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Goldman : "Une attitude de leader"
(Paroles et Musique, janvier 1990)

Goldman : "Une attitude de leader"
Paroles et Musique, janvier 1990
Bernard Maryse
Retranscription de Monique Hudlot

"L'envie d'être sur scène ne suffit pas, il faut avoir quelque chose à y donner."

Bernard Maryse : Votre première rencontre avec Daniel Balavoine ?

Jean-Jacques Goldman : J'étais à Wembley à l'occasion du concert pour l'Ethiopie. Nous y avions été invités par RTL.

Bernard Maryse : Vous êtes un chanteur plutôt discret, que pensez-vous de ses ineffables coups de gueule ?

Jean-Jacques Goldman : Daniel ne caluculait pas. Je suppose qu'il a toujours eu une attitude de leader, extraverti et prosélyte, tandis que moi, j'ai toujours été effacé, même à l'école.

Bernard Maryse : Pensez-vous que, sur le plan musical, il avait bien digéré toutes ses influences anglo-saxonnes ?

Jean-Jacques Goldman : Il est de la génération née dans les années 50, en rupture avec la chanson traditionnelle française, avec des références presque exclusivement anglo-saxonnes puisées dans les transistors et les groupes de rock qui animaient les bals. Il était l'un des plus avancés sur le plan du son. C'est encore plus net aujourd'hui. Ses morceaux "sonnent", alors que beaucoup de chansons enregistrées à cette époque ont vieilli.

Bernard Maryse : Vous étiez, le 16 octobre 1985, à la Courneuve en duo avec lui pour chanter au bénéfice de l'Ethiopie : est-il difficile pour un chanteur de s'engager dans une cause ?

Jean-Jacques Goldman : Cette cause-là était tellement évidente ! Il s'agissait de simple assistance à personnes en danger ; de ne pas rester indifférent, inerte. L'engagement n'est pas plus difficile pour un chanteur que pour qui que ce soit. Il n'est pas toujours obligé de le faire savoir !

Bernard Maryse : Pensez-vous que le Paris-Dakar du temps de Thierry Sabine était une épreuve saine ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai pas d'idée bien arrêtée sur le Paris-Dakar. Ni pour, ni contre. Je ne crois pas que ce soit "dramatique" pour les pays traversés. C'est plutôt, globalement, le problème de la sécurité des spectateurs de rallye qui se pose, au Portugal, en Corse ou ailleurs.

Bernard Maryse : Balavoine ne courait pas trop vite ?

Jean-Jacques Goldman : Pas plus que les autres victimes de cet accident – ou d'un autre. Rien à voir avec ces aventuriers qui recherchent le danger pour les sensations, pour le plaisir.

Bernard Maryse : Les préoccupations narcissiques et mégalo du "Chanteur" – titre de son premier tube -, les filles, la renommée, l'argent, sont-elles un moteur essentiel des chanteurs en général ?

Jean-Jacques Goldman : De moins en moins. L'ambition, l'envie de briller ne suffisent plus. Les gens, en choisissant essentiellement des auteurs- compositeurs, privilégient l'authenticité et les chansons plus que les chanteurs. Il ne suffit pas d'avoir férocement envie d'être sur scène, il faut aussi avoir quelque chose à y donner.

Bernard Maryse : Balavoine se plaignait souvent d'être incompris par la presse spécialisée, qui refusait de voir en lui un chanteur rock. Souffrez- vous du même mal ?

Jean-Jacques Goldman : Le groupe Taï Phong était "admis" par le monde rock. J'y ai compris le système de valeurs, les clés pour être accepté - qui ont d'ailleurs peu à voir avec la musique elle-même. Daniel pensait pouvoir convaincre avec des preuves : disques, concerts. Ça m'amusait un peu. Nous en parlions. J'avais essayé de lui expliquer qu'il s'agissait plus d'une attitude que de musique, de ce qu'on ne fait pas plus que de ce qu'on fait. En schématisant, qu'il fallait choisir entre l'amour des gens, sa relation avec le public et la reconnaissance rock. Pour ma part, mon choix a toujours été clair.

Bernard Maryse : Qu'est-ce qu'un chanteur rock ?

Jean-Jacques Goldman : La musique n'est plus du tout en cause. Est rock désormais ce qui semble rebelle, non conformiste - ou plutôt d'un conformisme différent. Il s'agit d'une "famille", avec ses lois, ses saints, ses prêtres, ses uniformes, ses sanctuaires, ses dogmes, ses lieux communs, ses racismes.

Bernard Maryse : Peu de temps après la mort de Balavoine, vous avez chanté "Confidentiel" à "Champs-Elysées" et dédié cette chanson à Daniel.

Jean-Jacques Goldman : C'est "Je te donne" qui était programmée depuis longtemps. Je n'avais plus envie de chanter cette chanson gaie. Ils ont très bien compris. Nous avons convenu de simplement chanter "Confidentiel" en fin d'émission. Beaucoup de gens m'avaient demandé auparavant si cette chanson avait été écrite pour un disparu. Ce n'était pas le cas. Je terminais déjà mes concerts ainsi au Zénith, où Daniel était venu me voir.

Bernard Maryse : Vous fuyez les journalistes : sont-ils dangereux ?

Jean-Jacques Goldman : Bien entendu, le journaliste peut être dangereux comme tout détenteur de pouvoir, en l'occurrence celui de transmettre l'information. Dans la chanson, ce pouvoir est moindre parce que les gens rentrent en contact directement avec les chansons grâce à la radio, la télévision, sans autre intermédiaire que les programmateurs - eux-mêmes influencés par les auditeurs. Il ne peut donc s'agir que de commentaires, contrairement au cas d'un livre ou d'un film.


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