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Jean-Jacques Goldman ouvre les portes de son studio !
(Cool, juin 1987)

Jean-Jacques Goldman ouvre les portes de son studio !
Cool, juin 1987
Propos recueillis par Nicole Korchia
Retranscription d'Audrey Le Sellin

Jean-Jacques Goldman : Faire à nouveau connaissance

Il aurait pu toute sa vie durant rester vendeur dans un magasin de sport dans une banlieue parisienne. Mais le virus médical [sic] qui était en lui en avait décidé autrement. Aujourd'hui affligé d'une étiquette de chanteur à la mode, Jean-Jacques se porte plutôt bien. Musicien par besoin vital, chanteur par la force des choses, reflet d'une époque et de ses préoccupations, l'ex "TAI PHONG'S BOY" a su offrir une facette de sa vie nature que le public attendait. Cool, il l'est, passionné, aussi, prêt à tout pour séduire, non. Enfant d'une nouvelle race d'artistes dont seules les chansons sont les héroïnes, Jean-Jacques s'est fait une place du bout de sa voix. Le feeling communicatif, son succès s'est étendu, lui, reste ébahi par ce qui lui arrive. Locomotive d'un phénomène, il préfère se placer à l'arrière-plan de sa création et c'est peut-être par cette réserve là qu'il est si vrai, les quelques fois qu'on le rencontre…Rieur, sympa, plutôt bien dans sa peau, Jean-Jacques Goldman est simplement un bien étonnant bonhomme…

C'était un dimanche soir, Jean-Jacques avait pris les chemins du studio pour mixer son dernier 45 T, "Elle a fait un bébé toute seule"…

Cool : Un 45 T pour l'été, avant la sortie de l'album à la rentrée, c'était prévu dans ton programme ou tout simplement une envie de reprendre le rythme ?

Jean-Jacques Goldman : C'était prévu. C'est ce qu'on a fait déjà la dernière fois avec "Je marche seul" qui était sorti avant l'album "Non homologué". Cette fois-ci, c'est une chanson qui s'appelle "Elle a fait un bébé toute seule", à la fois tendre et ironique.

Cool : Tu as fait une petite pose ces derniers mois, tu as eu le temps de prendre des vacances ?

Jean-Jacques Goldman : Non, même pas ! En général, quand je pars une semaine, c'est pour préparer les séances d'enregistrement, de façon à bien mettre tout au clair en étant très tranquille. Donc, quand je pars en vacances, c'est là où je travaille le plus…(sourire)

Cool : Cette chanson a été écrite à partir des petites notes que tu prends tout le temps ou elle existait déjà depuis longtemps ?

Jean-Jacques Goldman : C'est une chanson assez ancienne que j'avais déjà enregistrée pour l'album précédent. C'est une de celles que je n'ai pas utilisées parce que je sentais qu'elle n'était pas mûre, et là je l'ai beaucoup changée. Elle sort bien maintenant.

Cool : On retrouvera ces 2 faces A et B sur l'album ?

Jean-Jacques Goldman : Probablement, oui.

Cool : Où en es-tu dans cet album ?

Jean-Jacques Goldman : La moitié est déjà enregistrée, il ne manque plus que quelques mixages à faire. Ensuite, j'enregistrerai l'autre moitié.

Cool : Il n'y a pas eu de problèmes majeurs d'inspiration ou autre ? Tout se passe bien ?

Jean-Jacques Goldman : Disons que je regrette toujours de ne pas avoir assez de temps pour jouer ou pour écrire plus. Je pense que je n'ai pas pris assez de temps entre la tournée, l'album d'Hallyday et cet album là. J'aurais bien aimé avoir 6 mois de plus à ne rien faire.

Cool : C'est un album qui aura été fait en combien de temps ?

Jean-Jacques Goldman : Oh, bien, comme les autres. C'est-à-dire que le dernier je l'ai sorti il y a plus de deux ans, donc il y aura plus de deux ans d'écart entre les deux. Mais disons que j'ai eu moins de temps libre, parce que j'ai fait une très longue tournée de 18 mois, et parce que j'ai travaillé sur l'album d'Hallyday qui m'a pris beaucoup de temps aussi, ce qui fait que j'ai eu un petit peu moins de temps, pour composer surtout.

