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"Je comprends la méfiance du peuple israélien"
(Tribune Juive, 5 septembre 1997)

"Je comprends la méfiance du peuple israélien"
Tribune Juive, 5 septembre 1997
Yves Derai et Franck Medioni

A l'occasion de la sortie de son album "En passant", Jean-Jacques Goldman est sorti de sa réserve légendaire. Il a confié à Tribune Juive ses sentiments sur l'actualité musicale, bien sûr, mais aussi sur le judaïsme et la israélienne.

Tribune juive : Vous ne donnez des Interviews que très parcimonieusement en choisissant la discrétion. Quelle est votre attitude par rapport aux médias ?

Jean-Jacques Goldman : J'ai toujours eu la même attitude qui est double. D'une part, je suis persuadé qu'on a besoin des médias. Personne ne peut s'en passer, pas même Paul McCartney. C'est comme ça. D'autre part, je pense qu'il y a une différence entre communiquer sur le travail qu'on a fait et communiquer par complaisance. Effectivement, je ne rencontre pas les médias par plaisir, sans vraie raison, tout simplement pour «m'exprimer». Ma place n'est pas de me trouver sur les couvertures des magazines. Je demande donc à ne pas y figurer. La chanson ne doit pas se trouver en première page d'un magazine. Il se passe d'autres choses dans le monde dont la place est en première page. Ce n'est pas de la modestie, seulement de la lucidité.

Tribune Juive : Quelles musiques écoutez vous ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'écoute pas assez de musique. A part France Info (rires) J'écoute un peu mes confrères mais, en fait, je vis beaucoup sur le passé, sur la musique des années soixante dix que j'ai énormément écoutée, que j'ai beaucoup jouée. J'écoute la radio, des cassettes qu'on me donne, il est très rare que je prenne un album et que je l'écoute entièrement. Mais je vais beaucoup aux concerts, c'est aussi une façon de se nourrir.

Tribune Juive : Et la house, la techno et autres ?

Jean-Jacques Goldman : Mes enfants n'écoutent que ça... Je crois que c'est la première musique qui va démoder le rock'n'roll, c'est-à-dire qui va faire du rock'n'roll ce que le jazz a été pour nous : un autre monde. Il y a une génération de musiciens qui va arriver dans cinq - dix ans, qui n'aura, pour la première fois, aucune référence au rock'n'roll, mais au sampling, à la techno, au rap. C'est comme ça. C'est pour moi spécifiquement une musique de danse. Je n'écoute pas de techno et comme je ne danse presque plus... C'est l'un des signes du vieillissement.

Tribune Juive : Après dix ans de collaboration musicale avec Carole Fredericks et Michael Jones, pourquoi avez-vous souhaité enregistrer à nouveau sous votre nom ?

Jean-Jacques Goldman : Ce sont les chansons qui commandent. Lorsque, en 1987, j'ai recommencé à composer après l'album «Entre gris clair et gris foncé», je ne composais que des duos et des trios. Ce sont donc les chansons qui ont décidé de ce trio Fredericks - Goldman - Jones. Et de la même façon, après presque dix ans, j'ai recommencé à composer des chansons plutôt solitaires. Carole fait des chœurs et Michael des guitares sur le disque. Par la suite, rien ne dit que le trio ne se reformera pas.

Tribune Juive : Revendiquez-vous une certaine simplicité musicale ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne la revendique pas, je la constate. J'ai eu plusieurs phases. J'ai commencé à produire mes albums moi-même parce qu'il n'y avait pas d'arrangeur qui faisait ce son-là à cette époque-là, dans les années quatre-vingts. Pour obtenir un son comme celui que je voulais pour une chanson comme, par exemple, «Il suffira d'un signe», il fallait le faire soi-même. Ensuite, me rendant compte de mes limites sur le plan musical, j'ai laissé avec plaisir mes chansons à des arrangeurs, en particulier quand j'ai travaillé avec d'autres chanteurs. Mais j'ai toujours été déçu, je ne retrouvais pas l'essentiel de la chanson. Maintenant, je suis arrivé à un moment où j'ai compris que ce que je composais devait, en gros, sonner comme des maquettes.

Tribune Juive : Travaillez-vous simultanément paroles et musiques ?

Jean-Jacques Goldman : Les thèmes des paroles viennent séparément, c'est-à-dire que je note des bribes, des petites phrases sur un thème, d'autres sur un autre. Après, une autre phrase vient. Et, d'un autre côté, je compose à la guitare des petits bouts de chanson que je mets de côté. Et, une fois qu'une musique est prête et aboutie, je choisis le thème. A partir de là, je travaille le texte définitivement. La finalité ne peut se faire qu'en présence de la musique. Je n'écris le texte définitif qu'à la lumière des notes. Il ne peut pas y avoir de textes abstraits sans musique.

Tribune Juive : Il y a un thème qui revient assez souvent dans les chansons de «En passant», votre nouvel album, comme, d'ailleurs, dans vos précédents disques, celui de l'errance.

Jean-Jacques Goldman : Je me demande de quoi ça peut venir (rires). Fils de deux personnes immigrées, on a du mal à considérer que la ville dans laquelle on est né soit une évidence.

Tribune Juive : Votre identité juive semble traverser votre œuvre.

