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Tout sur Goldman
(Hyperstar Biographie, 1986)

Tout sur Goldman
Hyperstar Biographie, 1986
Philippe Deboissy
Retranscription de Géraldine Clot, Marie-Laurence Cuvillier, Claire

Un phénomène au-dessus de tout soupçon
Jean-Jacques Goldman

Comment un garçon comme Jean-Jacques Goldman en est-il venu à lever les foules en l'espace de quelques années et quelques refrains ? Comment se fait-il que la grande presse, les grands média s'interrogent encore sur ce chanteur qui, loin de tout instinct de provocation, de tout message et de tout look, propage une aura galvanisante auprès des adolescents et pique de curiosité un public adulte ? La réponse n'est pas facile à donner. Il faudrait la chercher du côté de la publicité et de ses mécanismes dans la société d'aujourd'hui. L'air du temps est un phénomène qui dépasse nos habitudes d'analyses du succès, mais elle est aussi l'adéquation parfaite entre un individu et les désirs du nombre, à un moment donné. En cette fin d'année 1985, Jean-Jacques Goldman sort un disque non homologué, son quatrième en solo, où figurent deux titres qui deviendront très vite des tubes : "Je marche seul" et "Je te donne" (en duo avec son compère anglais [sic] Michaël Jones.)

En décembre, les concerts au Zénith prévus du 3 au 15 sont suivis de trois dates supplémentaires pour cause d'affluence lors des réservations ! Mais ce n'est pas tout : en septembre, les places sont prises d'assaut au grand étonnement des organisateurs des concerts, qui s'aperçoivent très vite que les affiches n'ont pas été posées ! Que faire ? Rien, puisque toutes les places sont vendues : deuxième marque de succès. La troisième phase c'est Jean-Jacques Goldman qui va la jouer à lui tout seul en émerveillant son public. Mais pour répondre à ses détracteurs, et notamment à un article incendiaire de Patrick Delbourg dans l'Evénement du jeudi titré : "Jean-Jacques Goldman est vraiment nul !", il mettra sur son programme de soirée des extraits de cet article et de quelques autres parus dans les quotidiens. Goldman a plus d'un tour dans son sac et sait le prouver ! Que lui reproche-t-on ? Le journaliste en question dit : "Rien, sinon une affabilité tous terrains, en parallèle avec l'image bêtasse et godiche d'un Duteil...", je cite, et plus loin : "... un magnifique exemple de chantre mou, systématisant le couac et réinventant le néant des décibels avec la fausse modestie du doux troubadour qui fleurit chaque soir sur l'estrade pour donner ses toutes petites graines de somnifère". Le journaliste n'y va pas de main morte ! Mais comment expliquer que les foules trépignent à chaque concert de Jean-Jacques ? On ne peut pas dire qu'il les endort. Mais on lui reproche ses textes qui ne délivrent aucun message et souvent sa voix haut perchée qui s'étrangle dans les aigus. Que peut-on dire de ce parti-pris musical et vocal ? Une journaliste du Nouvel Observateur s'interroge sur ce phénomène et sur son succès indécent qui est arrivé sans campagne de promotion, sans interviews, etc. Sa conclusion est : "Produit parfaitement ciblé, parfaitement neutre, parfaitement seul. Jean-Jacques Goldman n'est pas Jean-Jacques Goldman. Je demande le non-lieu."

C'est ainsi que se termine cet article qui avait pour titre "Plaidoyer pour Goldman". Mais, entre les lignes de ce papier, la journaliste commet une légère erreur sur sa biographie et Jean-Jacques va lui répondre, quelques jours plus tard. Voici sa lettre :

"Mon père n'est pas "juif allemand" mais "juif français" et ma mère n'est pas "juive polonaise" mais "juive française". Je regrette d'avoir à rectifier ce genre d'"erreur" dans les colonnes du "Nouvel Obs". "Il ne choisit rien", c'est vrai sauf quelques "détails" : les musiques que je compose, les textes et arrangements que j'écris, la réalisation et les instruments dont je joue. Le "reste" (? ? ?) m'intéresse effectivement moins... S'il est exact que je ne revendique ni look, ni vie privée tapageuse, ni "message" susceptible de faire "bander" Marie Muller, j'avoue ne pas être mécontent d'entendre les gens chanter "Je te donne toutes mes différences, tous mes défauts qui sont autant de chances", à quelques mois d'une campagne électorale qui s'annonce plutôt... louche.

Enfin, concernant mes réticences vis-à-vis de la presse dite "grande", les lecteurs comprendront peut-être mieux mon manque d'enthousiasme et de plaisir à rencontrer ce type de... (j'ai failli dire journaliste). Cependant, j'avais appelé votre collaboratrice (à sa demande) mais, décrétant que je n'avais pas "la voix de Jean-Jacques Goldman", elle a cru à une blague téléphonique d'un de ses amis (apparemment plein d'humour) et m'a raccroché au nez !"

Le Nouvel Observateur la publie dans son numéro du 17 janvier 1986. Jean-Jacques a le dernier mot, et sa réplique est assez piquante !

Signe particulier : sans

C'est ainsi que Jean-Jacques Goldman a pris l'habitude de marquer sa biographie de chanteur que la maison de disques a imprimée. Il est né le 11 octobre 1951 à Paris, de Alter Mojze Goldman, né à Lublin (Pologne), et de Ruth Ambrunn, née à Münich (Allemagne). Ses parents se rencontrent à Paris en 1948. Tous deux immigrés et juifs. Son père fut résistant. Il s'est engagé dans les Chasseurs d'Afrique, ainsi il a acquis la nationalité française. Jean-Jacques l'a bien indiqué lors de sa réponse à divers journaux. Troisième d'une famille de quatre enfants, Jean-Jacques a vécu dans le 19e arrondissement, et il n'hésite pas à préciser qu'il a eu une enfance bourgeoise et sans problèmes majeurs : "Je ne suis pas de ceux qui en ont honte".

Très tôt, ses parents lui font apprendre le violon puis le piano. Cette éducation musicale va aussi de pair avec des études sérieuses que Jean-Jacques va mener presque sans anicroche. Il est un élève timide, nonchalant, qui a quand même des qualités comme, entre autres, l'esprit sportif. Pour rompre un peu avec sa nature introvertie, il fera un bref passage chez les scouts, mais la fièvre de ses états d'âme d'enfant le conduira à ouvrir les pages d'un cahier pour noter tout ce qui lui passe par la tête. Il tient un petit journal. Il s'initie à la poésie et trace peut-être son goût futur pour la chanson et la ritournelle. Au grand dam de ses parents !

Qu'en est-il de ses ambitions à cet âge-là ? Jean-Jacques semble s'en être souvenu dans une de ses premières chansons :

"A 15 ans on m'avait dit, si t'es sage et bien gentil, t'auras une mobylette. J'avais que ça dans la tête (yéyé)"

C'est une chanson un peu ironique intitulée : "Sans un mot". Jean-Jacques Goldman se souvient de ces paradis bien programmés servis sur un plateau et sans aucun effort dont il ne voulait pas. "J'avais tout/ Tout ce qu'ils auraient rêvé/ Ils n'ont rien compris du tout/ Quand un soir j'suis pas rentré, non, non". Il y a déjà dans cette chanson ce côté anti-ambitieux. Il dira plus loin :

"On nous gonflait la tête de désirs vulgaires, de pouvoir et d'argent qu'on aurait mis à l'eau, nous, on parlait histoire, liberté, univers. Et l'on aurait donné notre vie sans un mot, sans un mot."

Tout au long du texte, Jean-Jacques va exorciser et mettre à nu une certaine idée de la vie, en se souvenant de son adolescence. Il note qu'il a choisi la banlieue pour y vivre, et termine par ces deux phrases : "Je ne suis pas des plus malins ni un super ambitieux/ Et je plains les plus malins et je plains les ambitieux". Un credo qu'il semble encore tenir, depuis cette année 1981 lorsque son premier album solo est paru.