Cool : Cet album ressemble un peu aux autres ou diffère vraiment ?

Jean-Jacques Goldman : C'est un peu difficile à dire encore, parce que je fais toujours un peu plus de chansons que j'en garde, donc ça dépendra du choix, et de celles que je lâcherai. Je crois qu'il sera un peu comme les albums précédents. Les choses fondamentales n'ont pas changé.

Cool : Ça reste le Goldman dont on a l'habitude ?

Jean-Jacques Goldman : Ben, je sais pas faire autre chose…(sourire !)

Cool : Ce n'était pas nécessairement une critique…

Jean-Jacques Goldman : Non, mais je crois que je dis chaque fois qu'il n'y a pas de grands changements mais quand j'écoute les 4 albums, je trouve qu'ils sont tous les quatre très datés. C'est-à-dire qu'il y en a un qui est très 81, l'autre qui sonne très 82, l'autre très 83, l'autre très 85.

Cool : Tu parles au niveau musical ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, au niveau des arrangements, au niveau de la façon de chanter même, au niveau des tonalités… Donc, moi je n'ai pas tellement conscience qu'il y a une évolution, mais je constate quand même qu'elle a lieu une fois que j'écoute les albums, ne serait-ce que parce que tout le monde est influencé par la musique qu'il écoute, par les autres. Ça fait qu'on arrange pas, qu'on ne compose pas de la même façon au fil des temps.

Cool : Au niveau des textes, quand tu réécoutes un album, c'est un point de repère par rapport à une période donnée ? Tu y retrouves un certain état d'esprit, tes préoccupations du moment ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, sûrement. Et puis aussi les préoccupations des gens parce que je suis aussi sensible à ça, à ce qu'on lit dans le journal, à ce qui se passe autour de nous.

Cool : Quand tu écris une chanson, tu l'écris vraiment pour toi, par rapport à toi, ou tu joues un peu les journalistes qui racontent des histoires des autres ?

Jean-Jacques Goldman : Un peu les deux . Au départ, j'écris vraiment une chanson pour moi, mais il est bien clair que ce qui me touche c'est souvent ce qui se passe actuellement autour de nous, et qui peut toucher tout le monde. Moi, je vis un peu comme tout le monde, je réagis comme tout le monde. C'est sûr que si j'ai écrit "Je te donne" il y a maintenant presque trois ans, c'était certainement influencé par ce qui commençait à se passer à ce moment là. Mais ce n'est pas pour ça que je l'ai écrite, c'est parce que j'ai moi-même été influencé par ce qui se passait autour.

Cool : Timidité, discrétion, des mots que tu revendiques ?

Jean-Jacques Goldman : Pas tellement. J'ai été très timide, c'est sûr, mais je crois que tous les adolescents sont un peu timides, tous les enfants…du moins, je le souhaite. Maintenant, je le suis, un peu. J'ai du mal à aller vers les gens, mais c'est plutôt une forme de réserve. Je ne me sens pas comme maladivement timide.

Cool : Beaucoup de gens timides au départ deviennent ensuite des personnages publics, des gens qui s'expriment dans différents domaines.

Jean-Jacques Goldman : Il me semble que la timidité est peut-être liée à l'observation. Quand on est timide, en général, c'est parce qu'on a une conscience très forte des autres et de ce qui nous entoure.

Donc quelqu'un qui est timide, probablement qu'il emmagasine des choses, qu'il est très sensible à tout ce qui se passe autour de lui. C'est peut-être ces gens là, qui ont emmagasiné ces sensations, qui peuvent ensuite les restituer par la création. C'est une réceptivité.

Cool : La banalité, tu crois que c'est une faiblesse qui peut devenir un atout.

Jean-Jacques Goldman : Non, je ne crois pas. C'est un état de fait et c'est plutôt un handicap. Si on est beau comme Richard Gere ou costaud comme Schwarzenegger, ou très intelligent, ou surdoué, ça peut plutôt aider. Enfin moi, quand je parle de ma banalité, c'est surtout ma façon de vivre. Et puis je crois que personne n'est banal. Le fait de faire très bien du pain, ou de comprendre très vite les programmes informatiques, ou de vider très très bien les poubelles, ce n'est pas banal. Tout le monde, je pense a sa particularité, a son génie, que ce soit même pour vider les poubelles, ou enseigner ou trier des papiers.

