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Sachez que je
(24 Heures, 20-21-22 septembre 1997)

Sachez que je
24 Heures, 20-21-22 septembre 1997
Jean Ellgass
Retranscription de Laure Emilie Rey

Un nouvel album en solitaire, sans fracas, pour exprimer les doutes et les fractures d’un homme de 46 ans, En passant. Le chanteur français ne s’est jamais autant révélé. Rencontre.

Il sirote son eau minérale à l’ombre d’un parasol, au milieu de la pelouse d’un centre sportif. A côté, quelques jeunes athlètes font des bêtises en l’ignorant, sans effort. Jean-Jacques Goldman est invisible.

Ce n’est pas là le moindre des paradoxes qu’entretient naturellement cet homme de scène, qui charme la gloire depuis seize ans. Sa méfiance atavique de l’exubérance l’incite plus volontiers à se fondre dans l’ombre, à baisser le ton, écouter ¨les silences qui valent souvent mieux que les discours¨. D’une simplicité confondante, il ne cesse de répéter que ¨les chansons ne font que rassembler des choses qui traînent¨, comme une excuse.

Pour Céline Dion, Khaled ou Patricia Kaas, ces ¨choses qui traînent¨ sont devenues poussières d’or. Il esquive encore, et s’efface devant ¨l’immense talent¨ de ses interprètes. Alors comment parlera-t-on de son nouvel album En passant, réalisé sans le paravent Carole Fredericks et Michael Jones, ses complices ? En exprimant les fractures d’un homme de 46 ans, la tristesse douce-amère de savoir la chair éphémère, Goldman renonce aux aigus insupportables, au péplum Rouge, l’emphase. Avec, pour la pochette, le concours du photographe Claude Gassian, qui souligne le propos de ses magnifiques instantanés volés à la route, il retrouve la voix du blues qui transcende la douleur. Juste en passant.

Jean Ellgass : Sans être conceptuel, l’album décline le thème du renoncement qu’implique le temps qui passe. Une prise de conscience douloureuse ?

Jean-Jacques Goldman : Quelqu’un a dit que vieillir, c’est faire peu à peu des choses pour la dernière fois (il sourit)… Tragique, non ? Dans un courrier, une fille m’a demandé si j’avais déjà pensé qu’un jour, je ferais l’amour pour la dernière fois. C’était terrible, je n’y avais jamais pensé (il rit) !… Cela étant, ces onze titres ont un point commun : ils sont tous venus de moi, ces trois dernières années. Donc ils reflètent forcément des préoccupations personnelles.

Jean Ellgass : …que vous abordez avec sobriété et dans l’esprit du blues, la douleur transcendée. Quelle place En passant occupe-t-il dans votre discothèque ?

Jean-Jacques Goldman : Il se réfère finalement assez à la deuxième phase de Entre gris clair et gris foncé (1987), album charnière de ma carrière… Là, c’est une revendication très affirmée de revenir à des parties plus approfondies au niveau des arrangements, je fais très attention à un son, une partie de guitare, et j’essaie ensuite de ne pas les noyer dans des sauces. Quant aux thèmes, ben ce sont ceux qui me sont venus… Chaque album a son âge.

Jean Ellgass : Comment vivez-vous l’approche de la cinquantaine ?

Jean-Jacques Goldman : Tranquillement… (il rit) Pour l’instant, je ne crois pas avoir eu à renoncer à grand-chose, peut-être parce que je ne me suis jamais fait beaucoup d’illusions… Mais en y pensant… effectivement, le plus difficile est plutôt de prévoir ces petits renoncements… J’ai moins envie de séduire, oui. Mais la vraie préoccupation, c’est de ne plus éprouver de plaisir.

Jean Ellgass : Est-ce pour repousser l’échéance que vous travaillez autant ?

Jean-Jacques Goldman : Non, je ne travaille pas tant que cela. J’ai fait le compte : à ce jour, j’ai écrit en moyenne six chansons par an. On ne peut pas parler de cadence infernale (il sourit) ! En quatre ans, en gros, cela fait une trentaine de titres, y compris ceux pour Céline Dion, Patricia Kaas et mon album…

Jean Ellgass : Mais n’est-ce pas parfois un exercice schizophrénique ?

Jean-Jacques Goldman : (il réfléchit)… Je n’ai pas l’impression que c’est pathologique en tout cas. C’est ludique avant tout, pour le plaisir de se mettre dans la peau d’une femme trompée comme dans Je voudrais la connaître, que j’ai écrit pour Patricia Kaas.

Jean Ellgass : Mais comment Goldman se retrouve-t-il autour de son album ?

Jean-Jacques Goldman : Je n’ai jamais eu aucun doute à ce sujet. Je ne tiens aucun stock. Quand Johnny me demande des chansons, je lui fait “Je la croise tous les matins” en pensant absolument Johnny, sur le plan musical et les paroles. Ce n’est donc pas une chanson pour quelqu’un d’autre, que ce soit Florent Pagny, Patricia Kaas, Céline Dion ou Khaled. A aucun moment le titre ne pourrait être pour moi. De la même façon que des chansons comme “Le coureur”, “Sache que je”, “Bonne idée” ou “En passant” le sont.