Signe chinois : chat... Jean-Jacques deviendra le félin tranquille du showbiz

Les petits faits et gestes particuliers à cette période de formation sont pour le jeune homme, destiné à une carrière de chanteur, assez déterminants. Le développement du caractère commence, la personnalité se forge aux divers contacts de l'environnement social, parental, et par d'autres moyens comme la musique, les livres, le cinéma, etc. Les idéaux se précisent dans sa tête. Il ne reste qu'à choisir selon ses impulsions, ses désirs les plus secrets et se forger une route. Alors que certains facteurs de l'enfance et de l'adolescence déterminent des carrières d'artistes et les expliquent, celle de Jean-Jacques est placée sous le signe de la tranquillité. Disons qu'il fut — selon ses dires — un enfant modèle. Fort de l'expérience de ses parents, il a voulu accomplir des études sans histoire et se tracer une carrière dans le commerce au cas où ses pérégrinations dans le monde de la musique rock n'auraient pas abouti.

Il ne s'intéresse pas vraiment aux grands philosophes révolutionnaires qui sont à la mode en ce milieu des années 60. Il affiche un profond apolitisme qui le suivra jusqu'à ce jour. Lors de sa scolarité, il ne fait pas de bavures exceptionnelles. Ses parents n'auront jamais à rougir de lui ni à élever la voix. Il ne fait pas de fugue, ne traîne pas dans les rues ou les cafés, ne fume pas en cachette. Il arbore des vestes impeccables plutôt que des blousons en cuir.

Cette volonté de se distinguer par rien, par aucun signe particulier extérieur, est chez lui comme un leitmotiv. Un leitmotiv qui montre bien son appartenance au signe de la balance.

Jean-Jacques Goldman est Balance, ascendant Lion. Dans l'astrologie chinoise, c'est un chat, et tout semble concorder avec les traits de sa personnalité. Le chat est discret. Il se montre prudent mais est maître de lui. Il est un peu rancunier. Il suffit de voir avec quelle désinvolture Jean-Jacques accueille les quolibets et les articles négatifs. Il se tient à distance et ménage en douceur sa susceptibilité. Il est effacé comme l'acteur de renom Peter Falk (l'inspecteur Colombo). Il veille à sa sécurité ainsi qu'à celle de sa famille. Il est très sociable quand il sent la confiance des autres autour de lui. Les défis peuvent le conduire à s'isoler. Il ne tient pas à prendre des risques inutiles. Il le soulignera un 1985 quand il passe au Zénith en sachant qu'il a acquis un public. Le chat n'est pas extravagant dans ses tenues vestimentaires. Il aurait tendance à être sobre ou un rien négligé. Jean-Jacques colle absolument à ce portrait en affichant une forme de modestie dans tous les domaines.

Voici un chat typique ! Même sa moue de romantique des années 80 griffe en douceur. Il n'a pas la fleur de la révolution entre les dents. Certains diront qu'il est le Bernard-Henri Lévy de la chanson. Et pourquoi pas ? Mais revenons-en au parcours d'un personnage qui va faire couler beaucoup d'encre et vendre des millions de disques.

Les premières notes de rythm'n'blues : La puce à l'oreille

Continuant à mener une scolarité sans remous, Jean-Jacques cultive son jardin. Il écoute beaucoup de musique anglo-saxonne et un beau jour, entend la voix d'Aretha Franklin. Cette chanteuse de rythm'n'blues et de soul va complètement le bouleverser.

Il vient d'avoir dix-sept ans et son violon lui pèse un peu. Pendant dix ans, il aura suivi l'enseignement de cet instrument peu commode pour faire du rock. Mais il n'oubliera jamais la technique qu'il a apprise. Après coup, Jean-Jacques dira : "J'apprenais le violon comme on apprend les sciences naturelles". Son engouement pour la musique allait se préciser très rapidement. Il décide de s'acheter une guitare avec les quelques économies qu'il possède. A cette époque, il s'en offre une d'occasion ; son prix est modeste : environ 700 francs.

Nouvelle décision de sa part : il deviendra guitariste et chantera de la soul musique. De son journal intime, il passera aux chansons et y mettra toute son énergie. En France, c'était l'époque des fameuses séries de disques intitulées Formidable R'N'B où l'on découvrait toutes sortes de chanteurs soul : Wilson Pickett, Otis Redding, Percy Sledge, Roberta Flack, The Stapple Singers et bien sûr Aretha Franklin. La liste est encore longue... Toute une génération se passionnera pour la musique noire qui arrive des quatre coins des Etats-Unis et dont les labels joueront une part spécifique dans les différents genres. Nous aurons les partisans de l'école Stax d'un côté, de l'autre Volt, et bien sûr la Tamla Motown qui fournit encore de nos jours les plus grandes révélations de la soul et funk music. Est-il besoin de rappeler les débuts des frères Jackson, de Marvin Gaye, de Stevie Wonder (que Jean-Jacques adore) des Temptations, de Diana Ross, de Lionel Ritchie et de nombreux autres. Jean-Jacques est immédiatement séduit par ce style de musique qui fait passer l'émotion, la chaleur humaine à travers les mots et les rythmes et toute une attitude qui correspond aux soubresauts de l'âme.

"Alliance sacrée" : Le fils de Ruth et d'Alter chante des titres de gospels dans une église !

C'est ainsi [sic] que Jean-Jacques appellera son premier groupe dans lequel il chantera bien sûr des gospels et du blues.

Une rencontre sera déterminante, celle qu'il fait avec le père Dufourmantelle qui lui permettra de jouer dans l'église avec sa guitare électrique et les copains qui forment son groupe. Tous les dimanches, on les voit jouer ces fameux gospels.

Il se lance complètement dans ce hobby jusqu'au jour où le père Dufourmantelle décide de lui faire enregistrer un 45 tours. Jean-Jacques comment ses premiers pas dans les studios d'enregistrement. Il a tout juste quinze ans. Le courant est passé ! Le voilà embarqué sur le chemin de la chanson. La vente du 45 tours permettra de rembourser les frais d'enregistrement. Ce n'est pas une mauvaise chose quand on sait ce qu'il en est des rouages de la mécanique du showbiz même pour des artistes enregistrant dans de grandes maisons et qui ne vendent parfois même pas assez de disques pour équilibrer la production !

Jean-Jacques passe au même moment son BEPC. Il délaisse quelque peu son goût pour la littérature et son journal intime pour écrire des chansons et vivre la perspective musicale à long terme.

On sait que dans ces périodes d'ébullition, on a tendance à former des groupes qui feront les bals, les boums chez les copains et pourquoi pas les clubs qui donnent une chance aux nouveaux venus ! Ainsi Jean-Jacques va s'efforcer de multiplier les expériences pour acquérir une maîtrise parfaite de la musique.

Avec ses copains, ils répètent et se préparent à tenter la scène du Golf Drouot, tremplin du rock français, qui en a vu passer des vertes et des pas mûres en matière de groupes et chanteurs solo. On sait que certains feront une belle carrière par la suite.

Si les idées utopistes vont bon train et les aspirations sociales se précisent chez Jean-Jacques, le nom qu'il donne au groupe qui va passer au Golf Drouot s'appelle Phalanster. Ce nom évoque inévitablement les théories de Charles Fourier qui avait écrit Le nouveau monde industriel et sociétaire (1829). Fourier avait prévu des petites cellules sociales qui vivraient selon les affinités dans des phalanstères. Un projet de vie utopiste qui aurait divisé les différents groupes sociaux selon leurs désirs, leurs modes de vie, réglant ainsi la cellule familiale. Certes, cette supposition concernant ce nom de groupe mérite d'être signalée au-delà de toute conclusion.

Le groupe de Jean-Jacques Goldman va alors écumer le fameux club parisien avec à ses côtés d'autres musiciens qui formeront par la suite les Gibson Brothers. Phalanster meurt rapidement tandis que la mode de la dance-music [sic] va éclater dans les années 1977 et 1978. Mais Jean-Jacques n'en est pas pour autant déprimé. Il continue le lycée (Fronçois Villon) où ses études se poursuivent sans ambages. Il ne se décourage pas mais préfère continuer en sourdine ses gammes. Il n'est pas avide de faire une carrière de musicien. Dans un premier temps il préfère s'éclater en tendant vers diverses expériences qui lui seront nécessaires plus tard.

Entre H.E.C et Jimi Hendrix : la poésie

Après le passage au Golf Drouot, Jean-Jacques, dont la passion pour la musique n'est pas éteinte, préfère mener ses études et apprendre un métier qui le préservera des "galères".

Il a laissé ses cheveux pousser, comme ses camarades, alors que le mouvement hippie bat son plein. Il arrive en terminale et passe son bac D. Ses parents le guideront vers les études commerciales et il n'y verra aucun inconvénient.

