-dire que je ne faisais pas mon répertoire.
Michel Drucker : Qu’est-ce que vous chantiez dans les bals ?
Jean-Jacques Goldman : Je jouais Deep purple, Status Quo, ce style-là.
Michel Drucker : Vous jouiez dans la région parisienne ?
Jean-Jacques Goldman : Partout, je finissais mes études en ce temps-là et dès que le week-end arrivait, je partais dans les Ardennes…
Michel Drucker : Habitiez-vous Montrouge à cette époque ?
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : Vous n’avez jamais rencontré Coluche à l’époque ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non.
Michel Drucker : Sa maman vendait des fleurs à Montrouge, elle était marchande de quatre-saisons à Montrouge. Vous auriez pu vous rencontrer.
Jean-Jacques Goldman : Nous nous sommes peut-être rencontrés d’ailleurs mais comme lui n’était pas Coluche et que moi je n’étais pas Goldman…
Michel Drucker : …c’est vrai…
Jean-Jacques Goldman : …nous nous ne sommes pas reconnus [rires].
Michel Drucker : Coluche, voici Goldman et vice-versa. Très bien. Enchantés.
Jean-Jacques Goldman : A bientôt [rires].
Michel Drucker : A bientôt.
[L’Aziza]
Michel Drucker : Daniel Balavoine aurait eu trente-quatre ans dans quelques jours. Avec Jean-Jacques et une poignée d’amis nous sommes allés accompagner Daniel à Biarritz avant-hier. Moi, ce qui m’a beaucoup frappé lors de ces obsèques, Jean-Jacques, vous allez me dire si vous êtes de mon avis, c’est la dignité de son public.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : Tous âges confondus.
Jean-Jacques Goldman : Oui, tout le monde était en deuil, personne n’était au spectacle, pourtant il y avait la grande foule.
Michel Drucker : Les charognards étaient là avec leurs téléobjectifs, mais on les a pratiquement pas vus.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : On a, comme vous le dites très bien "l’image que l’on mérite".
Jean-Jacques Goldman : Oui et je crois que ce qui est un peu satisfaisant dans le bruit et dans l’ampleur de la peine de la disparition de Daniel. C’est, je crois, que cela dépasse sa musique, c’est le personnage vraiment que tout le monde sentait généreux, sincère et entier, et les gens le sentaient pour de vrai et pour moi qui le connaissait pas suffisamment mais qui le connaissait un peu, c’est la chose qui m’a le plus frappé chez lui, c’est à quel point il était sincère. Il n’y avait absolument jamais rien de calculé. Je l’ai vu dans ce qu’il faisait, dans ses déclarations, je l’ai vu dire : "je ferme ma gueule et là j’en dis trop, c’est toujours moi qui l’ouvre". Puis cinq minutes après c’est lui qui l’ouvrait encore. Vraiment tout ce qu’il faisait c’était avec les tripes. Et cela les gens l’ont vraiment senti.
Michel Drucker : Alors quand vous parlez des gens, c’est toutes générations confondues.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : Il y a des femmes de soixante-dix ans qui sont venues se recueillir sur la tombe de Balavoine et puis il y a les gosses…
Jean-Jacques Goldman : …des gosses qui étaient tristes.
Michel Drucker : Des gosses qui avaient reçu le message de Balavoine parce qu’il était tout de même un leader.
Jean-Jacques Goldman : Oui, les gosses, ce sont eux qui reçoivent le mieux et le plus rapidement la vérité de quelqu’un. Il y a certains chanteurs pour enfants qui passent et d’autres qui ne passent pas. Vous avez beau faire toute la promo que vous voulez, s’ils aiment celui-là, ils aiment celui-là.
Michel Drucker : Alors, maintenant, je voudrais qu’on parle de l’œuvre de Balavoine, de ses chansons, de ce qu’il a écrit, de ce qu’il a chanté. Je crois que c’était son année, son dernier album comme le disait Michel Berger est le plus abouti, le plus complet, le plus exceptionnel.