Jean Ellgass : Quel est le dénominateur commun entre Johnny Hallyday, Khaled, Céline Dion, Patricia Kaas ou Florent Pagny ?

Jean-Jacques Goldman : Il y en a trois, comme autant de raisons qui vont justifier la démarche : des belles voix qui me touchent ; des personnalités compatibles, une espèce de candeur, de sincérité et, surtout, l’impression de pouvoir leur apporter quelque chose.

Jean Ellgass : Nous vivons une époque où le score d’un album légitime sa vérité, sa qualité. Si “En passant” n’égale pas “D’eux”, l’album phénomène que vous avez écrit pour Céline Dion, les commentaires ne manqueront pas…

Jean-Jacques Goldman : Dieu merci, depuis le début je suis conscient des impondérables de ce métier. Je n’ai jamais pensé que François Feldman avait plus de talent que Miles Davis parce qu’il vendait plus de disques ! Il y a des lois du marché qu’il faut absolument dissocier de la création. En France, on connaît une ¨ringardisation¨ des grandes voix depuis, disons, Mireille Mathieu. Conséquence, ces dernières, étant suspectes, ne passaient généralement pas la barrière des médias. Il est sur que le succès de Céline est aussi lié au fait qu’elle était seule quand le pays l’a découverte.

Jean Ellgass : La presse écrite ne vous a jamais raté, comme nous à l’occasion de votre premier concert à Lausanne (¨Une voix de castrat endimanché¨, 1984). Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la virulence des propos que vous avez pu inspirer ?

Jean-Jacques Goldman : Je ne dis pas cela d’une façon agressive mais je n’ai jamais considéré que les critiques, du moins en France, soient compétents. On m’a encensé, on m’a traîné dans la boue… (Soupirs) Je ne donne pas une importance démesurée à ce qui s’écrit à mon sujet.

Jean Ellgass : Qu’attendez-vous du critique ? A ce moment précis, vous vous pliez à l’interview, un exercice que vous n’aimez pas…

Jean-Jacques Goldman : Cela ne me dérange pas plus que ça, je sais que je fais de la promotion. Que vous vous appeliez Bob Dylan ou Paul McCartney, vous avez besoin des médias pour annoncer aux gens que vous avez travaillé. Alors ce que j’en attends… Déjà de ne pas avoir à me défendre. Or, très souvent, on se retrouve dans le box des accusés.

Jean Ellgass : La conséquence du succès ? Alors que vos chansons tournaient autour d’idées généreuses dans une décennie marquée par des mouvements comme SOS Racisme, cela ne passait pas…

Jean-Jacques Goldman : Oui, on me reprochait le côté boy-scout… Il y a un prêt-à-penser, un politiquement correct dans la critique de chansons qui est drôle. Quelqu’un me demandait hier de me définir. J’ai répondu que je me sentais plus proche d’Enrico Macias que de Morrissey, que je voyais des trucs bien chez le premier, loupés chez le second. (Sourire ironique) Mais cela semblait inconcevable de le dire…

Jean Ellgass : Il y a plus de dix ans, vous expliquiez votre immense succès par un phénomène d’identification des jeunes gens à vos albums, et que ce dernier diminuerait quand votre public prendrait de l’âge. L’avez-vous vérifié ?

Jean-Jacques Goldman : Bien sûr ! Me sont restés fidèles peut-être ceux qui avaient 16 ans hier. Maintenant, il y a visiblement d’autres façons pour les prépubères de faire leur apprentissage amoureux. C’est d’autant plus clair que la musique est devenue secondaire, et qu’on en a fait un marché. Je ne méprise pas les boys band mais c’est leur image qui est prépondérante, qui catalyse les premiers émois des filles de 8 à 12 ans. Ce qui a incontestablement été mon fait au début. Et je suis ravi de l’avoir vécu, c’est très précieux. Quand elles criaient, c’était pour de vrai, c’était un amour fou, absolu. On leur demandait de sauter par la fenêtre, elles le faisaient ! On n’a pas le droit de rire de cela. Mais il faut le savoir, c’est hormonal (il sourit) !

Jean Ellgass : Avez-vous dû réfréner des tentations de manipulation ?

Jean-Jacques Goldman : Et qu’aurais-je fait de ce pouvoir ? (sarcastique) Je n’ai jamais eu de tentations pédophiles non plus…

Jean Ellgass : Disons manipuler pour donner du sens à tout cela ?

Jean-Jacques Goldman : J’ai toujours refusé d’être l’étendard de quoi que ce soit. Non pas que je ne servais à rien mais je préférais parler d’une attitude, qui, elle, pouvait être utile.

Commentaire de la photo : Du photographe Claude Gassian, qui le suit depuis des années et dont les travaux sont à la une d’¨En passant¨, il dit : ¨je n’aime pas seulement sa façon de montrer les artistes mais de les voir. J’ai la haine des séances photos, il aime bien quand c’est un peu flou, quand c’est un peu caché ou tronqué, qu’il n’y ait pas beaucoup de lumière… comme moi.¨


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