Pendant ses vacances, il fera la route comme toute une génération marquée par Kerouac et son fameux livre phare : "On the road" (Sur la route). Il emportera avec lui sa guitare. Mais cela ne l'empêchera pas de s'inscrire à la Fac.

La musique et le grand air vont l'ouvrir au monde extérieur. Sa timidité et son effacement s'atténueront. Il se met à écrire ses premières chansons comme une suite à son journal. C'est pour lui un nouveau moyen d'expression qu'il devra porter jusqu'au bout de ses désirs.

Dès la rentrée 70, il s'inscrit en préparation à H.E.C (Hautes Etudes Commerciales). Il y passe un an comme un véritable étudiant sérieux dont le look s'accorde parfaitement à l'ambiance de l'école. Mais en fin d'année, il n'est pas reçu. Jean-Jacques a trop la tête dans la musique et nourrit encore ses passions premières, mais ceci n'est pas pour le décourager, car il veut de toute manière avoir un diplôme. On ne sait jamais ce que peut vous réserver la vie de musicien !

Il ne délaisse pas ses bouquins d'économie et de marketing. Il va poursuivre ses études à Lille et s'inscrira à l'Edhec, école de commerce et de gestion. Le passage ne sera pas aussi excitant que celui de Paris où naviguent de nombreux musiciens prêts à former des groupes. Cette mini-retraite l'aidera à faire le point et à cultiver la pratique de la guitare ainsi que l'écriture de chansons. Ses chanteurs préférés du moment sont : Jimi Hendrix, les Guitar-Heroes, les groupes pop de ce début des années 70.

Lors de vacances, il met au rancart les bouquins et sa tenue stricte pour faire la route avec son camarade Jean-Max. Ses cheveux repoussent pendant ces trois mois de liberté et le revoilà dans sa vraie peau de chanteur-musicien.

Son goût de l'aventure l'amènera au Mexique et aux Etats-Unis ; il passe par le Canada et découvre aussi la Suède. Ces grandes vacances contrebalancent ses études strictes où la part de poésie est maigre.

Donc, de 1971 à 1973, il aura finalement intégré cette école dont il obtiendra le diplôme. Ses parents en seront fiers. Par la suite, il s'inscrira aussi en fac de sociologie pour une année où Jean-Jacques, se familiarisera avec les structures qui régissent la vie des sociétés. Comme il le dira plus tard, ses études lui auront permis de garder un contact avec la réalité, d'apprendre des mécanismes qui lui serviront pour s'épanouir. Car il sait très bien que ce qu'il a en lui peut se développer plus ou moins selon ses choix. Quand il quitte Lille, c'est pour retrouver Paris avec bonheur. L'excitation de ses premières années musicales le reprend. Il vibre de nouveau. Ses études commerciales ne le mèneront pas dans les assurances ou dans les bureaux de gestion, ni dans les entreprises. Tout au plus, fera-t-il un crochet dans le magasin de sport que tient son frère. Cela sera une sorte d'accalmie entre deux concerts de groupes où il se frottera avant de commencer vraiment une carrière dans le rock. Il a toujours les pieds sur terre mais se dit : Advienne que pourra !

Viet, juifs, anglo-saxons : le melting-pot de Taï-Phong vers les premiers succès

Durant ces années de maturation, Jean-Jacques a acquis les rudiments du métier. Il compose et chante. Ses amours musicales prennent de nouvelles voies mais il n'a pas d'idoles en particulier. Il baigne dans le jus de l'époque. En France, nous sommes au tout début des groupes de rock avec Triangle, Zoo, Ange (un des plus marquants par la suite) et quelques autres.

C'est une période assez prolixe pour l'éclosion des groupes. On vient de découvrir King Crimson, Genesis, Yes et quelques artistes anglo-saxons qui ont insufflé un ton nouveau dans la pop-music. Les revues musicales comme Rock & Folk distillent chaque mois des comptes rendus de disques anglais et américains qui sortent chez nous. Les premiers concerts des grands groupes comme les Moody Blues ou encore Emerson, Lake et Palmer, laissent une puissante empreinte dans les oreilles des musiciens français.

Jean-Jacques n'a pas pour autant renié ses engouements pour les rythm'n'blues. Il connaît aussi les chanteurs français à textes comme Léo Ferré, Brassens. Mais ce n'est pas du rock ! Il se cherche entre les mélodies et les rythmes, entre la simplicité et la sophistication. Le déclic ne va pas tarder. Les musiciens français sont nombreux à chercher de nouvelles directions. Et nombre d'entre eux vont opter pour chanter en anglais.

La rencontre décisive

Après quelques années de flottement dans diverses formations éphémères, et le service militaire effectué en 1974, Jean-Jacques Goldman va rencontrer deux frères vietnamiens férus de musique et dont les ambitions vont être enfin canalisées.

Khanh qui est spécialisé dans le son et dont le studio d'enregistrement n'a plus de secret. Il est également guitariste tout comme son frère Taï qui tient la basse. Tous deux connaissent le maniement des premiers synthétiseurs. Khanh travaille dans un studio et son frère est employé de banque. Mais nos deux passionnés mettent tout leur temps libre dans la musique et dans la recherche sonore. Ces acharnés ont écumé toutes les salles de concerts, les concours et divers autres tremplins. Leur groupe, Mousson, a remporté le championnat Ile-de-France. Mais cette opportunité pour se faire connaître n'a rien déclenché auprès des maisons de disques.

Taï, la tête du groupe, s'en va prendre un grand bol d'air en Angleterre. Il fréquente les pubs, le métro et joue avec des musiciens qu'il rencontre au gré de ses allées et venues. Ce voyage va lui redonner des idées et du tonus. Quant à Khanh, il continue son métier dans les studios d'enregistrements parisiens, où il voit défiler de nombreux groupes et chanteurs. Il observe de futures stars qui semblent émerger ici et là.

Quant Taï revient, il décide, avec son frère, de former un nouveau groupe qui s'apelle Taï Phong, "grand vent", en vietnamien. Les répétitions vont commencer, tous les soirs après le travail. Ils cherchent de nouveaux musiciens dans Paris. La quête s'avère difficile. Puis les deux frères décident de passer une annonce dans le Melody Maker, l'hebdomadaire musical anglais le plus en vogue à cette époque. Ils ont immédiatement une réponse de deux musiciens : l'un anglais et l'autre américain. Ils viennent à Paris et vont répéter ensemble. Au bout de six mois, rien ne va plus. L'Américain décide de se tirer avec son ancien groupe et l'Anglais commence à la ramener un peu trop. Les groupes connaissent souvent ce type de problème où les personnalités s'affrontent. Les deux frères partent en quête d'un remplaçant moins obnubilé par ses fantasmes de star…

Un beau jour, lors d'une réunion chez des amis communs, les frères (Mai) qui ne démordent pas, rencontrent Jean-Jacques Goldman.

Le déclic est immédiat ! Ce jeune homme leur apparaît modeste, il n'a pas la grosse tête, mais on va s'apercevoir qu'il est cependant tout aussi capable que l'Anglais.

D'ailleurs Jean-Jacques va le prouver très vite avec sa guitare et surtout sa voix, qui convient à 'esprit du groupe, et des compositions. Khanh et Taï semblent reprendre l'espoir de voir un jour aboutir leur projet. Forts de leurs diverses expériences musicales, ils vont écrire des chansons où la part mélodique sera prédominante.

Jean-Jacques fait aussi preuve de maturité. Sa voix va être un tremplin pour le groupe. Ce nouveau trio cherche d'autres musiciens. Ils rencontrent Jean-Alain Gardet qui joue des claviers et qui n'est pas un novice. Il s'est rodé classique et jazz et comme par hasard il prépare lui aussi HEC, ce qui ne le comble pas vraiment ! Jean-Jacques, qui habite le même immeuble que lui, va le faire changer de voie et entrer dans le groupe. Les idées bouillonnent et les deux frères Taï et Khanh vont concocter une sorte de rock symphonique et progressif à la manière de Genesis, et de tout un courant anglais de ce milieu des années 70. Les musiciens sont tous à la hauteur. Il faut néanmoins trouver un batteur qui assure la rythmique. Exit le batteur du moment ! Et en quelques jours, ils rencontrent un tout jeune musicien qui sort de la classe de jazz de Kenny Clarke. Il a dix-huit ans et c'est Stephan Caussarieu. Il a effectué quelques concerts aux côtés de vedettes de l'époque et ses quatre années de jazz sont bienvenues !

