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Goldman : "Je me donne"
(Les Enfants du Rock, 24 avril 1986)

Goldman : "Je me donne"
Les Enfants du Rock, 24 avril 1986
E. Tordoir
Retranscription d'A.R.

En avril 86, JJG vit son succès avec la même lucidité, une foi inébranlable et un enthousiasme pareil aux premiers pas balbutiants des groupes rock lycéens. Déjà avec Tai-Phong, le rock symphonique à la française, il jouait dangeureusement à l'équilibriste en se payant le slow de l'été en 1975. "Sister Jane" a laissé son empreinte dans pas mal de coeurs adolescents. Grâce à Goldman, une musique par essence allergique aux hit-parades s'y nichait avec obstination. Aujourd'hui, rien n'a fondamentalement changé dans l'esprit du créateur de "je te donne".

Il refuse toujours fermement ce superbe appartement construit pour lui seul au sommet d'une tour d'ivoire inaccessible. Il échappe élégamment au cirque des limousines noires en se réfugiant parfois dans les transports en commun. Il refuse les clichés des rappels téléguidés pour une fin de spectacle "par consentement mutuel". Plutôt que de fuir le public qui l'a conduit au succès, il se blottit dans les bras qui se tendent vers lui. Il accepte les mains qui réclament un contact et ne refuse jamais un autographe. JJG aime son public. Celui "qui restera fidèle quand il sera moins facile de l'être". L'aviez-vous remarqué ? JJG habite à côté de chez vous. Le voisin de palier au jean usé, qui rentre tard avec des notes plein la tête et des lumières plein les yeux, c'est lui...

L'APPRENTISSAGE DU SUCCES

EDR : A vous voir accumuler les télévisions et les interviews, à vous voir remplir les salles sans coup férir, on se demande quel type de changement le succès impose dans la vie d'un chanteur comme vous...

JJG : Une chose est certaine... (il est interromu par une jeune demoiselle demandant timidement un autographe, comme si elle se trouvait face au Saint Père ou à E.T.). Ceci, par exemple, arrive beaucoup plus fréquemment. Même si votre regard à vous est resté identique, celui que les gens posent sur vous est différent.

Et leur attitude aussi. Le succès entraine parfois des conséquences qui échappent à votre propre contrôle : la notoriété, l'intérêt trop pressant des médias, etc.

EDR : N'est-ce pas frustrant de rencontrer des gens persuadés de vous connaitre, alors que vous, vous n'avez jamais entendu parler d'eux ?

JJG : Je trouve ce type de rapport plutôt enrichissant, même s'il est parfois difficile de nouer un contact avec des personnes qui ne vous montrent pas nécessairement leur vrai visage. Bizarrement, j'ai appris à découvrir les gens avec qui je discute par l'intermédiaire de leurs propres questions.

EDR : J'avais plutôt l'impression que Goldman était un exemple de constance. Depuis des années, vous portez les mêms jeans et vous vivez votre métier de la même façon...

JJG : les artistes qui connaissent un succès phénoménal à 18 ou 20 ans changent. Et c'est normal, puisque ce succès leur tombe dessus à une période de la vie où tout homme est en train de se forger un caractère. De 20 à 30 ans ; qu'on soit journaliste, chanteur ou employé des PTT, on évolue, on modifie ses jugements. On change. Pour ma part, j'ai enregistré mon premier album ("JJG" en 1981) à 29 ans. Au niveau familial et au point de vue expériences personnelles, j'avais déjà forgé mon caractère. Il est donc logique que je donne l'impression d'une régularité, d'une certaine constance...

EDR : Justement, on oublie trop souvent que le métier de chanteur s'apprend comme les autres boulots.

JJG : C'est ce que je réponds souvent aux jeuns garçons ou filles qui m'écrivent en disant : "je veux devenir chanteur, écris-moi des chansons". Je leur dis que ce type de question adressée à un plombier paraitrait complètement idiote. Tout le monde sait que la plomberie ne s'apprend pas du jour au lendemain et que des études d'au moins 3 ans sont nécessaires. On ne devient pas non plus chanteur du jour au lendemain ; Il faut gratouiller la guitare tout seul pendant un temps fou en se demandant si on progressera jamais un jour, il faut passer par les galères, les petits groupes. C'est par là que je suis passé. Avec des copains, on achetait des instruments d'occasion et on jouait gratuitement dans les boums, les soirées des lycées.

EDR : Vous avez appris la musique sur le tas, comme la plupart des musiciens anglo-saxons, ou avez-vous suivi la filière du conservatoire, comme c'est souvent le cas en France ?