Cool : Le XXe siècle, un siècle qui te va bien ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, j'aime beaucoup ce siècle. J'aime beaucoup l'époque à laquelle je suis né. J'aurais peut-être aimé naître 10 ans plus tard à cause des progrès des instruments. C'est un peu particulier, mais j'ai beaucoup souffert de tous les problèmes techniques des instruments, des réglages d'amplis, de synthés. Tout ça est, maintenant depuis 5 ou 6 ans, facilité, beaucoup moins cher et beaucoup plus accessible à tous. Et j'aurais aimé quand j'avais 15-20 ans bénéficier de toute cette révolution un peu instrumentale. Enfin, c'est un petit détail quoi !

Cool : Sinon, globalement, tu es satisfait de ton époque ?

Jean-Jacques Goldman : C'est-à-dire que j'ai 35 ans, que je n'ai jamais connu la guerre, et qu'il n'y a pas beaucoup de gens dans toute l'histoire du monde qui peuvent dire ça. C'est-à-dire vivre toute une vie sans connaître la guerre, sans avoir peur de ça. C'est déjà pas mal je crois !

Cool : Beaucoup de gens t'admirent, te voient comme l'homme idéal, alors Goldman, un peu séducteur malgré lui ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai pas du tout conscience d'être séducteur. Je ne sais pas comment on peut parler de la séduction. C'est quelque chose qui vient en général, sans qu'on le recherche.

Cool : Il n'y a aucune démarche pour séduire, dans la façon d'être ?

Jean-Jacques Goldman : C'est-à-dire que je n'ai jamais craché sur personne…

Cool : On n'a pas envie un peu d'être aimé, d'être admiré, d'être trouvé " beau" ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai jamais vraiment eu envie de ça, au contraire, non (rires !). Moi, j'essaie de rendre mes chansons séduisantes, et je n'ai toujours pas bien compris l'analogie que les gens faisaient entre les chansons et celui qui les faisait. C'est une chose que je n'ai jamais ressentie moi-même. J'ai adoré par exemple les chansons d'Elton John sans jamais adorer le personnage, et à la limite en m'en foutant. J'ai toujours adoré Bob Dylan et je n'ai absolument rien à faire de qui il est, de sa vie, et de tout ça. Donc je n'ai jamais bien compris ça. Ce que j'essaie, c'est que mes chansons soient séduisantes, qu'elles plaisent. Je travaille beaucoup pour ça. On va dans des beaux studios pour leur faire de beaux "liftings", mais si on pouvait me foutre la paix en ce qui me concerne moi, j'aimerais autant.

Cool : Ils y a ceux qui aiment tes disques et ceux qui t'aiment toi parce que tu dis des choses qui te rendent séduisant…

Jean-Jacques Goldman : Oui, mais ils se trompent ces gens-là. J'ai mis une petite dédicace qui dit que les chansons sont souvent plus belles que ceux qui les chantent.

Cool : A partir du moment où tu as commencé à toucher un instrument, le virus musical ne t'a plus quitté ?

Jean-Jacques Goldman : J'ai commencé à 6, 7 ans à faire de la musique classique et ça ne me plaisait pas du tout ! J'en ai fait longtemps sans que ce soit une nécessité, mais déjà je commençais à pianoter, à passer du temps avec la musique.

Cool : Dans ta famille, d'autres personnes jouaient d'un instrument ?

Jean-Jacques Goldman : Mes parents ne sont pas du tout musiciens, mais tous les enfants ont été inscrits au piano et au violon, parce qu'ils pensaient que c'était une chance qu'ils n'avaient pas eue. Après le piano, j'ai appris des instruments tout seul. J'ai commencé à jouer dans des groupes etc., etc.… Et à partir de 13, 14 ans, c'était l'essentiel de mon temps.

Cool : Les "scouts" pendant ta jeunesse, les groupes, plus tard, toujours une façon d'avoir une identité à travers les autres, et l'anonymat en prime. Tu penses qu'il y a une relation entre ces deux choses ?