Jean-Jacques Goldman : L’album le plus important de Daniel, c’est, je pense, l’avant-dernier "Loin des yeux de l’Occident" qui était vraiment un tournant et le début de son épanouissement et où il commence à faire tout ce qu’il voulait sans contingence commerciale parce qu’il existait déjà très fort et suffisamment pour ne pas faire de concession et celui-là était le prolongement de ce tournant. Il était effectivement plus épanoui et il profitait de l’expérience du précédent. Mais ce que l’on peut dire et que je trouve le plus important, c’est lorsque l’on prend le premier album de Balavoine et le dernier il y a une continuité. Il y a beaucoup de chanteurs qui changent en fonction des modes, lui il a changé avec l’évolution de la technique car il était très branché là-dessus, sur les nouveaux instruments. Sa musique évoluait avec son temps, c’était un chanteur qui n’était pas figé. En revanche, dans l’intention, dans le style, dans l’originalité, il y a une grande unité entre le premier album "De vous à moi en passant par elle" et ensuite "Le mur de Berlin" jusqu’au dernier et cela s’est aussi une preuve de sincérité et de talent.
[Extrait de l’Aziza]
[Jingle de l’émission]
Michel Drucker : Allô Jean-Jacques Goldman, quelqu’un appelle Jean- Jacques Goldman, Bonjour.
Christelle : Bonjour, c’est Christelle.
Michel Drucker : Quel âge as-tu, Christelle ?
Christelle : Neuf ans et demi.
Michel Drucker : Neuf ans et demi, écoute, Jean-Jacques Goldman est là. Veux-tu lui poser une question ?
Christelle : Oui.
Michel Drucker : Vas-y, il t’écoute.
Christelle : Bonjour.
Jean-Jacques Goldman : Bonjour.
Christelle : Pourquoi n’êtes-vous pas venu à Mulhouse ?
Michel Drucker : Pourquoi tu n’es pas allé à Mulhouse, cela ne te ressemble pas [rires].
Jean-Jacques Goldman : [à Christelle] Est-ce que ta question, Christelle, est : "Pourquoi je n’ai pas encore joué ?"ou "Est-ce que je devais venir et je ne suis pas venu ?" ?
Christelle : Oui, pourquoi n’êtes-vous pas venu ici ?
Jean-Jacques Goldman : Je devais venir, c’est-à-dire que l’on avait annoncé que je venais ? Où ?
Michel Drucker : Sa maman va lui souffler ? Il était annoncé au Palais des Sports de Mulhouse.
Christelle : Oui.
Michel Drucker : A quelle époque ?
Christelle : 20 janvier.
Michel Drucker : 20 janvier. [à Jean-Jacques Goldman] Regarde ton agenda, où es-tu le 20 janvier ?
Jean-Jacques Goldman : Où as-tu vu cela ?
Christelle : Dans le journal.
Michel Drucker : Dans le journal.
Jean-Jacques Goldman : Vois-tu, enfin, je pense que tu as compris si tu as écouté le début de l’émission. Il ne faut croire tout ce qu’il y a d’écrit dans les journaux [rires] parce que, le 20 janvier, il n’a jamais été question que je tourne en particulier parce qu’il y a des vacances scolaires et que personne ne tourne à cette époque-là. Moi, je vais tourner à partir du 24 février et je ne sais pas si on va passer par Mulhouse, mais, en tout cas, il n’a jamais été question, jamais, jamais que je sois en tournée vers le 20 janvier.
Michel Drucker : Ecoute, Christelle, il est en tournée du 25 février au 1er mars.
Christelle : Oui.
Michel Drucker : Il y a une grande tournée jusqu’en mai, alors il n’est pas impossible que tu passes par Mulhouse.
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas, c’est pour cela que je voulais vérifier, je le dirai toute à l’heure dans l’émission.