JJG : Au début, j'ai suivi une formation classique d'environ 10 ans, puisque notre tradition familiale voulait que les enfants apprennent à jouer d'un instrument. J'ai ainsi appris à me débrouiller avec un violon. Mais, à l'époque, l'idée de devenir chanteur ne m'effleurait même pas. Le déclic, le choc s'est produit grâce à la musique anglaise. C'est certain. J'ai abandonné le violon et je me suis mis à la guitare, tout seul. Je ne crois pas que le système instauré en France depuis quelques année, L'Université de la chanson, apporte une formation réellement efficace. Il suffit de regarder les chanteurs qui expriment des idées intéressantes, qui sortent des sentiers battus de la chanson française traditionnelle : ils ont tous appris sur le tas, dans la rue, dans les parkings, dans les garages, dans les lycées, dans les petits groupes, et certainement pas dans les écoles.

EDR : C'est plutôt une bonne chose non ?

JJG : Je n'en suis pas persuadé. Jack Lang me posait récemment des questions sur la problèmatique et l'évolution de la chanson française. Je lui ai simplement répondu que ce n'était pas de son ressort ; mais plutôt celui du ministre de l'Education Nationale. Pour porter des fruits à un niveau international, un sportif doit commencer son apprentissage au plus tôt. A l'école primaire. De même, le talent d'un chanteur ou d'un musicien doit être dépisté et encouragé au plus tôt. Je suis persuadé qu'il existe des Stevie Wonder ou des Michael Jackson en France, mais ils l'ignoreront toujours par manque d'une initiation culturelle immédiate que les Américains possèdent, au collège, en chantant dans les matches de foot, en famille et même dans les églises....

NON AU JEU DE LA VERITE

EDR : Malgré le tourbillon du succès, croyez-vous que le mot "solitude" s'accorde bien avec celui de chanteur ?

JJG : Il existe en fait 2 facettes aussi attrayantes l'une que l'autre. D'abord, la phase de conception et d'écriture d'un disque, pendant laquelle on s'enferme dans une cave pour mettre bout à bout toutes les idées récoltées l'année précédente. Là, on se retrouve vraiment seul face à un autre musicien pour l'enregistrement des instruments ou avec un ingénieur du son pendant les très longues heures de mixage. C'est la phase de solitude, d'isolement, de minutie, de retraite. On vit en décalage par rapport à la réalité. Ensuite, avec un groupe en tournée, on redécouvre la chaleur d'une équipe et on récolte le verdict du public chaque soir, pendant le concert. Plus moyen de se retrouver un instant seul ! J'aime vraiment beaucoup la succession de ces 2 phases, l'une se nourrissant de l'autre.

EDR : Pendant votre spectacle au Zénith, j'ai eu l'impression de me trouver devant un groupe assez hétéroclite, de musiciens venants d'horizons très divers, mais surtout devant une chouette bande de copains.

JJG : C'est la réalité. Pour ma première tournée, j'ai effectivement fait appel à des requins de studio. J'avais très peu confiance en moi et je comptais vraiment sur le professionnalisme. Au bout d'un mois de tournée, j'ai compris que le public n'attendait pas ce type de spectacle. Autant la précison est indispensable sur un disque, autant la scène nécessite un brin de folie. La scène est ephémère, chaque note disparait une fois jouée. Ce qui compte avant tout, c'est l'esprit d'équipe, une certaine communion qui existe entre les musiciens. Et si ce type de pari est humainement réussi dans les autocars, dans les hôtels, entre les membres de l'équipe, alors seulement on peut espérer créer le même type de relation amicale avec le public. C'est très important.

EDR : Quelles sont les autres valeurs auxquelles Goldman croit ?

JJG : Pour rester au plan strictement professionnel, on me repproche souvent de manquer d'ambition. Je pense au contraire faire preuve d'une grande ambition, même si je n'ai jamais rêvé de devenir une très grande vedette et d'être reçu par le Président de la République ou la reine d'Angleterre ! Par contre, j'ai toujours voulu jouer une musique qui m'apporte quelque chose. Ainsi, la période Tai Phong m'a laissé un souvenir impérissable, même si la réussite nous a souvent boudés. Si, à cause de mon succès actuel, j'étais amené à poser des actes que je ne sens pas, je ne serais certainement pas un type heureux.

EDR : Une autre valeur serait de maintenir une certaine distance entre ta vie privée et ta vie publique, même si les gens ont parfois l'impression qu'une personne public leur appartient en partie...

JJG : Je ne formulerais pas les choses de la même façon. Je ne dresse pas volontairement de frontière entre ce qu'on pourrait appeler mes "2 vies". Simplement, quand vous rencontrez quelqu'un, vous ne déballez pas aussitôt votre vie privée. Ce n'est pas parce que je suis chanteur que je devrais, moi, automatiquement le faire. A Lille, j'ai reçu une lettre d'un garçon, apparemment très jeune, qui écrit ceci : "Je comprends que tu aies peur des interviews, parce qu'ils posent des questions indiscrètes. Tu as bien raison de dire non à Patrick Sabatier pour "le jeu de la vérité"... Au contraire, on me parle beaucoup de ce flou que je maintiens autour de ma vie privée. Mon public semble solidaire avec cette attitude...


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