Michael ? Un garçon simple
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Michael ? Un garçon simple
Libération, 27 juin 1997
Serge Loupien
Retranscription de Monique Hudlot
Tarak Ben Ammar est le nouveau manager de Jackson. Producteur à succès (il totalise 30 millions d'entrées en France), fondateur des studios de Monastir et El Kantaoui (où ont été tournés "La Guerre des étoiles" et "Les Aventuriers de l'arche perdue"), Tarak Ben Ammar est le nouveau manager de Michael Jackson. But avoué : en finir avec les injustices et les fausses vérités.
Serge Loupien : Comment devient-on manager de Michael Jackson ?
Tarak Ben Ammar : Question de chance. J'ai conseillé à un ami, le prince Alwaleed, de se lancer dans la télévision. Je l'ai notamment encouragé à entrer dans la musique, domaine qui m'attirait depuis longtemps. Et nous avons créé une chaîne musicale au Moyen-Orient. J'avais préalablement rencontré Michael Jackson, par l'intermédiaire de Quincy Jones, au début des années 80. J'ai décidé de le recontacter. Peut-être parce que cela tombait à un moment où tout le monde le fuyait, il s'est montré très réceptif. J'ai organisé une rencontre avec le jeune prince, nous nous sommes liés d'amitié, et il a fini par me demander de m'occuper de ses affaires.
Serge Loupien : Ne vous retrouvez-vous pas à un poste exposé ?
Tarak Ben Ammar : Vis-à-vis de qui ? C'est un garçon d'une grande simplicité, tout ce qu'il y a de normal, dont l'unique souci est de créer toute la journée. J'ai côtoyé des acteurs et des réalisateurs de cinéma autrement compliqués. En fait, il a été mal conseillé pendant une période de sa vie. Je ne suis pas contre le mystère de la star, qui est un élément de rêve important, mais il ne faut pas que celui-ci efface l'aspect humain du personnage. Ce qui a été un peu le cas à cause de son inaccessibilité et de son refus de répondre aux accusations. On a dit qu'il s'était mis dans une tente à oxygène, c'est faux. On parle de son masque, mais, s'il en porte un, ce n'est pas pour des raisons de santé mais pour que les paparazzi ne le mitraillent pas sans cesse.
Quand c'est nécessaire, comme à Cannes, il sort sans, afin de laisser travailler les photographes. Quand il va écouter Pavarotti, c'est à visage découvert. Il m'a parlé du jour où, dans un musée londonien, il est allé voir les restes d'Elephant Man. Le lendemain, la presse prétendait qu'il voulait acquérir ceux-ci. Même chose pour sa peau. Il souffre d'une maladie appelée vitiligo, qui provoque une dépigmentation. Il suffit d'ailleurs qu'il enlève son tee-shirt en concert, sous le bras gauche vous voyez des taches. Qu'on remarque également si son maquillage n'est pas parfait. Il aurait fallu que ses médecins annoncent ce qu'il avait. Personne n'ayant démenti quoi que ce soit, les fausses informations sont devenues vérités. Et quand il a commencé à parler, c'était trop tard.
Serge Loupien : Actuellement, aux Etats-Unis, il a une image de pestiféré…
Tarak Ben Ammar : Oui. Mais regardez Chaplin qui a obtenu son premier oscar à 88 ans, après avoir quitté les Etats-Unis à la suite d'accusations de détournement de mineure. Il était devenu le monstre absolu, trop puissant, trop riche. Jackson a multiplié les problèmes. Avec sa communauté, par exemple, qui a cru à tort qu'il ne voulait plus être noir. Plus les accusations du gamin. C'est un pays très puritain, qui n'autorise aucune erreur, même si vous êtes innocent. O.J. Simpson, innocenté par la justice, est néanmoins fini. La société en a décidé ainsi. Alors, Jackson est-il fini aux Etats-Unis ? Je pense que son art peut le sauver. On peut ne pas croire à son divorce, ne pas croire à son mariage, peu importe. Seule la musique compte.
Serge Loupien : L'atmosphère un peu scandaleuse autour de lui vous a- t-elle fait hésiter ?
Tarak Ben Ammar : J'ai effectué toutes les enquêtes possibles et imaginables, consulté les dossiers et constaté qu'il était victime d'un chantage comme une star de sa dimension peut y être soumise. Et puis je le vois tous les jours dans le privé, comment il vit, comment il se comporte avec les enfants. On lui a reproché d'avoir payé tant de millions de dollars, aveu de sa culpabilité. C'est ridicule. S'il n'avait pas fait cela, il aurait été psychologiquement détruit. Il n'aurait jamais supporté qu'on décortique sa vie, son corps, ses photos pendant six semaines, dans un procès qui serait passé en direct sur la télévision mondiale. Et n'oublions pas que la justice ne l'a jamais poursuivi. Ce qui est le rôle du procureur, même en cas d'arrangement. Je ne crois pas que l'on puisse acheter la justice américaine. Cela a été un test terrible, dont il est sorti plus fort.
Il est malheureux que son pays le rejette, mais il n'est pas aigri. Il est bourré de projets. Il veut produire d'autres chanteurs, des metteurs en scène, réaliser des films. Il a envie, créativement, de découvrir d'autres horizons. Cela m'intéresse qu'il rencontre des gens comme Luc Besson ou Jean-Jacques Goldman, dont il connaît toute l'oeuvre sans que ceux-ci s'en doutent. Avant-hier, nous étions en compagnie de Souleymane Cissé, dont nous sommes en train de remonter Waati en modifiant la musique, et Michael collaborait spontanément avec Jean-Claude Petit. Voilà le personnage que les gens ne connaissent pas. Ils n'ont pas fini d'être surpris !
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