Michel Drucker : Nous allons regarder le plan…
Jean-Jacques Goldman : …voir si je passe par Mulhouse et je donnerai une date, mais pas une date qui est dans le journal. Ce sera une date que des gens sérieux t’auront donnée.
Michel Drucker : C’est le 28 mars.
Jean-Jacques Goldman : Le 28 mars, vous avez les dates ?
Michel Drucker : Oui, le 28 mars.
Jean-Jacques Goldman : Ce sera le 28 mars.
Michel Drucker : [à Christelle] Tu notes bien le 28 mars, Jean-Jacques sera bien à Mulhouse.
Jean-Jacques Goldman : Voilà.
Michel Drucker : [à Christelle] Es-tu contente ?
Christelle : Oui.
Jean-Jacques Goldman : As-tu bien compris, Christelle ? Il ne faut pas croire tout ce qui est écrit dans le journal.
Christelle : D’accord.
Jean-Jacques Goldman : D’accord.
Michel Drucker : Au revoir, Christelle.
Christelle : Au revoir.
Michel Drucker : [rires] Comme elle est de Mulhouse, le rédacteur de son journal habituel va être fou de joie. [rires]
Jean-Jacques Goldman : Non, mais c’est un conseil qui est valable pour toute la France [rires].
Michel Drucker : Nous allons écouter "Je marche seul". Cela a bien "marché" ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, cela ne "marchait" pas tout seul, mais cela marchait.
Michel Drucker : Oui, cela n’a pas "marché" tout seul au début.
Jean-Jacques Goldman : Cela dit, rien ne "marche" tout seul.
Michel Drucker : C’était en quelle année ?
Jean-Jacques Goldman : Cette année-là…
Michel Drucker : …non, quand tu as commencé à ramer, 1972-73 ? Avant ça ?
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas. Il n’y a pas eu tellement de rames, je trouve.
[Je marche seul]
Michel Drucker : "Je marche seul", Jean-Jacques Goldman. On le retrouve dans un instant.
[Jingle de la radio]
Michel Drucker : Avec Jean-Jacques Goldman, "Vivez en Europe 1". Au téléphone, Annick qui voudrait parler à Jean-Jacques. Annick de Dijon. Bonjour Annick.
Annick : Bonjour.
Michel Drucker : Quelle est votre profession et quel votre âge ?
Annick : J’ai vingt-cinq ans et pour l’instant, je m’occupe de mon bébé. Je suis à la maison. Mais je suis enseignante.
Michel Drucker : Qu’est-ce que vous enseignez ?
Annick : Je suis institutrice à l’école maternelle.
Michel Drucker : Institutrice à l’école maternelle. Quelle question voulez-vous poser à Jean-Jacques ?
Annick : On a parlé tout à l’heure des critiques. J’aurais voulu savoir si Jean-Jacques Goldman regarde avec un œil critique ses confrères, les autres chanteurs.
Michel Drucker : C’est une question difficile. Mais il ne les regarde peut-être pas forcément avec un œil critique.
Annick : La critique peut être positive.
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas. Je ne les regarde pas tellement avec un œil critique, je les écoute à la manière d’un auditeur, c’est- à-dire que lorsqu’ils font des choses qui me touchent, je trouve cela très bien et en revanche, lorsque cela ne me touche pas, je passe, je change de chaînes, un peu comme tout le monde. Mais ce que l’on peut dire, c’est la manière dont je les ai connus. Au départ, je ne voulais pas chanter mes chansons, je voulais composer des chansons pour les autres car je trouvais cela très confortable. Il est vrai que je n’avais pas tellement envie d’être sur le devant de la scène et à ce moment-là, j’étais en rapport avec beaucoup d’interprètes d’une génération souvent ancienne…
Michel Drucker : …qui, par exemple ?
Jean-Jacques Goldman : Peu importe.
Michel Drucker : Des artistes qui recherchaient des chansons.