Jean-Jacques Goldman : Sûrement. Le fait d'avoir vécu dans des groupes de jeunes ça permet probablement de vivre mieux tous les problèmes qui se posent dans des groupes de musique. Il y a souvent beaucoup de problèmes d'ego, des problèmes personnels…

Cool : Adolescent tu faisais partie de bandes de jeunes ou tu étais surtout solitaire ?

Jean-Jacques Goldman : Les groupes c'était le samedi, le dimanche, pendant les vacances. Le reste du temps, je passais beaucoup d'heures dans ma chambre. Comme maintenant, je passe beaucoup de temps tout seul.

Cool : Les années passent et tu t'habilles toujours un peu de la même façon. Tu as des aires d'éternel adolescent. Tu passes des semaines en studio, ayant un rythme de vie de célibataire et une vie de famille aussi. Tout ça n'est pas manière à prolonger un certain état ?

Jean-Jacques Goldman : J'avoue que je ne me pose pas vraiment ces questions. On fait les choses comme on les sent, mais effectivement c'est un métier qui est très exigeant, qui est plus qu'un métier, c'est une façon de vivre. Quant à la façon dont je m'habille, j'ai l'impression que c'est la même que celle des gens dans la rue. Tout le monde ne met pas un costume trois pièces quand même… L'air adolescent que les gens me trouvent doit être dû à mon aspect physique, plus qu'à ma façon de m'habiller.

Cool : As-tu des détracteurs, des ennemis notoires ?

Jean-Jacques Goldman : Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui ne m'aiment pas. Je reçois de temps en temps des lettres d'injures. Ça me paraît normal et même souhaitable. J'aurais horreur que tout le monde m'aime… Et puis je n'ai pas besoin qu'on m'aime vraiment. Je suis capable de vivre avec la haine des gens et je ne cherche pas du tout à convaincre. Je suis aussi capable de haïr bien, donc il n'y a pas de problèmes. Je ne fais que de la chanson, alors on ne passe pas son temps à parler de moi. Que j'ai eu des mauvais articles ou des gens qui disent des bruits sur moi, qui m'aiment pas, je le sais, mais je pense que ça ne leur prend pas l'essentiel de leur temps. Moi, de mon côté, je n'ai pas beaucoup d'écho.

Cool : Quelles sont les choses qui déclenchent chez toi un sentiment de culpabilité ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne me sens pas coupable. Je n'ai pas mauvaise conscience de les faire, mais c'est vrai que des fois, c'est mal compris. Par exemple, le fait de ne pas répondre au courrier. Je sais que je ne peux pas répondre aux lettres. C'est matériel, mais je sais qu'il y a beaucoup de gens qui ne le comprennent pas, parce que chacun croit que sa lettre est unique et c'est vrai. Mais j'ai quarante lettres uniques par jour sur deux cents. Je ne peux donc pas y passer mon temps, sous peine de trahison d'autre chose, que ce soit de mon travail, de même que de ma famille ou de mes amis. Donc, je ne me sens pas coupable de ça, mais je voudrais vraiment que les gens le comprennent. Ce sont eux, qui me considèrent comme coupable d'indifférence.

Cool : On fait plus ou moins de rencontres quand on est un chanteur à ton niveau ?

Jean-Jacques Goldman : Moins de vraies rencontres, mais plus de superficielles. Ça m'ennuie beaucoup…

Cool : Es-tu ouvert, as-tu besoin de rencontres ?

Jean-Jacques Goldman : Oui. Je te l'ai dit, je vis les deux tiers ou les trois quarts de mon temps tout seul. Mais avant j'aimais bien si j'étais dans un café pouvoir engager une conversation, dans un train, n'importe où. C'est sûr que c'est une chose que je ne peux plus faire.

Cool : Avant, tu avais cette curiosité des autres ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne recherchais pas désespérément le contact mais disons que lorsque l'occasion se présentait j'aimais bien partager un moment, partager la vérité de quelqu'un. Maintenant cette vérité est évidemment faussée, parce que la personne ne parle pas à n'importe qui. Ça n'a rien de prétentieux ce que je dis là. Ça veut dire que lorsque la personne parle à un inconnu, c'est comme si elle se parle à elle-même. On n'est plus alors qu'un miroir. Les gens me connaissent et donc ils jouent immédiatement un rôle. Ça, ça me pèse un peu.