Le groupe est à présent constitué. On apprend à se connaître, et les idées musicales ne tardent pas à se préciser. Les frères Maï connaissent les rouages du métier mais cela ne suffit pas pour se lancer à corps perdu ! Taï Phong veut élaborer une musique qui pourrait être un pendant aux expériences anglaises reconnues, tout en ayant une certaine originalité. A cette époque, les claviers étaient dominants et cet élément apportait une touche lyrique au rock progressif. En France, on venait de découvrir les Grecs d'Aphrodite's Child avec leur tube : "Rain and Tears". Le texte de cette chanson fut écrit par Boris Bergman qui, lui aussi, allait et venait dans le showbiz. Pour noyer sa déprime – avant le succès – il s'était retiré en Angleterre. Quelques mois plus tard, il apprenait que sa chanson avait fait tilt ! Par la suite, il composera de nombreux succès pour Bashung. Il n'y a pas de doute, les destins se croisent et les musiciens qui ont survécu à cette époque tumultueuse doivent se souvenir de ces heures d'expériences, de connections et d'insécurité. Dans la foulée, le groupe Taï-Phong va répéter d'une façon très sérieuse, très "pro". Tous les musiciens ont un métier qui leur permet de vivre. Jean-Jacques travaille dans le magasin de sport de son frère. Puis le soir et les week-ends, ils vont composer et trouver leur identité en tant que groupe.

Ils ne sont pas prêts à faire les sempiternelles et décevantes tournées dans les MJC ou les salles de concerts de province pour se faire connaître. Ils préfèrent enregistrer un album dont la qualité sonore sera impeccable. Tels sont les objectifs fixés. Dans un premier temps, il faut réaliser les maquettes. Khanh, qui connaît les studios, n'aura pas trop de difficultés pour mener à bien cette première démarche. Ils persistent et enregistrent une maquette qui séduit plusieurs maisons de disque. Taï Phong n'en revient pas ! Cela leur laisse la latitude d'imposer leur style. On sait que cela n'est pas vraiment le cas de tous les groupes qui proposent leurs maquettes, et d'autant plus de nos jours

Dans ce rapide enclenchement, nos cinq musiciens vont exiger de la maison de disques (WEA) une liberté de réalisation et un contrat qui leur permet de se retourner en cas d'insuccès. A cette époque, leur manager Dominique Lamblin assure la coordination de ce premier album, aux côtés de Andy Scott. Les musiciens se souviennent que si cet album n'avait pas connu un petit succès, ils seraient retournés à leurs occupations.

[Brèves… Brèves]

La marotte du chanteur : Jean-Jacques ne se déplace jamais sans ses tapis persans tout comme Elton John.

"Je ne suis pas une bête de scène" : pourtant son public (ni loulou ni bcbg) hurle lorsqu'il entre en scène, sans parler des filles qui s'évanouissent en série…

La tisane magique… : Infusion de tilleul, jus de citron, miel pour clarifier et renforcer le timbre de sa voix avant un concert. Jean-Jacques comme de nombreux chanteurs de variétés ou d'opéra et quelques hommes politiques sait prendre soins de ses cordes vocales grâce à quelques recettes naturelles.

Il choisit la banlieue : "J'habite depuis toujours le même pavillon de banlieue, situé à cent-cinquante mètres de celui de mes parents à cent-vingt mètres de celui de mes beaux parents, à cent-douze mètres de celui de ma sœur, à cent-vingt mètres du magasin de sports que tient mon frère, où j'ai moi-même travaillé à la fin de mes études commerciales à l'edhec Lille. Nous formons une tribu" [Annick Rannou pour Téléstar]

"Sister Jane" révèle la voix de Jean-Jacques

L'album est prêt. Il sort en 1975. Taï Phong compose six titres et le premier "Goin' Away" qui ouvre l'album est écrit par Jean-Jacques Goldman. Tous les textes sont en anglais et Jean-Jacques est omniprésent avec sa voix qui file dans les mélodies et les arabesques des compositions. Le deuxième titre s'intitule "Sister Jane" : un slow ravageur ! Il sera joué dans toutes les discothèques et les passages en radio vont assurer le succès du groupe. A cette époque (et encore aujourd'hui), on n'admettait pas vraiment que des Français utilisent la langue anglaise pour des chansons. Mais ce n'était pas le cas de la presse rock spécialisée comme Rock & Folk qui voyait en Taï Phong un nouvel espoir du rock "made in France". Les musiciens avaient la répartie prévue contre leurs détracteurs : ils répondaient qu'il se sentaient européens et non pas spécifiquement français. Leur culture était large et les influences ne pouvaient être qu'enrichissantes. Sister Jane devient donc un tube. Et voilà que notre groupe se voit invité par la télévision. Jean-Jacques fuit les fans qui demandent des autographes. Dans son magasin de sport, il fait tout pour dissuader les clients qui le reconnaissent. Il allait, selon les dires, jusqu'à nier qu'il était le chanteur de Taï Phong. Tout cela pour qu'on le laisse en paix. C'est toujours sa timidité et son incroyable effacement devant le succès qui lui feront prendre cette attitude.

Le groupe n'avait pas encore fait de scène. Il fallut s'y mettre, au grand désespoir de Jean-Jacques. Devant la demande du public, le groupe a donné des concerts. Aujourd'hui, on peut encore sentir chez Jean-Jacques une certaine pudeur à s'afficher sur scène. Il donne l'impression de s'excuser d'être là, tout en mettant le public en confiance et donnant le meilleur de lui-même. Ses premières apparitions télévisées en tant que chanteur solo sont assez caractéristiques de cette timidité. Il semble circonspect devant son succès. Lors d'une tournée d'été avec Taï Phong, il refuse soudain de faire de la scène. Il trouve comme excuse : ses obligations envers son frère dans le magasin de sport, et sa présence nécessaire auprès de sa femme, car, à cette époque, Jean-Jacques est déjà marié à Catherine et sa vie privée compte plus que tout.

En 1976, c'est la sortie du deuxième album de Taï Phong, intitulé Windows. Il ne connaîtra pas le même accueil que le précédent bien que l'une des chansons : Games, une mélodie éthérée, aurait pu avoir le même succès que Sister Jane. Le disque fait la part belle aux instrumentaux mais il n'entrera pas dans les hits-parade . Le groupe continue malgré ce flop. Les musiciens se demandent dans quelle direction ils vont continuer. Certains désespèrent et quittent le groupe. Ce sont Jean-Alain Gardet puis Taï qui s'en iront lors du dernier album du groupe : Last flight. Deux nouveaux musiciens prennent leur place : Pascal Wuthrich et Michaël Jones. Chaque musicien composera des chansons mais le groupe s'étiolera petit à petit. Jean-Jacques écrira trois titres pour les derniers disques du groupe. Il dira par la suite : "Le groupe s'est arrêté parce que les groupes, ça meurt". Jean-Jacques continue à mener sa vie de famille et travaille dans son magasin de sport. Mais il a toujours dans la tête cette volonté de percer et dorénavant il écrira ses chansons en français. Dans cette phase difficile, sa femme Catherine le soutient car elle croit toujours en lui. Leur première rencontre, placée sous le signe du coup de foudre, s'avère être une relation extrêmement solide.

Le coup de foudre qui dure depuis 10 ans : Catherine

C'est lors d'un voyage en Turquie qu'il effectue avec son ami Jean-Max que Jean-Jacques se turlupine. Pourquoi ? Parce que celle qu'il aime passe ses vacances en Espagne.

Il veut à tout prix la rejoindre. Avec effervescence, il décide de prendre sa 2 CV et de traverser l'Europe pour retrouver Catherine. Il appréhende sa rencontre et ne peut prévoir comment sa déclaration d'amour va être reçue ! Mais il sait ce qu'il désire et fonce. On peut imaginer toutes les heures passées à ruminer ses pensées dans sa 2 CV avant de la voir. Il s'est plusieurs fois posé la question de rebrousser chemin. Mais il a poursuivi sa route et son idée fixe.

Quand Catherine le voit arriver – surprise…. Elle se rue dans ses bras. A partir de ce jour, ils ne se quitteront plus. Cela remonte à plus d'une dizaine d'années. Aujourd'hui, Jean-Jacques sait préserver sa vie familiale, sa vie privée, qu'il veut différencier de son métier de chanteur.