Jean-Jacques Goldman : Des gens qui étaient des interprètes. Il y a en de moins en moins, maintenant Renaud, Cabrel, Souchon et tous ces artistes écrivent leurs chansons. Mais c’est facile pour vous de voir tous les interprètes qu’il y avait et qui n’étaient que chanteurs et qui maintenant disparaissent peu à peu. J’ai été très choqué par le fait que j’essayais de leur présenter des chansons par l’intermédiaire d’éditeurs et autres ; ils n’écoutaient jamais ces chansons parce que je n’étais pas connu. Alors qu’il s’agissait de chansons que je chante maintenant, donc elles avaient une chance. En revanche, maintenant, ils me demandent des chansons à tout prix. Alors cette attitude prouve un réel manque de talent à mon avis, c’est-à-dire qu’ils accordent leur confiance à des équipes qui sont composées simplement de leurs copains ou alors qui ayant eu des succès avant chantent n’importe quoi comme ils l’ont fait ces derniers temps et de ne pas faire confiance aux jeunes. Ils ne font pas confiance à la chanson elle-même mais à la notoriété de celui qui l’a faite. J’estime cette attitude un peu nulle. Et ceci dit, ils le payent cher, à mon sens.
Michel Drucker [à Annick] : Vouliez-vous poser une autre question ?
Annick : C’était surtout pour savoir ceci : Je sais que souvent les chanteurs éprouvent une pointe de jalousie en se disant : "C’est super ce que fait celui-là, finalement, j’aurais bien voulu faire cette chanson". Est-ce que cela vous est arrivé ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, c’est vrai. Il y a des textes de Cabrel que je ne lui pardonnerai jamais parce qu’ils sont trop beaux ou certaines petites phrases de Renaud qui me font mal tellement je les trouve bien [rires].
Annick : Cela se comprend tout à fait. Personnellement, avec vous et tous ces artistes ainsi que le regretté Daniel Balavoine, je trouve que vous êtes les poètes de l’an 2000. Il y a très peu de temps, je disais que j’espérais qu’un jour vous vous trouverez dans les livres de français à côté des autres auteurs.
Michel Drucker : C’est une enseignante qui parle !
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas si la chanson est destinée à cela. J’ai une vision de la chanson qui est une vision de l’art de l’éphémère. Je crois qu’une chanson se démode très vite, contrairement à des grands poètes qui peuvent rester imprimés pendant des années. Ce qui me plaît dans une chanson, c’est qu’elle dure trois mois et que l’on passe à une autre.
Michel Drucker : Merci Annick.
[Souvenirs attention danger]
Michel Drucker : “Souvenirs attention danger”. Vous êtes un homme de souvenirs ? Le passé, les cahiers, les cahiers de textes, la classe, les copains, les amours d’enfance, est-ce une chose importante, est-ce une source d’inspiration ?
Jean-Jacques Goldman : Tout ce que l’on écrit est en rapport avec ce que l’on vécu, c’est plus en ce qui me concerne en termes de couleurs, de sensations, plutôt que de choses précises.
Michel Drucker : Votre maman disait tout à l’heure que votre principale qualité était votre sensibilité et votre principal défaut, bien que je ne trouve pas qu’il en soit un, le fait d’être secret. Est-ce que dans vos chansons vous vous apercevez que vous écrivez au sujet de choses qui étaient le plus enfouies de votre adolescence et qui ressortent comme ça.
Jean-Jacques Goldman : Non, peut-être pas de choses précises…
Michel Drucker : …des atmosphères ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, le fait d’être touché par certaines choses, de choisir tel thème plutôt qu’un autre.
Michel Drucker : Lors de votre enfance, étiez-vous également secret, étiez-vous plutôt à l’écart des groupes ou vous étiez chef de bande ?
Jean-Jacques Goldman : Non, je n’ai pas un bon souvenir de mon enfance, ni de mon adolescence. J’avais des parents très bien, mais durant tout cet âge-là, je me sentais un peu victime de ce monde adulte. Je n’étais pas content d’être là dans l’ensemble.