Cool : Le revers de la médaille, quel est-il pour toi ?

Jean-Jacques Goldman : C'est la perte de l'anonymat. Faut vivre avec… C'est-à-dire que quand je suis au cinéma et que je vais pisser, les gens disent "Goldman va pisser". Quand je suis dans un café et que je fais tomber un verre, les gens disent "Goldman était là, il a fait tomber un verre. Il est maladroit". Quand je tire la langue à quelqu'un, en bagnole, les gens disent "Goldman n'est pas aimable". Tout ce qu'un fait n'est plus anodin. On est observé et il faut vivre avec !

Cool : La musique, qu'a-t-elle vraiment changé dans ta vie ? Tout ?

Jean-Jacques Goldman : Non. La musique me permet simplement de m'exprimer, d'être heureux. Je pense que c'est comme si un aveugle retrouve la vue. On peut vivre très bien en étant aveugle, mais quand on retrouve la vue, j'ai l'impression qu'on découvre d'autres choses sur soi-même et sur les autres. Moi, si je n'avais pas la musique, ce serait comme si j'étais handicapé.

Cool : Et le succès, qu'a-t-il changé ?

Jean-Jacques Goldman : L'argent, le fric. J'ai moins peur du lendemain, du succès ou du pas de succès.

Cool : Tu t'es toujours inquiété pour l'avenir, pour l'argent ou tu vivais avant plutôt au jour le jour ?

Jean-Jacques Goldman : Je crois que tous les gens qui bossent ont peur. J'ai travaillé longtemps… On a peur des fins de mois, de la faillite de l'entreprise… Toi, tu as peur du tirage de Cool, d'être virée, de quoi faire après. Je crois que tout le monde vit avec cette peur là quelque part. Je trouve ça personnellement assez sain. C'est une façon de se motiver pour ce qu'on fait. Donc, moi, ça m'a enlevé ça, et quoi d'autre ? Je ne sais pas.

Cool : T'es-tu déjà demandé ce qui avait plu chez toi ?

Jean-Jacques Goldman : Non pas vraiment et pour avoir la véritable réponse, il faudrait poser la question au public.

Cool : Il se passe quelque chose autour de toi, il y a un phénomène Goldman…

Jean-Jacques Goldman : Il se passe quelque chose autour de tous les chanteurs, particulièrement ceux qui marchent. Il y a un phénomène Renaud, il y a un phénomène U2, il y en a plein. Je ne sais pas pourquoi. Qu'est-ce que nous devons faire, nous ? C'est toucher les gens et exprimer ce qu'ils ressentent, alors peut-être qu'actuellement, je le fais bien. Je suppose quoi, mais je ne comprends pas pourquoi. Tous les mois, il y a quarante disques qui sortent, il y en a qui me plaisent énormément et qui ne marchent pas. Je ne comprends pas pourquoi. Je peux te répondre pourquoi moi, j'aime telle ou telle personne, mais je ne peux pas te répondre pourquoi on m'aime moi. C'est toujours une des questions les plus dramatiques que je me suis posées. C'est "Est-ce que j'achèterais mes disques ?". Je n'ai jamais réussi à répondre…(Sourire)

Cool : Justement, est-ce que tu écoutes tes disques en dehors du moment où tu y travailles ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, ça m'arrive.

Cool : Et tu trouves que c'est la musique qui te plaît ?

Jean-Jacques Goldman : Pour quelques morceaux, oui.

Cool : Pas tous ?

Jean-Jacques Goldman : Non, très peu ! (Rires !) C'est difficile, mais je ne sais pas si c'est parce qu'à cause de les faire, je les connais de trop.

Cool : Quelle est ta chanson préférée ?

Jean-Jacques Goldman : "Je te donne". C'est peut-être la chanson que j'ai le plus écoutée. Avant qu'elle sorte, je l'écoutais dix fois par jour. C'est peut-être aussi parce qu'il y a Michaël qui chante, je ne sais pas… Il y a aussi "Il suffira d'un signe", j'adore cette chanson. Et "je ne vous parlerai pas d'elle". Voilà les chansons que je réécoute avec plaisir et c'est à peu près les seules.

Cool : Mais les autres t'ont plu au moment où tu les as écrites ?

