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Avec Céline Dion, Goldman a trouvé "sa voix"
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Avec Céline Dion, Goldman a trouvé "sa voix"
Le Soleil, 8 avril 1995
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Retranscription de Monique Hudlot
Auteur-compositeur et interprète à qui tout réussit, multimillionnaire du disque chez lui en France, Jean-Jacques Goldman a été séduit par la voix de Céline Dion.
Depuis sa collaboration avec Johnny Hallyday, en 86, il rêvait de travailler avec une chanteuse. "Ziggy", cette chanson qu'interprétait Céline Dion dans "Tycoon", la version anglophone de Starmania, l'obsédait. Lorsqu'il l'entendait à la radio, il rêvait de cette texture, de cette "unicité". Il voulait lui offrir ses chansons.
"Chez nous, dit-il avec une pointe d'ironie, on a des chanteuses comme Jane Birkin et Mylène Farmer. Moi, si j'étais chanteuse, je serais jalouse de Céline Dion !"
Avec cette idée bien logée dans sa tête, il a demandé à la rencontrer. "Pour la première fois, explique René Angelil, on offrait de faire un disque pour Céline. Eddy Marnay, David Foster, Luc Plamondon ont écrit pour elle. Jean-Jacques lui donnait un album entier sur un plateau d'argent. Inespéré !"
Jean-Jacques Goldman s'étonne du talent qui foisonne ici et de la grande curiosité du public québécois face à ses artistes. Toutes proportions gardées, on leur réserve ici une place énorme. Peu de chanteurs comme lui, en France, méritent de vendre à chaque sortie de disque plus d'un million de copies. Ici, fait-il remarquer, les disques d'or (100 000 exemplaires) sont nombreux. Et on s'accorde à dire que le marché français vaut dix fois le nôtre. Goldman, ici, aurait la notoriété d'un Richard Séguin, d'une Marjo, de Beau Dommage et de bien d'autres.
Encore une fois, antivedette, Jean-Jacques Goldman prête son talent pour une chanteuse dont il croit le génie d'interprète intarissable. Avant elle, il avait donné des chansons à Patricia Kaas, à Florent Pagny, à Marc Lavoine en signant du pseudonyme S. Brewski.
"Je n'en donnais qu'une, dit-il, pour justifier cette coquine supercherie. Je ne voulais pas mettre l'accent sur mon nom pour qu'ensuite les médias en fassent tout un plat. Ne vous inquiétez pas, poursuit-il, des pseudonymes, j'en ai plusieurs autres…"
Pour Céline Dion, il a écrit 12 chansons. Pour elle, il signe. Entre eux, l'osmose a été si grande qu'il ose à peine en parler. Au recto de la pochette de "D'eux", la photo parle : on serait tenté de les dire frère et soeur.
Goldman n'a pas été séduit que par une voix. Céline Dion lui est apparue comme quelqu'un à trouver. Il a voulu fouiller et découvrir ce qu'elle cachait dans les fibres si riches de sa voix. Pendant deux mois, il a tout lu ce qu'on avait écrit sur elle. Avant de la rencontrer, il la devinait.
"Elle, dit-il, sait très bien que le bonheur ne dépend pas de la couleur de la moquette. Elle a vécu des choses très difficiles, elle sait faire avec objectivité la différence entre sa vie privilégiée et le bonheur. Je savais qu'elle était une grande chanteuse populaire traditionnelle, de blues, de rythm'n blues, mais je voulais connaître ce qui la touche pour aller au-delà de ça. J'ai la prétention et l'immense privilège de travailler avec elle. Je pourrai l'amener plus loin en France. Le public français est farouche, exigeant, souligne l'auteur. Il demande une dose de pudeur avec un maximum de sincérité".
Goldman sait de quoi il parle. Malgré tous ses succès, il a su les voir avec recul. Avec les chansons de "Rouge", son dernier album, qu'on ne distribue malheureusement pas au Québec, il a visité 70 villes françaises avec 37 choristes de l'Armée rouge, et s'apprête à prendre d'assaut 15 villages.
À Céline, il prête un peu de son expérience. "Au fond, si Cabrel a un tel succès chez vous comme chez nous avec sa pudeur, ses non-dit, c'est que tous les publics se ressemblent. Avec Céline, j'ai envie d'intervenir, la conseiller sur ses rapports avec les médias, sur sa façon de se présenter en spectacle. Partout, on aime la pudeur".
On peut l'aimer telle qu'elle est. Elle n'a pas à avoir envie de séduire à tout prix. Son humour froid, son cynisme, que personne ne connaît encore, suffisent. Céline Dion n'est pas la petite fille parfaite qu'elle veut bien.
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