Michel Drucker : Nous allons parler d’un copain tout de même, Michael Jones, dans un instant.
[Guitar man]
Michel Drucker : "Guitar man". Ce petit Gallois de Michael Jones appartenait-il au groupe Taï Phong ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, nous nous sommes rencontrés à cette occasion. Vers le troisième album de Taï Phong en 1977-78, il y a eu des changements dans le groupe comme dans tous les groupes et nous avons passé des petites annonces ; quant à lui, cela faisait quelques années qu’il tournait dans la région de Caen où il faisait du bal et nous l’avons engagé. J’ai fait le troisième album de Taï Phong avec lui et puis nous avons tout de suite sympathisé au-delà du groupe.
Michel Drucker : C’était dans l’émission de Denisot "Zénith" que vous avez été reçus tous les deux. Tu disais : "il chante bien mais je joue de la guitare mieux que lui".
Jean-Jacques Goldman : Je trouvais qu’il chantait mieux que moi et il joue mieux de la guitare. Denisot disait : "Vous êtes trop modeste". J’ai répondu : "Non, non il y a des choses que je fais mieux que lui. Je crois que je compose mieux etc… Mais je trouve qu’il a vraiment une voix exceptionnelle.
Michel Drucker : Il a une vie extraordinaire parce qu’il y a très longtemps que j’ai entendu parler de lui puisque je suis né là-bas en Normandie. Quand vous ne tournez pas, moi je sais ce qu’il fait, il a un petit groupe là-bas.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : Il continue à faire des galas de temps en temps, dans le bocage normand.
Jean-Jacques Goldman : Il y va vraiment pour le pied, c’est vraiment un "roadeur". Lui, sa vie, c’est d’être dans un camion avec une guitare et un "ampli" et d’aller jouer.
Michel Drucker : Je crois que son papa gallois, lors du débarquement, a rencontré une Normande.
Jean-Jacques Goldman : Voilà.
Michel Drucker : Ils se sont retrouvés dans une ferme là-bas, je salue d’ailleurs tout ce qui nous écoutent de ce côté. Il n’est pas dépaysé parce que le climat du Pays de Galles et celui de Basse-Normandie sont assez voisins.
Jean-Jacques Goldman : Je crois que c’est le papa qui a amené la maman au Pays de Galles…
Michel Drucker : …c’est ce qui me semblait.
Jean-Jacques Goldman : Ensuite Michael est revenu.
Michel Drucker : Nous allons avoir quelqu’un au téléphone dans un instant.
[Note de G.R. : Ce passage manque.]
Jocelyne : J’enseigne le français.
Michel Drucker : Quelle question voulez-vous poser à Jean-Jacques Goldman ?
Jocelyne : Je me suis permis d’utiliser une de ses chansons "Comme toi" avec des élèves afin de commencer le travail sur un livre qui s’appelle "Le sac de billes"…
Jean-Jacques Goldman : …de Joffo.
Jocelyne : Les enfants se sont posé plusieurs questions entre eux car ils voulaient savoir si le personnage de Sarah dans la chanson était une petite fille précise qui avait existé dans l’entourage ou dans la famille de Jean-Jacques Goldman ou représentait-elle, comme je leur ai dit, toutes les petites filles juives qui ont disparu pendant la guerre ? D’autre part, ils voulaient également savoir si Jean-Jacques Goldman avait rencontré le problème de l’antisémitisme, si parfois il en avait également souffert.