Jean-Jacques Goldman : Oui bien sûr. Quand je les fais, je suis vraiment bouleversé ! (Rires). Puis après, à force de les décortiquer, j'en ai vite marre. C'est comme si tu étais avec une femme et, respectivement un homme, qu'on te l'ouvre et que tu vois les viscères, les reins, la rate… Il y a un moment où tu ne peux plus l'aimer… (Sourire)

Cool : En fait, tu les aimes tant que tu n'as pas véritablement travaillé dessus en studio ?

Jean-Jacques Goldman : Voilà, là je les vois, je les ressens encore comme quelqu'un de neuf, comme une photo. Après, quand on décortique, je ne peux plus aimer. C'est comme une cuisinière qui après avoir tué son lapin, épluche les oignons et tout ça, a plus de difficulté à apprécier le plat.

Cool : Est-ce que tu as une impression de vertige ?

Jean-Jacques Goldman : Quand je vais en haut de la Tour Eiffel par exemple ! (Rires). Sinon pas du tout.

Cool : Tu as quand même atteint un certain sommet ?

Jean-Jacques Goldman : Je te le dis, j'ai toujours l'impression que ce n'est pas moi qui est arrivé en haut mais les chansons. Le jour où je ne ferai plus de chansons qui plaisent aux gens, ce sera fini. C'est comme ça, c'est simple… Quand je vois que ça marche, je vois mes chansons qui montent, et moi j'ai toujours l'impression de rester chez moi.

Cool : C'est presque deux choses distinctes…

Jean-Jacques Goldman : Mais c'est complètement deux choses séparées.

Cool : Les lendemains qui déchantent, si ça ne marchait plus…

Jean-Jacques Goldman : C'est sûr que ça ne marchera plus un jour. Ce qui m'inquiète plus, c'est de ne plus avoir envie d'en faire, et puis de quoi j'aurais envie. C'est sûr que la vie qu'on mène est pleine de sensations, très, très fortes. Que ce soit la scène, l'écriture de la musique… Si un jour, je n'ai plus envie de ça, est-ce que je retrouverai des sensations aussi fortes ? Je ne sais pas.

Cool : Finalement, c'est une notion de bonheur, d'équilibre ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, une notion de vieillissement aussi. Je suppose qu'on ne ressent plus les choses pareilles. C'est peut-être un peu prématuré de se poser ces questions là, mais ce sont des choses auxquelles tout le monde pense.

Cool : Goldman, une référence pour beaucoup de gens qui font ce métier. Qu'en penses-tu ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai pas de réactions spéciales. Ça m'étonne…

Cool : Quel est le plus positif de ce métier ?

Jean-Jacques Goldman : C'est ce que je disais tout à l'heure, c'est de vivre des choses intenses, surtout quand on aime ça. Ça doit être terrible pour quelqu'un qui est chanteur et qui n'aime pas chanter. Ce qu'il y a de plus positif dans n'importe quel métier, c'est de faire quelque chose pour lequel, tu as l'impression d'être fait, d'avoir été un peu fait pour ça, de le faire bien, d'en faire profiter les autres et puis toi, de te réaliser dedans.

Cool : Tu dis "avoir été fait pour ça". Tu crois à une espèce de destin, à une sorte de mission ?

Jean-Jacques Goldman : Non, je ne crois pas que ce soit une mission. C'était mes caractéristiques, chacun naît avec des caractéristiques. Il y en a qui sont nés au Kenya avec des fémurs un peu plus longs que les autres et une plus grande résistance. Ils sont faits pour courir le 10 000 mètres ou le marathon. C'est bien que ces gens-là puissent réaliser ça, quand ça leur procure du plaisir et quand ils le font bien.

Cool : Le plus négatif, c'est toujours la perte de l'anonymat ?

Jean-Jacques Goldman : Oui. Franchement, il n'y a pas d'autre négatif. Le plus pesant, c'est quand les gens investissent sur la personnalité d'un chanteur alors que ce n'est vraiment pas justifié.

Cool : Toi, tu as l'impression de les tromper d'une certaine manière ?

