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"Et c'est le Père Dufourmantelle qui a avancé l'argent pour son
(premier disque")

"Et c'est le Père Dufourmantelle qui a avancé l'argent pour son
premier disque"
1986 Dominique Prehu

«Personnellement je chante affreusement faux et je n'ai pas l'oreille musicale, j'avais des ennuis avec ma chorale. Au catéchisme, il y avait bien des volontaires pour participer aux choeurs. Malheureusement, il n'y avait aucun enfant assez doué en musique pour les diriger et pour jouer des instruments. C'est alors que mes petits paroissiens m'ont demandé si je ne voyais pas d'inconvénient à ce que l'un de leurs camarades, qui n'était pas de notre foi, tienne ce rôle.

Bien entendu, j'ai immédiatement accepté. Le petit Jean-Jacques avait une formation musicale classique, il avait fait dix ans de piano et de violon. Puis il s'était mis à la chanson, comme beaucoup de garçons qui, en ces années soixante, rêvaient de gloire à la Johnny Hallyday.

Jean-Jacques est donc venu faire de la musique dans mon église. Et nous nous sommes très bien entendus, en respectant nos religions différentes. Je me souviens même qu'un jour de communion solennelle, il a eu l'idée de chanter des negro spirituals, ces chants religieux noirs qui sont à l'origine du jazz.

Il y avait, parmi les sept cents assistants, une vieille dame venue tout droit de sa Bretagne natale. A la sortie de la messe, je me suis approché d'elle et je lui ai demandé si le groupe de Jean-Jacques Goldman, avec ses percussions qui faisaient vraiment beaucoup de bruit, ne l'avait pas choquée. Elle m'a répondu : "Je n'ai rien vu, ni entendu d'aussi beau de toute ma vie"».

Continué C'est ainsi que Jean-Jacques a continué à venir jouer à l'église et répéter régulièrement à la paroisse. A seize ans, le jeune homme a monté un groupe avec six de ses camarades. Ils jouaient le dimanche, pour le plaisir, et, de temps en temps, chez leurs copains qui faisaient une surprise-party. "Puis, un jour, poursuit le Père Dufourmantelle, Jean-Jacques m'a déclaré : "On voudrait faire un disque. Un disque sur lequel on mettrait tous les chants qu'on interprète le dimanche à la messe. Mais voilà, nous n'avons pas le premier sou. Nous avons la musique mais pas les fonds".

"Je me suis dit que ces jeunes méritaient qu'on les aide, poursuit le prêtre. J'avais peur que, comme beaucoup d'autres jeunes du quartier, ils ne tombent dans la délinquance. J'ai donc avancé l'argent nécessaire à la réalisation du disque".

"Ils ont travaillé sérieusement et, un beau jour, en septembre 1970, je crois, Jean-Jacques Goldman et ses copains ont enregistré leur premier disque au studio Blanqui, dans le treizième arrondissement de Paris".

"Jean-Jacques et ses copains s'étaient trouvé un nom "The Red Moutain", la traduction de Montrouge en anglais. C'était leur manière de me dire merci".

Le prêtre de Montrouge n'a jamais eu à regretter d'avoir donné sa chance à Jean-Jacques Goldman. D'abord, le jeune homme lui a remboursé jusqu'au dernier sou, l'argent qu'il avait avancé. Et cela n'a pas été facile car ce premier disque n'a pas marché. Mais c'est grâce à ce disque que Jean-Jacques a pu s'introduire dans le monde du show- business et faire enfin, en 1983, cette formidable percée.

Vedette A l'heure qu'il est, Jean-Jacques Goldman est une grande vedette que les impresarii se disputent. Et pourtant, dernièrement, il y a eu une fête dans la sacristie de l'église Saint-Joseph à Montrouge. On célébrait les vingt ans de son édification. C'était une petite soirée sans cérémonie, entre paroissiens, mais elle allait permettre à Jean- Jacques de prouver sa gratitude au Père Dufourmantelle.

"Deux jours avant cette fête, raconte le Père Dufourmantelle, j'ai reçu un coup de téléphone de Jean-Jacques Goldman. Il m'a dit : "Je viens à la soirée".

"Je n'aurais jamais osé le lui demander. J'avais suivi, à la télévision, dans les journaux, sa formidable réussite et je le savais trop occupé et vivant dans un autre monde."

"Eh bien, il est venu à notre fête paroissiale. Il a même assisté au repas !"

Jean-Jacques n'avait pas oublié...


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