Jean-Jacques Goldman : Pour la première question, je répondrai oui et non. C’est-à-dire que l’idée de la chanson m’est venue en regardant un album de famille de ma mère, qui est née en Allemagne, où il y avait les photos de famille les plus banales possibles. Vous savez avec des petites filles, des gens après un repas avec des sourires niais, comme toutes les photos de famille du monde. Ma mère avait marqué à côté de mes cousins etc. entre parenthèses "déporté" en-dessous sur chaque photo. C’est là que je me suis rendu compte qu’il y avait cette petite fille qui était là, qui regardait ailleurs, qui visiblement pensait plutôt aller jouer avec sa poupée alors qu’on lui disait : "souris". Elle sourit avec une grimace comme sur toutes les photos de famille que l’on peut voir. A ce moment-là, j’ai pris conscience que, d’une part, on imaginait toujours ces gens-là avec des têtes de déportés, c’est-à-dire après. Ce sont ces photos que l’on voyait comme s’il s’agissait de gens différents de nous. Et là, sur ces photos, je voyais à quel point c’était des gens d’une banalité incroyable qui nous ressemblaient et qui étaient prêts à vivre des petites vies importantes ou sans importance comme nous tous et qui ont eu une rencontre avec l’Histoire qui a fait que. Voilà, je ne sais pas si cette petite fille s’appelle Sarah, mais en tout cas son visage existe pour moi.
Jocelyne : Oui.
Michel Drucker : Voilà madame, je vous signale que Jean-Jacques Goldman sera chez vous à Bordeaux le 14 avril.
Jocelyne : Je suis ravie parce que je m’étais lancée dans des promesses inconsidérées auprès de mon fils pour le Zénith et nous n’avons rien eu du tout.
Michel Drucker : Il sera à Bordeaux le 14 avril.
Jocelyne : Nous allons nous précipiter. Par ailleurs, en ce qui concerne le problème de l’anti-sémitisme, l’a-t-il rencontré lui- même ? Est-ce que vous l’avez rencontré ?
Jean-Jacques Goldman : Ecoutez, en essayant d’être objectif, je ne crois pas l’avoir plus rencontré que des rouquins que l’on appelle "poil de carotte", que des Italiens que l’on appelle "ritals", que les gros que l’on appelle "gros patapouf". Cet espèce de racisme ordinaire qui existe chez tous les "mômes" et qui touchent n’importe quelle différence. Il est vrai que j’ai eu quelques "sale juif" et autre du même genre, mais ce n’était pas franchement à la manière de ce que l’on appelle vraiment le racisme et l’anti-sémitisme. Je n’ai pas connu cela comme on peut peut-être le ressentir vis-à-vis des maghrébins, actuellement, je crois que cela prend une ampleur très différente de ce que moi j’ai pu connaître.
Michel Drucker : Merci Jocelyne. A bientôt.
[Comme toi]
Michel Drucker : Merci Jean-Jacques Goldman. Il est 10h38 sur Europe1.
Michel Drucker : Quelles ont été les premières lectures de Jean- Jacques Goldman. Sartre a été votre premier coup de foudre. J’aimerais que vous nous disiez les auteurs qui vous ont marqué.
Jean-Jacques Goldman : Je n’ai pas commencé par “La nausée”, c’était plutôt Bob Morane au début [rires].
Michel Drucker : Oui.
Jean-Jacques Goldman : C’était les bandes dessinées.
Michel Drucker : Et après ?
Jean-Jacques Goldman : Roger Martin du Gard et toutes les œuvres de ce genre-là, c’est-à-dire toutes les grandes sagas, Zola évidemment.
Michel Drucker : En reste-t-il quelque chose ? Aimez-vous toujours lire ? Avez-vous le temps de lire ?
Jean-Jacques Goldman : Ma vie a changé comme tout le monde. Mais je crois que c’est une question d’emploi du temps et de disponibilité. Je suis passionné lorsque je lis un livre. Je crois que les vrais lecteurs, les gens qui lisent étant donné le style de vie que nous avons actuellement, ce sont des gens qui lisent un peu tous les soirs. C’est quelque chose dont je suis incapable. Lorsque je commence un bouquin le soir, en général je le termine vers 4 heures du matin en sueur et je ne peux plus me le permettre. Maintenant je lis épisodiquement pendant les vacances. Ce sont les seuls moments où je peux avoir toute la journée pour plonger dans le bouquin. Il est vrai que ce sont des voyages.