Cette rencontre se placera sous le signe de l'entente et du respect des désirs de chacun. Quand Jean-Jacques lui confie qu'il veut devenir chanteur, elle croit en lui et l'encourage dans cette voie avec tout son cœur et son appui ferme. "Je crois en toi et je t'aime, donc tu réussiras", lui dit-elle.

A cette époque, Jean-Jacques vient de terminer sa vie de groupe avec Taï Phong. Le dernier album sort en 1979. Mais il continue à œuvrer dans son coin. Il installe un petit studio chez lui où il va enregistrer ses propres chansons en français.

Sa liaison avec Catherine se concrétise. Elle lui donne deux enfants : Caroline et Michaël qui ont respectivement en cette année 86 : 10 et 8 ans.

La retraite de l'artiste

Jean-Jacques écrit des chansons tout seul dans son coin. Ces deux années d'accalmie serviront de point d'ancrage lui permettant de se retrouver et d'écrire des chansons dans l'entourage familial propice qu'il a choisi. Sa femme est toujours présente à ses côtés. Elle l'encourage à persévérer. Les producteurs se souviennent encore de lui. Il leur présentait alors des maquettes de chansons. Mais il n'obtenait pas encore de feu vert. Jean-Jacques ne désespère pas car il pense à une éventualité : écrire des chansons pour d'autres interprètes.

Un ami lui demande une chanson pour une jeune chanteuse qui veut passer à la télévision lors d'un concours. Il écrit la chanson mais l'interprète ne fait pas date. Ce qui n'est cependant pas négatif pour l'auteur-compositeur qu'est Jean-Jacques, car de nombreux producteurs surveillent les auteurs qui peuvent écrire les chansons que d'autres interprètent.

Un jeune producteur qui travaille dans un studio d'enregistrement écoute cette chanson et note aussitôt le nom de Jean-Jacques, auteur-compositeur. On devine aisément la suite. Il contacte très vite Jean-Jacques Goldman et lui fait réaliser de nouvelles maquettes avec ce fameux Titre : Il suffira d'un signe.

Il suffira d'un signe : nouveau départ pour Jean-Jacques

Marc Lumbroso convainc Jean-Jacques d'enregistrer cette chanson et de prévoir un album entier. Nous sommes en 1981 et quand la chanson est présentée chez Epic, elle fait mouche !

On décide immédiatement de sortir un album. Jean-Jacques ne semble pas effrayé par les synthés et les boîtes à rythme. Sa chanson est complètement à contre-courant mais la maison de disques a bon espoir. Jean-Jacques veut intituler son album Démodé. Ce qui ne ravit pas du tout le service publicité et promotion d'Epic. Cela s'intitulera tout simplement Jean-Jacques Goldman et on précisera sur l'album avec une étiquette le titre phare : Il suffira d'un signe. Le tour est joué ! Jean-Jacques écrit pour cet album-retour onze chansons. Il s'entoure des meilleurs musiciens français du moment et va mixer son disque en Angleterre. Ce qui le rapprochera de ses premières amours avec la langue de l'attirante Albion et sa musique.

Quelques mois plus tard, en ce début d'année 1981, le 45 tours va faire une carrière plus qu'honnête. Il se vendra à près de 500 000 exemplaires. L'album connaît lui aussi une brillante carrière sous l'œil surpris de Jean-Jacques qui reste toujours aussi calme que son jeune producteur.

Ses premiers textes donnent l'exact reflet de sa personnalité. Dans Pas l'indifférence, il semble se souvenir des années où l'incertitude de la vie pesait sur lui :

"J'accepterai la douleur D'accord aussi pour la peur Je connais les conséquences Et tant pis pour les pleurs J'accepte quoi qu'il m'en coûte Tout le pire du meilleur"

Cette chanson exprime assez bien son détachement. Jean-Jacques restera encore surpris de son succès. Le public découvre un garçon charmant et qui n'en rajoute pas. Comment ne pas tomber amoureux d'un tel personnage qui chante avec passion, de sa voix haut perchée. Il est immédiatement accueilli par les jeunes entre 12 et 15 ans comme un charmeur. Il parle à leur cœur. Le contact se fait. Quand on l'interroge sur son succès, il s'en étonne. Il n'a pas l'impression de chanter des chansons d'amour. Et il se défend de son image de playboy.

"L'ambition, pour quoi faire ?"

Lorsqu'il est interviewé, sa réponse est catégorique au peu de journalistes qui ont ses faveurs.

Il n'a jamais vraiment voulu être une star.

D'ailleurs, sur les pochettes de Taï Phong, il faut chercher son visage car il n'est jamais au premier plan.

Il voulait écrire des chansons et les faire chanter par les autres.

Il n'est pas excentrique dans sa tenue vestimentaire, juste une dégaine sportive et un regard de beau ténébreux.

Le passage en tant qu'artiste solo va dorénavant le propulser dans la nébuleuse de la nouvelle mouvance française.

Il se méfie toujours des retours de balle.

N'a-t-il pas écrit dans sa chanson "Une autre histoire" :

"J'ai vu le théâtre et je connais les décors La pièce d'un acte joue encore Une autre histoire, une autre histoire Ecrivez-moi une autre histoire J'voudrais bien vivre une autre histoire".

Il ira jusqu'à dire lors d'une très brève interview : "Est-ce réellement une tare que de ne pas avoir d'ambition ?"

Le succès de ce premier album s'appuie sur des mélodies assez efficaces et une rythmique très rock où la guitare et la basse pointent leur son. Il suffira d'un signe apparaît comme un leitmotiv qui fait toute la personnalité de Jean-Jacques. La presse cherche vainement à savoir qui il est vraiment. Les purs et durs du rock le rejettent sans ambages. Seuls les adolescents trouvent en lui un nouveau type de chanteur, et les journaux de la presse jeune le désignent comme leur nouveau porte-parole.

Ce succès tout neuf ne le fera pas changer d'un iota ! Il s'affiche comme chanteur de variétés ayant une culture anglo-saxonne, pour clouer le bec à ses détracteurs.

Déjà dans ce premier album, il écrit des textes qui font état de ses sensations les plus profondes, comme Quel exil, par exemple. Le succès populaire s'amplifie. Et Jean-Jacques reste le même. Il ne fait pas de caprice de star. Il ne s'affiche pas dans tous les lieux à la mode du show-biz et de la réussite. Tout au contraire, il préserve de plus en plus sa vie privée et ne laisse en aucune façon les photographes pénétrer chez lui pour des clichés de famille. Le deuxième 45 tours qui sera extrait de l'album s'intitule : Quelque chose de bizarre.

La force tendre du style Goldman !

Jean-Jacques Goldman va passer l'année 1981 dans le succès total. On s'interroge. On s'étonne, car le public est venu à lui sans qu'on l'ait forcé ! Cela est d'autant plus surprenant que la presse rock spécialisée y voit anguille sous roche.

En 1982, il sort un album où émergeront trois nouvelles chansons : "Quand la musique est bonne", qui vient affirmer le style Goldman, puis un slow "Comme toi" et "J'irai jusqu'au bout de mes rêves".

Au départ, Jean-Jacques voulait intituler son album "Minoritaire", comme le titre de l'une des chansons figurant sur le disque. La maison de disques s'ébroue : Non ! Encore une fois. Et cela sera "Quand la musique est bonne". L'album se vendra à plus de 200 000 exemplaires. Jean-Jacques va s'imposer comme le nouveau chanteur français dont le succès surprend tout le monde.

Comment se fait-il que Jean-Jacques, qui n'a pas vraiment un look à "casser des briques", comme certaines vedettes anglaises ou françaises, arrive à s'imposer ? Tout simplement par l'aura qui s'exhale de cette personnalité secrète et réservée. Il est simple et sa tenue est décontractée. Il n'a pas la dégaine d'un prédicateur ni d'un engagé politique. Il se contente de donner à son public des chansons avec du cœur et des tripes ! Et toute une nouvelle génération s'identifie à lui. Il a les allures sportives d'un Balavoine. Il arbore des baskets, un jean classique et une chemise blanche. Parfois, il porte une cravate à peine nouée. Quand on lui pose le problème de son image, il a vite fait de mettre les pendules à l'heure : "C'est un faux problème. Les gens ont l'image qu'ils méritent". Quant à sa coupe de cheveux, il suffit de regarder ses anciennes photos pour s'apercevoir qu'il n'en a pratiquement pas changé. C'est un éternel romantique, fidèle à ses premiers élans d'adolescent. Pourquoi ne pas l'accepter ainsi ?

