Goldman : le grand partage
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Goldman : le grand partage
L'Union de Reims, le 22 octobre 1991
Fabrice Littamé
Retranscription de Monique Hudlot
Le rendez-vous avec Jean-Jacques Goldman est fixé à 19 heures. Très pointilleux sur la mise au point de la balance pour jauger l'acoustique de la salle avant le concert, le chanteur est légèrement en retard ; pas comme ses fans qui faisaient tôt le pied de grue à chaque entrée, devant et derrière le parc des expositions de Reims assiégé voici tout juste deux semaines par une armée de groupies. Quand les portes du bonheur s'ouvrent, la foule en délire se précipite vers le sanctuaire d'un soir afin de s'emparer des meilleures places, au pied du temple scénique dans l'espoir de frôler leur idole, grand prêtre d'un sabbat musical. Dans ce raz-de-marée humain, les jeunes filles d'une vingtaine d'années se trouvent en masse. Mais qui en doutait ?
La sérénité A une centaine de mètres de là, loin de la cohue, dans sa loge jalousement protégée par le service d'ordre, Jean-Jacques Goldman attend patiemment dans le recueillement et le calme le moment d'offrande à son public. Il m'accueille la main tendue, avec un large sourire, une lueur de douceur dans le regard. Une sorte de sérénité l'habite. Lors de sa dernière tournée voici trois années, la star m'était apparue fébrile, inquiète, se dérobant aux questions par des boutades. L'humour imprègne toujours ses réponses amusées mais, entouré de Carole Fredericks et Michael Jones, l'homme a retrouvé son cocon douillet, son nid pour aller toujours plus haut jusqu'au bout des étoiles. Sa collaboration avec la chanteuse américaine et le guitariste gallois lui a sans doute permis de goûter à nouveau l'atmosphère de ses débuts lorsque, de 15 à 30 ans, il évoluait au sein de groupes comme Taï Phong : "J'ai en fait chanté seul peu de temps, de 82 à 90", s'explique-t-il. Comment est né ce trio magique qui donnera une centaine de dates jusqu'en décembre ? "Carole, que je connais depuis six ans, a une voix de gospel et un potentiel scénique qui était jusque là inexploité. Quant à Michael, on fait depuis longtemps ensemble les arrangements de mes chansons. Notre réunion s'est faite naturellement car nous chantions déjà à deux ou trois. C'est plus clair et plus vrai comme cela".
Fini le cavalier seul L'amitié qui existe entre eux n'a pas provoqué, seule, le déclic de cette association : "C'est un choix artistique au départ. J'avais envie de travailler plus profondément avec eux". Dans ses projets, la vedette compte d'ailleurs pas refaire cavalier seul. Dans l'immédiat, un album live "à trois voix" est envisagé sans plus d'assurance : "Mais j'ai déjà enregistré deux live !". Une chose est sûre : le chanteur prendra des vacances. "J'adore ne rien faire", confie-t-il avec une jubilation dans la voix. Il est arrivé à une autre certitude : "Je continuerai avec Carole et Michael, s'ils le veulent bien". Son prochain disque pourrait ressembler à un instrumental de guitares avec Michael ou à une reprise de standards de blues avec Carole : "Je voudrais faire comme Cabrel et Dick Rivers et chanter dans des petites salles où l'acoustique est bonne. Mais je ne veux pas refaire un album tout seul", affirme-t-il. Un seul impératif guide désormais la trajectoire de Jean-Jacques Goldman : "Je ne raisonne plus en termes de carrière, car j'ai eu tout ce que je voulais. Je veux donc continuer à m'amuser, prendre du plaisir à ce que je fais et en procurer à mon public". Le partage s'est produit à Reims. Il se renouvellera sans doute aujourd'hui à Charleville-Mézières.
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