Michel Drucker : Nous allons demander à Jean-Jacques Goldman ce qu’il regarde à la télévision en semaine ? Ce soir, si vous êtes chez vous, regarderez-vous Marchais dans "L’heure de vérité" qui est une émission de variétés très suivie, Fresson et "La guerre du cochon", "Le totem", ou Canal+ ?
Jean-Jacques Goldman réfléchit.
Michel Drucker : Je ne sais pas combien de titres chantera Georges Marchais ?
Jean-Jacques Goldman : Je crois que je répondrai à mon courrier [rires].
Michel Drucker : Alain Decaux peut-être ? Moi, je vais vous dire, je regarderai Marchais parce que c’est une émission intéressante [rires].
Jean-Jacques Goldman : C’est marrant, cela me rend d’une tristesse infinie.
Michel Drucker : Je regarde cette émission avec un œil de "show-man" : Paul Amar, Alain Duhamel, Gilbert Duroi. Je veux regarder ce qu’ils vont bien pouvoir dire parce que tout a été dit jusqu’à maintenant.
Jean-Jacques Goldman : Quelle tristesse.
Michel Drucker : Pourriez-vous nous dire un petit mot au sujet du spectacle que les hommes politiques nous donnent chaque jour, une petite phrase ? Vous m’avez dit : "si tu cohabites, tu cohabites pas sinon j’appelle le patron.
Jean-Jacques Goldman : C’est ridicule.
Michel Drucker : Pourquoi ?
Jean-Jacques Goldman : C’est affligeant, vraiment c’est affligeant.
Michel Drucker : Vous parlez très sérieusement, vous avez l’air dévasté par la médiocrité du discours politique.
Jean-Jacques Goldman : Cela concerne tellement la vie des gens. Il est vrai qu’une usine ferme ou non, cela change la vie des gens. Alors voir ça, ces espèces d’affiches épouvantables, ces espèces de sourires de circonstance…
Michel Drucker : …nous les prenons toutes ces affiches : "Attention la droite revient", il y a aussi Le Pen "Bonne année la France" avec Jean-Marie et son beau visage. Il y a également…
Jean-Jacques Goldman : …"On continue". C’est pas mal aussi. J’ai lu un truc épouvantable, hier. C’est un slogan publicitaire de New man : "La vie est trop courte pour s’habiller triste !" détourné en : "La vie est trop triste pour ne pas être giscardien !". C’est terrible, c’est vraiment de la "bêtification", c’est encore plus con que les pubs.
Michel Drucker : Qu’est-ce que vous attendez des nouveaux hommes politiques ?
Jean-Jacques Goldman : Je ne comprends pas pourquoi ils n’en ont pas fait l’analyse. On voit en tête des sondages ceux qui sont les plus calmes qu’ils soient de droite comme de gauche, ceux qui sont le moins branchés, qui disent des mots simples, qui expliquent les choses. Lorsqu’ils ont perdu, ils disent simplement : "on a perdu, on fera mieux la prochaine fois." ; lorsqu’ils ont gagné, ils disent : "on a gagné, on va essayer de ne pas trop en profiter". Des gens comme Rocard, Léotard. Je ne comprends pas que les autres n’aient pas compris ça, cette espèce de naturel, cette façon de ne pas frimer, de ne pas trop en rajouter, voilà ce que les gens attendent. Le problème, c’est que les autres tiennent à leur place et font barrage.
Michel Drucker : On va écouter une chanson que vous avez chanté samedi soir sur Antenne 2 afin de rendre hommage à Daniel Balavoine. Beaucoup d’auditeurs, de téléspectateurs ont pensé qu’il s’agissait d’une chanson écrite pour la circonstance alors que c’est une chanson qui figure sur le dernier album.