Ses fans le réclament sur scène

Après ces deux albums en solo, Jean-Jacques va recevoir un courrier de plus en plus abondant. Et ses fans se trouveront pour la plupart en province. Il ouvre lui-même les lettres et y répond. Mais sa grande réponse, sa grande décision, sera de remonter sur scène. Il redoute ce moment comme par le passé. Mais il a confiance en son public et va se rendre dans diverses villes sélectionnées dans le Sud-Ouest, le Nord et le Centre de la France. Cette tournée sera préparée minutieusement par Jean-Jacques et ses musiciens. Son producteur est toujours présent à ses côtés ainsi que sa femme qui le soutient de plus en plus dans le succès. Il sait pertinemment que c'est en province qu'il a connu le triomphe et, comme pour aller contre les habitudes du métier, il fera une tournée avant la sortie de son nouvel album. Le risque est gros. Mais on se souvient qu'avec le précédent disque, il a aligné trois tubes coup sur coup.

Goldman : coup de cœur du public.

Dans le contexte de la nouvelle chanson française, c'est un phénomène. Depuis quelques années, on a vu éclore de nouveaux talents : Francis Cabrel, Alain Souchon, Laurent Voulzy, Yves Duteil et quelques autres. Mais Jean-Jacques Goldman appartient à un autre type d'artistes qui se font par les radios locales et par un discours discret...

Le showbiz connaît les retournements fréquents du public, et quand un artiste arrive à dépasser le cap du succès des ventes de disques, c'est un autre phénomène qui surgit : le coup de cœur, l'engouement populaire ! Cet engouement est rare. Peu d'artistes peuvent se vanter de le connaître durablement. On se souvient de Berliner, de Gotainer, de Blanchard, de Rose Laurens et de Chagrin d'Amour... qui ont à divers degrés eu l'adhésion totale d'un grand public.

Jean-Jacques prend d'assaut les hits-parade et les émissions de télévision se l'arrachent. Ce succès ne l'enivre pas au point de délaisser sa famille. Quand il rentre de ses séances d'enregistrement, c'est auprès de ses enfants et de sa femme qu'il aime se retrouver, ou en compagnie de ses amis. Le star-système n'est pas vraiment sa "tasse de thé".

Quelle est sa recette ? Comment fait-il pour se préserver de tout cela ? Elle n'est peut-être pas facile pour tous les chanteurs, mais elle l'est pour Jean-Jacques. Après son travail, ses divers rendez-vous dans le milieu musical, il rentre chez lui vivre sa vie de famille. Mais nous savons que le showbiz organise souvent des soirées pour les artistes, des dîners, des réceptions dans les clubs, etc... Alors ? Jean-Jacques préfère limiter les dégâts car il en connaît les dangers. Combien de carrières brisées pour des plaisirs éphémères... Non, Jean-Jacques ne veut pas suivre ce tohu-bohu. Il a d'autres aspirations. Il a gardé la tête froide depuis ses premiers pas dans le métier. Sa vie d'anti-star : il en est fier mais sans pour autant en faire un emblème. Jean-Jacques ne désire pas avoir de faux rapports avec son public ni avec ceux qui travaillent pour lui ou à ses côtés. Il ne sera jamais en retard pour un rendez-vous. Il ne voit pas pourquoi son succès lui donnerait cette permission. "Si les gens ont de faux rapports avec des vedettes, c'est parce qu'ils pensent que nous avons une certaine idée de nous-mêmes et que nous entretenons une certaine image". Jean-Jacques se détache de ces attitudes qui sont le lot de nombreux chanteurs. Il ne sait pas se composer ce look spécifique qui coïncide aux canons de ce métier. Il ne se voit pas décider devant la glace de s'habiller de telle ou telle façon pour jeter de la poudre aux yeux !

Jean-Jacques est sincère et se bat contre les artifices de ce métier. Il répond lui-même aux lettres de ses fans, et ne laisse à personne le soin d'ouvrir son courrier abondant. L'essentiel reste de donner tout ce qu'il peut dans ses chansons. C'est son ultime moyen de communication.

Tout à la fois "Hors-jeu" et populaire, Jean-Jacques s'impose en douceur

Le succès de son deuxième album va le conduire sur les routes d'une tournée. Entre-temps, il prépare un nouveau disque qu'il appelle, avec l'accord de son entourage "Positif". Cela contente tout le monde. Il est vraiment "Au bout de ses rêves" et va prendre de l'assurance pour écrire des chansons qui fustigent les idées noires et prônent l'individualisme.

La tournée est programmée de novembre 1983 à mars 1984 avec un crochet par l'Olympia du 26 mars au 1er avril. Il commencera par la province qui lui a toujours été fidèle. Le démarrage de son album va s'annoncer plutôt bien. Jean-Jacques Goldman est désormais une très grande vedette.

La presse et la télé le veulent à tout prix. Il saura y faire face avec la prudence qu'on lui connaît. Il apparaît de temps en temps sur les chaînes de télévision mais donne fort peu d'interviews. Son allure et son attitude n'ont pas changé. Les radios passent ses chansons et la presse jeune a sa faveur. Il est toujours un tantinet rejeté par la presse spécialisée rock mais cela n'empêche pas le succès qu'il acquiert auprès d'un public de plus en plus large.

"Positif" sera un album plus percutant. "Envole-moi" se vendra à plus de 600 000 exemplaires, "Encore un matin" à 250 000 exemplaires et "Américain" tout autant que le précédent. Trois 45 tous qui vont lancer l'album, lequel se vendra à plus de 500 000 exemplaires.

Jean-Jacques pousse ses textes dans l'album "Positif" vers les problèmes de société et démystifie les engrenages politiques qui compromettent le bonheur. Ce n'est pas pour lui une manière de s'engager mais de préciser certains choix vitaux. Ses chansons sont comme des soupapes pour s'envoler ailleurs mais aussi pour faire danser les gens. Sur ce disque, il invite le saxophoniste John Helliwell (de Supertramp). Des portes s'ouvrent devant lui. Ses rencontres deviennent de plus en plus professionnelles. Pour cet album, il recevra le Diamant de la chanson française. Il passe à Cadence 3 où Guy Lux lui demande de revenir pour une deuxième chanson face à un public délirant. Etre élu l'homme de l'année n'est pas une mince affaire pour Jean-Jacques, il dira "Pour moi, tout cela n'est ni un début, ni une fin". Il ajoutera plus tard pour expliquer son succès : "je suis actuellement l'agréable victime d'un courant. Le public attendait peut-être un chanteur qui emploie tel type de mots et qui joue tel type de musique".

Aujourd'hui, il est sûr que la musique a besoin de support et qu'un artiste doit faire face aux nouvelles techniques de l'image et du son. Jean-Jacques va devoir faire un clip pour son titre "Envole-moi". Enregistré sur un terrain vague pour un premier bout d'essai, il prendra ensuite les allures d'un vrai scénario. Jean-Jacques concède à faire cet effort pour sa maison de disques. Va-t-il se laisser tenter une fois pour toutes par la vidéo ? Ce n'est pas ce qu'il laisse entrevoir. Mais il semble intéressé par le cinéma. Quoiqu'il en soit, il va entreprendre une seconde tournée après ce fameux album "Positif".

Il s'entoure d'une équipe technique de spectacle performante. Il va mettre au point tout un système d'images qui défileront pendant ses concerts et la qualité sonore sera des meilleures. A l'Olympia, il fait un triomphe. Lui qui s'est toujours considéré comme un débutant, on peut imaginer avec quelle anxiété il a dû se préparer pour cette rentrée à l'Olympia, music-hall célèbre de la consécration parisienne.

Il ne se débrouillera pas trop mal. Il emporte son public et se donne totalement. Mais la vie de tournée est une autre affaire. On connaît son refus de faire la bringue dans tous les lieux à la mode de la capitale et son sens de la famille. Il n'aime pas non plus les voyages en voiture, ni se coucher très tard, car il lui faut au moins dix heures de sommeil par jour. Mais les tournées sont aussi une façon de concrétiser ses liens avec le public. Dans cette splendide ascension, Jean-Jacques garde toujours la tête froide. Il sent qu'on l'aime comme un "grand frère", et non comme un sex-symbol. Il joue sur son magnétisme discret mais communicatif. Ses musiciens l'entourent intelligemment et s'impliquent complètement dans son show. Il améliore de plus en plus ses concerts. Il les conçoit comme des spectacles à dimensions multiples où les images jouent un grand rôle dans l'enchaînement des chansons. Il met même quelques mots, quelques histoires au point pour le public. Cela lui est profitable et le montre plus décontracté devant la foule en délire !