Jean-Jacques Goldman : Oui, vraiment. Quand je vois des adolescentes qui sont proches du suicide et qu'on m'écrit pour les sauver. Quand je vois des malades qui veulent me rencontrer avant de mourir, ou des choses comme ça, j'avoue que je me dis qu'il y a quelque chose de pas normal là. Je crois que je ne suis pas digne de ça… Pas moi spécialement, je veux dire qu'un chanteur est quelqu'un qui fait des chansonnettes, point. Je ne le crois pas digne de ce qu'on lui demande.

Cool : Entre le génie et le talent, quelle est la différence ?

Jean-Jacques Goldman : J'avais entendu une phrase de Gotainer qui m'avait plue. Elle disait que le génie était la capacité à s'obséder. Je crois que c'est très vrai. On peut imaginer que le génie est quelqu'un qui apporte quelque chose qui soit en même temps universel et d'une très grande originalité. Quelque chose qui ne vienne que de lui, qu'il est le seul à pouvoir apporter à l'universel. Le génie, c'est peut-être le talent immense alors que des talents, il peut y en avoir beaucoup. On peut avoir du talent sans être original.

Cool : Dans l'ensemble, le costume de chanteur est difficile à porter ?

Jean-Jacques Goldman : Moi je trouve que c'est plus sympa d'être un chanteur connu, que chômeur par exemple, boiteux en plus, borgne et bègue (Rires). J'oubliais orphelin aussi… Non, non, faut pas se plaindre, j'ai vraiment l'impression de vivre quelque chose de rare. Je suis très content de le vivre. C'est sûr qu'il y a des côtés négatifs, mais je pense que le positif gagne beaucoup surtout si tu fais quelque chose qui plaît.

Cool : Tu es satisfait d'en être arrivé là ?

Jean-Jacques Goldman : Oh oui, très !

Cool : Tu t'imaginais qu'un jour tu serais un chanteur très connu ?

Jean-Jacques Goldman : Non je n'ai jamais pensé à cela. Je n'ai jamais rêvé de ça. Je n'ai jamais envisagé qu'un jour ça puisse marcher. Il était clair que j'allais faire de la musique, comme il y en a qui vont faire des courses, parce que j'adorais ça. Autant, je parlais de mes problèmes professionnels, de mon avenir professionnel, autant dans la musique, c'est une question que je ne me suis jamais posée.

Cool : Et tu la voyais comment ta vie ?

Jean-Jacques Goldman : Je me voyais travailler dans le magasin de sport, faire de la musique à côté, et puis ce que j'espérais, ce dont je parlais, c'est peut-être de réussir à placer quelques chansons, pour les autres. Je suis allé peut-être des millions de fois au concert mais il ne m'est jamais arrivé d'avoir envie d'être à la place du gars sur scène. Et Dieu sait que j'ai pris mon pied à ces concerts et je continue à y aller. Mais vraiment, jamais je n'ai rêvé d'être à la place du chanteur sur scène.

Cool : Tu n'avais pas envie de monter des sociétés, de créer quelque chose ?

Jean-Jacques Goldman : Non, j'avais envie de gagner ma vie correctement, de pouvoir payer mon loyer, aller en vacances, et payer l'essence de ma voiture. D'ailleurs, maintenant, ce n'est pas évident pour tous. Je crois que je n'avais aucune ambition.

Cool : Le mal de vivre, l'angoisse, la déprime, sont des choses qui t'arrivent. Ou tu vis plutôt sans l'optimisme ?

Jean-Jacques Goldman : Moi, c'est plutôt l'inverse, c'est-à-dire que je suis en permanence dans la déprime et dans cette espèce de mal de vivre… (Sourires). C'est une situation qui me paraît très normale quoi. Je ne vois pas comment on peut être heureux naturellement. Moi je vis de façon gaiement désespérée. Donc, ça se gère très bien. Je suis vraiment un mec relativement triste dans l'existence. (Rires)

Cool : Tu vas faire pleurer dans les chaumières, là ?

Jean-Jacques Goldman : Non, non, je ne veux pas du tout qu'on me plaigne, mais tu me demandes si je suis triste ou gai, et je suis un mec plutôt " chiant" quoi, dans l'ensemble ! (Rires)

Cool : Je mettrai donc ça en conclusion ?

Jean-Jacques Goldman : Si, si, tu peux le mettre. C'est la vérité…(Rires)


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