Jean-Jacques Goldman : C’est une chanson qui ne parle pas d’un mort au départ, mais elle raconte une rupture avec quelqu’un. Beaucoup de gens ont pensé que je m’adressais à quelqu’un de vraiment disparu et je m’en suis rendu compte à cause de certains mots. Comme je ne savais pas quelle chanson j’allais chanter, puisque je ne voulais pas chanter "Je te donne" à "Champs-Élysées" et que je n’avais pas envie de me marrer en chantant une chanson, j’ai changé quelques mots de façon à ce que ce soit plus précis et destiné à ce cas-là.
Michel Drucker : Merci d’avoir passé cette matinée en notre compagnie et nous vous souhaitons une bonne tournée au Canada, vous allez découvrir le Québec, vous allez partir dans quelques jours pour une tournée de promotion afin de vous faire connaître là-bas.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : Vos disques vous ont précédé, je vous signale.
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Michel Drucker : Les stations de radio diffusent déjà vos disques et comme je connais bien ce pays, je peux vous dire que cela va vous plaire et vous aurez envie de rester. Vous êtes déjà allé au Canada mais il y a très longtemps ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, j’avais fait tout un voyage sur le continent américain entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada. J’avais terminé par le Canada ce qui fait que je ne suis jamais allé plus haut que Toronto parce que je devais prendre mon avion. Je n’ai fait que le tour du lac, Toronto, les chutes du Niagara et je suis retourné sur New-York ensuite.
Michel Drucker : En stop, avec des copains ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, avec un copain en stop.
Michel Drucker : Ensuite, vous allez revenir en France et partir en tournée. C’est important parce que nous avons reçu une quantité de courrier, mais je n’ai pas le temps de tout lire : "Quand est-ce qu’il vient chanter chez nous ?", "Quand est-ce qu’il vient à Metz ?". Pour Metz, c’est le 05 et 06 mai, j’ai la date sous la main. "Quand est-ce qu’il vient à Dijon ?". Les gens aiment vous entendre et veulent vous voir. Ce sera la plus longue tournée que vous ayez faite jusqu’à maintenant. Vous allez partir plusieurs mois ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, elle va durer jusqu’à septembre, octobre, probablement.
Michel Drucker : Nous vous appellerons de temps en temps le matin, mais pas trop tôt, dans votre hôtel.
Jean-Jacques Goldman : Le matin, non, parce qu’il n’y a pas de matin en tournée ![rires]
Michel Drucker : Vous vous couchez tard en tournée.
Jean-Jacques Goldman : Oui, c’est difficile.
Michel Drucker : On vous enregistrera la veille.
Jean-Jacques Goldman : Oui, d’accord, avec plaisir.
Michel Drucker : On "bidonnera" en disant que c’est en direct alors que c’est faux.
Jean-Jacques Goldman : On dira "bonjour".
Michel Drucker : On dira "bonjour Jean-Jacques" alors que vous dormirez. Aimez-vous la vie des tournées ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, c’est une vie qui est bien. On y prend goût. C’est la vie des itinérants. C’est un peu rébarbatif mais on y mord très facilement.
Michel Drucker : Il y a une chose qui est bien en province, c’est que la presse de province vous reçoit très bien car elle vous connaît. Elle prend le temps de vous présenter et les échanges avec les journalistes de province sont plus fructueux.
Jean-Jacques Goldman : Oui, tout simplement parce qu’ils vont au concert et qu’ils écoutent les disques, c’est-à-dire qu’il faut le minimum que la presse parisienne franchement n’a pas fait. Dans l’ensemble, c’est quand même effarant que plus de la moitié ne soit pas venue au concert et n’aie pas écouté les disques…
Michel Drucker : …ce qui ne les a pas empêchés d’écrire.
Jean-Jacques Goldman : C’est tout de même incroyable.
Michel Drucker : Merci, Jean-Jacques Goldman, à bientôt.
Jean-Jacques Goldman : Merci.
Michel Drucker : Vous saluerez votre maman pour moi.
Jean-Jacques Goldman : Je vais me gêner. [rires] 1
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