Dans une petite interview, il précise ses notions du spectacle : il n'est pas partisan d'un show trop théâtral sinon cela devient du cinéma ! dit-il. Quant au cinéma, il y pense mais ne sait pas trop bien comment cela pourrait se réaliser. Il a des projets de musique de films dans ses tiroirs. Cela le tente énormément, la concrétisation ne saurait tarder.

De la musique à l'image rythmée.

Jean-Jacques est devenu de plus en plus sensible à l'image depuis que les vidéo-clips ont été le support de nombreux succès discographiques. Il ne faut pas oublier que Michaël Jackson est distribué en France par la même maison de disques que Jean-Jacques. Il a eu tout le loisir de comprendre ce nouveau phénomène, il s'en est expliqué : "Michaël Jackson est le premier à prévoir des images pour chacune de ses chansons ! Sans les clips, ses albums se seraient vendus honnêtement, sans plus ! Pourquoi cet engouement époustouflant ? Tout simplement parce qu'il est un monstre de l'image et un excellent acteur, doublé d'un danseur formidable..." On se souvient que, précédemment, c'est David Bowie qui avait lancé ce nouveau type de clip avec sa chanson "Ashes To Ashes". Une des plus belles à ce jour. Celles de Michaël Jackson sont moins poétiques sans doute mais toutes aussi efficaces. Le clip de "Thriller" est une exception au genre, étant pratiquement un court-métrage. Il est possible qu'un de ces quatre matins Jean-Jacques fasse une incursion dans la vidéo d'une manière plus percutante, attendons... - lors de ses derniers concerts, il projette sur un grand écran des photos du King Presley et quelques autres stars. Par un habile mixage, il introduit la voix d'Elvis qui murmure : "Love Me Tender". Le sax de Pinpin (Philippe Herpin) et le piano de Lance Dixon agrémentent les intros et les chorus mordants où Jean-Jacques s'insinue avec un feeling superbe - son sens du blues, son émotion vibrante sont autant d'atouts pour créer un climat électrique.

La gloire au bout de ses rêves.

En l'espace de quatre disques depuis 1981 jusqu'à la sortie du dernier en 1985, (Non Homologué), Jean-Jacques Goldman aura fait une ascension phénoménale dans le monde de la chanson française. Les plus grands hebdomadaires se penchent sur le cas de ce chanteur qui ne s'étale pas partout mais qui mène une carrière sous le signe de la discrétion, de la simplicité et de la gentillesse. On ne s'explique pas ce succès ? Si : c'est le public qui l'a fait.

Dans l'Express, c'est le futur prix Médicis, Michel Braudeau qui écrit un article sur le cas Goldman. Il le termine ainsi : "Goldman apporte une certaine fraîcheur, une vraie gentillesse, une intelligence de son public qui devraient lui assurer une longue carrière." Il y a derrière l'image de Jean-Jacques - sans doute - une réserve qui correspond à son être le plus profond. On le sent : il possède une force intérieure qui le préserve de toute la folie que peut procurer la réussite. S'il lui arrivait de ne plus connaître le succès avec ses chansons, il n'en ferait pas une maladie et saurait se reconvertir d'une manière ou d'une autre.

Je te donne.

Conscient d'un tel succès, Jean-Jacques ne va cependant pas se couper des autres. Il ne perd jamais de vue que ce sont les gens qui lui apportent des idées pour ses chansons, que les histoires des autres peuvent être profitables.

Il le montrera à plusieurs reprises en ce début 1985. Renaud l'invite pour le concert de Chanteurs sans Frontières. Il y participe et on le voit faire un duo avec Daniel Balavoine. Mais en ce qui concerne le disque qui était prévu, il ne fera pas partie du groupe de participants bénévoles sans toutefois dénigrer ces actions humanitaires. Ainsi, il répondra à l'appel de Coluche pour les "Restaurants du Cœur". Il enregistre à cette occasion la chanson dont les royalties seront versées au profit de cette chaîne de l'amitié instituée par Coluche pour venir en aide aux déshérités.

Deux chansons vont se tailler la part du lion entre l'été 1985 et le début de l'année 1986 : "Je marche seul" et "Je te donne". Sur cette dernière, Jean-Jacques invite son vieux complice de Taï Phong et fidèle ami : Michaël Jones. Le mélange anglais-français est détonnant ! Ses concerts sont couronnés par un succès qui dépasse toutes les prévisions. Faut-il le rappeler encore ? Sans publicité, sans promotion, sans affichage, sans interviews, sans spots radio, Jean-Jacques a rempli le Zénith pendant plus de vingt soirées ! Les ventes de son album "Non Homologué" sont en train d'atteindre le million d'exemplaires !

Le bouche à oreille a fonctionné. Jean-Jacques vient d'acquérir un nouveau public. Ce qui n'a en rien changé son caractère réservé. Il a rencontré tant d'artistes qui étaient au sommet et qui ne sont plus rien aujourd'hui... Avec son air désabusé et parfaitement conscient des hasards de la vie, il sait que c'est une question de chance, de mode et de circonstances. Ce qui le préoccupe le plus, c'est de continuer à faire des chansons. Il sait qu'un jour il arrêtera la scène, qu'il écrira pour d'autres interprètes, qu'il changera de cap. Mais qui sait ? Ne va-t-il pas nous étonner une fois encore cette année 1986 ?

Après Paris, il a planifié des concerts dans toute la France jusqu'en mai. Tous les organisateurs de spectacle se le disputent. Il est devenu le chanteur le plus payé en France. On a parlé de chiffres atteignant les 250 000 francs par concert. D'autres annoncent des chiffres encore plus élevés à l'approche de l'été. On suppose le double du chiffre précédent !...

Quand on lui posait la question, il a quelques années, il répondait : "Je ne suis pas parti d'un point zéro pour atteindre un infini, contrairement à de nombreux musiciens. Je n'ai jamais ramé, aussi bien dans mon milieu familial que par la suite quand je me suis assumé. Je n'ai jamais souffert du manque d'argent. Aussi le fait d'en gagner plus depuis ces dernières années n'a rien changé à ma vie. Je roule toujours dans la même voiture (...) j'habite toujours la même maison en banlieue et je n'ai pas changé de femme ! Le petit plus que peut m'apporter cet argent, c'est la sécurité dans mon métier. Désormais, je sais que si ça ne marche pas pendant un certain temps, je ne serais pas acculé. Je ne suis pas obligé de faire "le" tube pour survivre."

Il se défend encore et toujours d'être une star, il est casanier, il ne sort pratiquement jamais dans des lieux branchés et met sa famille au-dessus de tout ainsi que ses meilleurs amis.

Quant à sa femme Catherine et ses deux enfants, Jean-Jacques ne veut en aucun cas les montrer. Sa femme est psychologue et n'est pas impliquée dans le travail de Jean-Jacques. S'il en avait été autrement, elle serait sans doute photographiée à ses côtés. Quant aux enfants, Caroline et Michaël, Jean-Jacques et sa femme ont décidé qu'ils n'en feraient pas de petites stars !

Pur et dur, J.J. Goldman reste fidèle à son amour, à ses principes…

Depuis son adolescence, Jean-Jacques semble guidé par des principes de vie, une éthique qui l'ont préservé des relatives folies du show-business. A 35 ans, il est arrivé au sommet. On peut dire qu'il a fait ses classes dans les galères musicales durant une dizaine d'années. Ce n'est qu'à 29 ans qu'il sort son premier disque solo en tant que chanteur-auteur-compositeur. Plus de 100 000 personnes l'ont applaudi au Zénith, et Jean-Jacques n'a pas déçu son public. Il a même rajouté des soirées supplémentaires pour passer un agréable moment avec lui. On peut dire sans conteste que Jean-Jacques Goldman a renouvelé l'attitude du chanteur dans un pays où le succès n'est pas toujours reconnu. Nous ne sommes pas en Amérique ni en Angleterre où la réussite impose le respect. Il a choisi le silence. Il n'est pas de ceux qui s'étalent partout. Il n'est pas un homme de média mais un chanteur de variétés comme il l'affirme. Et la chanson est son plus grand plaisir. Il en fera tant que le public le suivra. Il s'emporte pour les mots et la musique et non pas pour l'image qu'on veut bien lui coller. Il est tel qu'il est. C'est-à-dire : "Unique" dans ce métier où on a tendance à en rajouter. Lui : "Il donne tout dans sa musique". Et son public l'a compris.

