Restos du coeur, le douzième hiver
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Restos du coeur, le douzième hiver
Libération, 17 décembre 1996
Matthieu Ecoiffier
Retranscription de Monique Hudlot
Restos du coeur, le douzième hiver. Parmi les bénéficiaires des colis- repas, toujours plus de jeunes et de chômeurs de plus de 45 ans.
Pour la douzième année consécutive, les Restos du coeur ont ouvert hier leur "campagne d'hiver". Plus de 60 millions de colis-repas vont être distribués aux plus démunis pendant trois mois à travers l'Hexagone. L'augmentation prévue est de 15% par rapport à la dernière campagne.
Avec 1 600 Restos, 17 000 bénévoles et 250 millions de francs de budget, le succès du mouvement initié par Coluche ne se dément pas. "Le plus gros des subsides (60%) provient des dons individuels, explique Henri Brice, délégué des Restos à Paris. Le reste est fourni par l'Union européenne, les pouvoirs publics assurant à peine 10% du budget". Quant aux bénéficiaires, ils sont à l'image de la crise économique: de plus en plus de chômeurs entre 45 et 50 ans, et un afflux de jeunes de moins de 25 ans.
Binetou , une jeune mère de famille zaïroise, arrive avec ses cabas vides au centre de la rue de Crimée (XIXe arrondissement de Paris). Sans papiers, sans travail, avec deux enfants en bas âge. Jour d'inauguration oblige, elle reviendra demain : la distribution commence avec un jour de retard sur les autres centres. A l'intérieur du local, une boîte à musique passe en boucle le refrain emblématique : "Aujourd'hui, on n'a plus le droit ni d'avoir faim, ni d'avoir froid !" Toujours la même chanson de Jean-Jacques Goldman pour une réalité qui se durcit. "Nous essayons d'aller vers les plus démunis et les plus solitaires, ceux qui vivent dans la rue, explique Alain Brice. Pour ceux qui disposent de moins de 1 400 francs par personne et par mois, on double le nombre de repas et on donne pour le matin et le soir".
Pour la troisième année consécutive, il a fallu revoir les barèmes d'attribution des aides alimentaires. "Ainsi, à Paris, alors que le nombre de démunis stagne depuis le pic de 1994, le nombre de repas augmente à cause de l'appauvrissement", précise Henri Brice. Chaque visiteur est invité à remplir une fiche de renseignements où il détaille ses ressources : Assedic, allocations familiales, aides aux logement. "On prend les revenus de la personne et, une fois soustrait le loyer hors charges, on regarde s'ils sont au-dessous de la barre", explique une bénévole. Le plafond tourne autour de 2 800 francs par personne et par mois. Pour les familles nombreuses, à partir de 5 enfants (au lieu de 4 l'an dernier), on prend comme référence le RMI (environ 7 600 francs dans ce cas).
A Paris, la campagne d'hiver des Restos du coeur ne représente désormais que la moitié des activités de l'association. 300 jours par an deux centres distribuent 400 repas chauds à midi et autant de soupes le soir. "Vu la situation sociale qui s'éternise, on ne peut plus camper. Si l'est de Paris est bien couvert, nous sommes mal implantés sur la rive gauche. Dans le XIIIe arrondissement, Jacques Toubon (le maire, ndlr) ne nous a toujours pas trouvé de local", note Henri Brice. Du coup, les démunis du Sud parisien se retrouvent au Resto du coeur du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), de l'autre coté du périphérique.
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