Jean-Jacques Goldman : Elle est absolument présente dans ce que je suis de façon très revendiquée. Et, forcément, elle l'est dans ce que j'écris. C'est un peu présent dans toutes mes chansons, dans «On ira», dans «Bonne idée», où je parle de mon père et de ma mère. de Ruth et de Moïshé. Dans «Juste quelques hommes», je parle des Justes. Dans Natacha. il y a l'Est. Ce sont des chansons qui sont écrites par un Juif. C'est une façon d'être mais aussi un moyen de transporter ces valeurs, c'est-à-dire de savoir que les valeurs ne sont pas dans une terre ou dans un endroit mais qu'elles sont en nous, qu'on traverse le temps et les kilomètres avec ces valeurs.

Tribune Juive : Vous dites revendiquer cette identité. En même temps on ne peut pas dire que vous soyez engagé. Quelle différence faites vous ?

Jean-Jacques Goldman : Je n'ai pas changé mon nom, je m'appelle Goldman. Quand on me demande quelles sont mes origines, je ne dis pas que je suis fils de Polonais ou fils d'Allemands, je dis que je suis fils de Juif polonais et de Juive allemande. Personne n'ignore que je suis juif. Lorsque je fais une chanson pour Khaled, il est souligné partout que c'est l'association d'un Musulman et d'un Juif.

Tribune Juive : Etes-vous pratiquant ?

Jean-Jacques Goldman : Mon père faisait partie de ces Juifs communistes pour qui, comme vous le savez, la religion était l'opium du peuple. Je n'ai pas du tout été élevé dans la religion juive que je connais extrêmement mal. Je n'ai pas fait ma bar-mitsva, je ne suis jamais allé à la synagogue. Par contre, nous avons été élevés avec une conscience extrêmement forte du fait que nous étions juifs.

Tribune Juive : Sans forcément être croyant?

Jean-Jacques Goldman : J'ai toujours pense que la question de Dieu, que la question de la foi n'était pas liée à celle de la religion. Ce qui n'est pas du tout méprisant à l'égard de la religion parce que je pense que la religion, par contre, a d'autres rôles à jouer, en particulier celui de savoir d'où on vient, de l'appartenance à une communauté, de la solidarité, du rythme des vies de façon communautaire. Mais la question de Dieu. c'est une question personnelle qui dépasse de loin l'organisation par la religion.

Tribune Juive : Vous vous sentez membre d'une communauté ?

Jean-Jacques Goldman : Oui. On fabrique tous notre famille, avec des amis, avec des gens qui pensent la même chose, avec les gens qui partagent les mêmes valeurs. Cela aurait été peut-être plus facile si j'avais fait partie d'une communauté naturelle qui aurait été une communauté religieuse juive. J'aurais bien aimé. mais cela ne s'est pas passé comme ça. On s'en est construit une autre.

Tribune Juive : Quel est votre point de vue concernant la situation en Israël ?

Jean-Jacques Goldman : Je suis évidemment ce qui s'y passe de façon un peu plus précise que ce qui se passe au Rwanda. Je me sens très très concerné par ce qui ce passe en Israël, évidemment bouleversé chaque fois qu'un drame survient. Je suis aussi conscient des déchirements, des doutes, des questions qui se posent : la paix ? Pas la paix ? Je partage ces doutes. Je ne suis pas du tout persuadé, comme Mme Rabin qu'en étant plus gentil la paix peut survenir. Il faut voir ce qui se passe en Algérie. Il faut savoir ce qui s'est passé au Liban. On n'est pas en Bretagne ! Israël est un tout petit pays très très fragile. Je comprends donc tout à fait la méfiance du peuple israélien.

Tribune Juive : Vous ne décrivez pas Netanyahou a priori comme un faiseur de guerre...

Jean-Jacques Goldman : Non, pas du tout. C'est très facile de dire ça à Paris dans le XVIe arrondissement. Quand on est à cinquante kilomètres de Tel Aviv, je pense que le problème doit être différent.

Tribune Juive : Avez-vous déjà chanté en Israël ?

Jean-Jacques Goldman : Non, jamais. Je ne suis pas connu là-bas. J'y suis allé une fois mais je ne connais pas très bien, je ne sais pas pourquoi. Il y a peut-être trop de juifs là-bas (rires). J'ai peut-être l'angoisse de tomber sur un docker, un douanier ou un policier juif...

Tribune Juive : Quelle est votre attitude par rapport au Front national ?

Jean-Jacques Goldman : Le Front National ne me fait absolument pas peur. Je crois que le seul engagement efficace ce serait de renouveler les partis institutionnels, de les renouveler. Je pense que le Front national est peut-être pour 3%, un vote d'adhésion. Par contre pour moi. c'est un vote de non-hygiène comme les rats qui viennent quand c'est sale. Il suffit de nettoyer. Les rats s'en vont. Le seul militantisme efficace qu'on puisse avoir, c'est simplement de nettoyer la politique française. Les Français ne sont pas racistes. Les Français ne sont pas d'extrême droite, je n'ai absolument aucun doute là-dessus. C'est un vote de réaction par rapport au pourrissement des partis et à leur éloignement. En particulier par rapport aux années Mitterrand. C'est très clair.

Tribune Juive : Vous attribuez-vous un rôle dans cette opération de nettoyage ?

Jean-Jacques Goldman : Non. Je ne me sens pas du tout ce pouvoir-là. J'ai été conscient du séisme des années Mitterrand. Dans ce sens, j'avais, il y a quelques années interviewé Michel Rocard qui était l'ennemi absolu de Mitterrand. J'étais allé le soutenir durant les élections mais de façon pas du tout militante. J'étais simplement intervieweur et j'étais présent. Je n'ai pas à donner de leçons aux autres mais je suis autant un citoyen que les autres.

Propos recueillis par Yves DERAI et Franck MEDIONI


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