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Khaled à Sainte-Sophie
(L'Express, 12 décembre 1996)

Khaled à Sainte-Sophie
L'Express, 12 décembre 1996
Sophie Grassin
Retranscription de Monique Hudlot

"Aïcha", écrit par Goldman, emballe la France. Avec son raï métis et doucement offensif, l'Oranais a, aussi, séduit Istanbul.

Le jour se sauve. Le Bosphore apaise son trafic. Une limousine glisse dans Istanbul, sept fois détruite et sept fois reconstruite. A son bord, Khaled, 36 ans, Arabe né à Oran, qui chante ce soir aux World Music Days, un festival en vogue. La Turquie le vénère. Les "barbus" d'une Algérie enragée le vomissent. Vu de New York, il incarne la France. En France, il s'adjoint la force motrice de Jean-Jacques Goldman, parolier incontournable et juif, pour accoucher d'"Un jour viendra" et, surtout, d'"Aïcha" - dont 700 000 singles issus de son dernier album, "Sahra" (Barclay), se sont déjà arrachés. Bref, "Khaled le fou, le tout petit Khaled", comme il se définit, donne au monde des raisons d'espérer.

En a-t-il conscience? Oui, même s'il repousse cette réalité au profit d'une légèreté revendiquée. Khaled aime à rappeler qu'il rit au lieu de pleurer, qu'il ne crache pas sur le J & B et qu'il passe parfois les bornes. "L'autre soir, ma mère m'a collé une gifle. Normal, estime-t-il. C'est ma mère". Devenu, via le raï, un symbole malgré lui, Khaled offre donc deux faces. L'une veut continuer à vivre. L'autre n'ignore pas que le contexte le rend subversif. Qu'en Italie des doigts d'honneur ont salué son tube mondial, "Didi". Qu'il doit, plus que quiconque, peser ses mots: "Je ne fais pas le con. Que serait-il arrivé si, pendant la guerre du Golfe, j'avais poussé les mômes à mettre le feu ?"

Une allusion au groupe de rap NTM, dont la récente condamnation le choque, mais dont l'attitude, au fond, l'embarrasse. "Un pays sans flics n'est pas un pays, remarque Khaled. En Algérie, mon père appartient à la police, il n'a jamais frappé personne. Et puis, comment ne pas se méfier d'un Front national toujours prompt à s'engouffrer dans nos failles ?" Retour en Turquie. Un Etat laïque. Un pouvoir détenu par un parti islamiste ambigu. Une jeunesse fascinée par l'Europe, qui, à Istanbul, semble très proche. Khaled s'y produit pour la première fois, en toute confiance: il se sait reconnu par la communauté turque d'Allemagne. Et "Didi" a été repris dans la langue du pays. Les premières clameurs le confortent encore: "Aïcha, Aïcha", scandent, sans temps mort, des centaines de voix.

"Aïcha" catalyse le succès de "Sahra" (sorti le 12 novembre, entré au Top dans la foulée), ainsi nommé en hommage au désert et à la fille de Khaled, Sarah. 15 titres raï et vagabonds, métissés de flamenco, de rap, de reggae, qui se révèlent plus offensifs qu'ils n'apparaissent d'emblée. Accusé par le Kabyle Matoub Lounès et quelques autres de ne pas assez utiliser son capital médiatique pour s'exprimer sur l'Algérie, Khaled réplique avec "Lillah", d'abord, et "Wahrane Wahrane", ensuite. "Lillah (Allah)" est un hymne au courage. "Wahrane…" reprend le texte sur l'exil, créé par Ahmed Wahby, le Brel oranais. "A 6 ans, je le chantais dans les mariages, se souvient Khaled. Wahby vient de mourir, abandonné par un gouvernement qui ne montre aucun respect à l'égard des artistes".

"Sahra" s'appuie, aussi, sur le soutien de Rita Marley, la femme de Bob, dans le studio duquel Khaled a enregistré en Jamaïque, et des rappeurs d'IAM, qui l'accompagnent sur "Oran-Marseille". Deux villes qui partagent le goût de la fête et se répondent à travers leurs lieux de culte, Notre-Dame-de-la-Garde et Santa Cruz. "C'est à Marseille que les jeunes Algériens viennent acheter des Marlboro en contrebande, raconte Khaled.

Ils se fadent trente-six heures de bateau, dorment dans le port et reviennent vendre leurs cartouches à Oran, où les flics saisissent la marchandise et finissent, en général, par fumer les clopes". Marseille, où Khaled a vécu quatre ans de bohème dans les odeurs de couscous et les petits bars. Marseille qui parfume encore sa mémoire.

Célébration des femmes

Enfin, il y a Goldman. Goldman sollicité avant le triomphe de Céline Dion. Goldman auquel il n'osait pas demander deux titres. Goldman qui, pour "Envoyé spécial", sur France 2, le jour de la signature des accords de paix à Washington, choisit une chanson de Khaled, "Chebba". Résultat ? "Aïcha", qui sonne comme du raï et célèbre les femmes. "Je les ai toujours défendues, précise Khaled. Quand j'envoyais ma soeur acheter des cigarettes, je lui disais : Reste, reste dehors longtemps". Il ajoute, non sans malice: "Si Goldman et moi avons réussi à travailler ensemble, Netanyahu [le premier ministre israélien] devrait peut-être arriver à faire la paix". Khaled a croisé Arafat ("il y croyait, le pauvre") et rêve de voir Tel-Aviv. "Chez moi, hélas ! ils ne comprendraient pas. Les frères s'entre-tuent pour le pouvoir. L'Algérie figure une usine de miel où chacun veut tremper le doigt".

"Didi" a cartonné en hébreu. Khaled, lui, chante pour les Bosniaques et les Turcs. Il chante pour qui veut. 3 heures du matin, Istanbul. La première classe du raï offre sa montre, une rasade de whisky et pense à son pays.

"Que faire? Parler? Se taire? Les assassins ont 20 ans; l'âge ou presque d'être mes enfants".

Le dernier album de Khaled, "Sahra", veillé par son djinn habituel, le producteur Don Was, se caractérise aussi par ce qu'il n'est pas. Khaled devait, en effet, y enregistrer des duos avec Björk, Noa, Stevie Wonder et Sting. "Par manque de temps, rien de tout cela ne s'est fait et je me suis senti un peu dégoûté", dit-il. Il n'y a pas de quoi. "Sahra" aligne, en effet, d'autres noms qui manifestent un réel désir d'ouverture.


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