Discographie Taï Phong (Wea)

Premier disque avec le groupe Taï Phong sorti en 1975. Placé sous l'influence du rock progressif anglais et des groupes tels Genesis ou Yes, ce disque fait une large part aux arrangements sophistiqués et aux changements de tempo. On sent immédiatement les ambitions du groupe à innover le paysage du rock français de cette époque. La démarche vocale de Jean-Jacques fait mouche dès l'intro de "Goin' away". Le deuxième titre "Sister Jane", un slow torride, deviendra le tube de l'été 1975. Les titres s'enchaînent, les plages instrumentales sont intenses, les envolées vigoureuses et les breaks à la manière de Genesis. L'on se souvient avec le recul qu'ils avaient des affinités avec tout un courant allant des Moody blues à Procol Harum pour les mélodies et l'instrumentation électronique : le mellotron par exemple et les premiers synthés. Cet album est une mise en forme des multiples idées du groupe et de son savoir faire. Il manque un zeste de génie pour confirmer la structure d'ensemble. Reste donc : "Sister Jane".

Taï Phong - Windows (Wea)

L'année suivante, en 1976, ils récidivent avec un second album plus homogène. Les intrumentaux sont léchés. La presse rock spécialisée félicite ce deuxième album du groupe. Les influences anglo-saxonnes sont moins présentes que sur le premier disque. Taï Phong livre encore une fois, six chansons, parfois un peu longues. C'était l'époque du rock symphonique, lyrique et éthéré. Le clavier met tout son savoir. Les guitares acoustiques développent des ballades langoureuses. Jean-Jacques renouvelle son slow avec "Games" mais cela ne fera pas un tube. Le titre qu'il écrit pour cet album : "When it's the season", paraît plus vigoureux que les autres titres du groupe. Le son est assez bien réalisé, par l'ingénieur Khanh. En dépit de tout cette progression et l'assise du groupe, le succès de cet album est médiocre.

Taï Phong - Last Flight (Wea)

C'est l'époque de l'after-punk et de la new-wave anglaise. Il semble que le groupe n'a pas enregistré ces transformations. On les savait "piqués" de musique anglo-saxonne mais leur ambition à l'échelle française ne leur a pas ouvert d'autres portes. Taï a quitté le groupe, Michaël Jones arrive et Jean-Jacques va écrire des chansons différentes. Elles ont un tempo plus rapide, elles sentent le soufre du rock. Il s'agit d'un disque dont la couleur est plus américaine qu'anglaise. "Last Flight" reste le testament du groupe où Jean-Jacques a débuté sa carrière.

Jean-Jacques Goldman/Taï Phong - Les années Warner (Wea)

Ce disque est sorti en 1984. C'est une compilation de trois titres de Taï Phong (avec "Sister Jane") et six chansons de Jean-Jacques qui avaient paru en 45 tours entre 1976 et 1978 (évidemment introuvables aujourd'hui !). Le ton de Jean-Jacques en français est celui qui fera son succès en 1981. Une curiosité pour tous les fans.

Jean-Jacques Goldman - Il suffira d'un signe (Epic-Cbs)

La simplicité a guidé Jean-Jacques. Plus de chansons hyper-longues. Il a trouvé son format. Sa voix a pris son véritable tremplin et elle s'envole avec émotion et rage. Il chante ses états d'âme. Son langage est extrêmement mesuré et sa guitare fait le reste. C'est le nouveau rock français qui allie les acquis du passé anglo-saxon à une certaine tradition de la chanson française. "Il suffira d'un signe" arrive dans une période turbulente, Jean-Jacques est complètement à contre-courant. Et ça fait tilt ! En quelques semaines le titre deviendra un tube. Jean-Jacques chante les moments qui ont caractérisé son adolescence, ses choix et son sens de la vie. Les adolescents vont se reconnaître à travers ses textes. Mais il faut signaler d'autres très belles chansons comme : "Sans un mot" ou "Juste", une ballade qui termine l'album. Amour, tendresse, souvenirs, la vie au quotidien, ont été les catalyseurs de ce premier succès.

Quand la musique est bonne (Epic)

Il apparaît toujours sur la pochette dans une tenue très simple noire et blanche. Il semble que les années n'ont pas de prise sur lui. Regard direct dans l'objectif. Charme intense. Le rock de Jean-Jacques s'est affiné. Le mélange de simplicité et l'efficacité de ses textes frappent fort ! Les gimmicks sont là. Sa voix éructe. Les guitares encadrent les mouvements mélodiques. L'orchestration est juste, minimale. Trois titres vont sortir de cet album : "Quand la musique est bonne", "Comme toi" (le slow de rigueur) et "Au bout de mes rêves". Cet album va connaître un succès incroyable. Mais il faut citer aussi les autres chansons où Jean-Jacques est plus personnel : "Minoritaire", "Je ne vous parlerai pas d'elle". Il a invité sur son album le guitariste de Trust pour une partie enflammée. Mais "Quand la musique est bonne" fera son succès. Avec ce deuxième album, il sera consacré comme la nouvelle star de la chanson française.

Positif (Epic)

Cet album sort en 1984. L'année 1983 sera l'année de trois tubes pour Jean-Jacques et la mise en place de sa tournée. Il a pris du temps pour composer et se sentir en confiance avec son nouveau public qui ne cesse de grandir. Le titre de l'album va ravir tout le monde. Goldman sera plus corrosif et répondra en filigrane à une certaine presse qui véhicule de fausses valeurs. Il démystifie le spleen de certains courants musicaux et se moque des pseudo-messages que distillent les chanteurs de rock anglo-saxons ou leurs suiveurs français. Il évolue entre des mélodies douces et le blues qui l'a toujours caractérisé. C'est un album très Rock FM qui donnera trois tubes "Envole moi", "Encore un matin", et "Américain". Le succès le surprend. Il mettra en place une nouvelle tournée. Jean-Jacques est définitivement installé aux sommets de la profession.

Non homologué (Epic)

La confirmation de son talent est indiscutable. Cet album joue la carte de l'homogénéité. Les chansons sont plus concises. Il sourit sur la pochette. Bon signe ! "Je marche seul" va être un détonateur. Les guitares crissent, la batterie ponctue un rythme d'enfer et la basse vrombit allègrement autour de son chant. Sa voix n'a pas changé d'un iota. Et les claviers lui donnent un agréable relief. "Je te donne" dans laquelle il reprend le refrain en anglais [sic]. Judicieuse combinaison ! Qui va ravir ses fans. Jean-Jacques retrouve l'inspiration de ce qui a fait ses premiers succès. Intimiste, sensuel, fidèle à lui-même. Il invite le très grand trompettiste Chet Baker pour ces quelques chorus d'un album qui va pulvériser tous les records de vente en quelques mois. Au premier trimestre de 1986, on annonce le chiffre d'un million d'exemplaires vendus ! Mais cela n'est pas prêt de s'arrêter.

Collector

Les fans de Jean-Jacques Goldman doivent savoir aussi qu'il a écrit en 1982 une chanson sous un pseudonyme ("Sweet Memories") pour une chanteuse anglaise : Jane Surey. Cette chanson s'intitule "Tout-tout doucement" et figure sur un 45 tours édité chez Barclay. C'est une mélodie très agréable écrite dans le style de Françoise Hardy. De très belles paroles qui laissent présager de la part de Jean-Jacques une possible carrière d'auteur-compositeur au service d'autres chanteurs. On remarquera que sur la face A de ce 45 tours, c'est son producteur actuel Marc Lumbroso qui signe l'édition de la chanson. Bravo pour cette superbe mélodie. On en redemande !

Les Restaurants du Coeur - 45 tours (Epic)

Sous l'initiative de Coluche, Goldman a composé cette chanson où figurent Yves Montand, Michel Platini, Nathalie Baye, Coluche et Michel Drucker. C'est un cadeau.

Jean-Jacques Goldman : L'homme d'or de la chanson française navigue entre la tendresse et la fougue avec une égale conviction…


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