Europe 1
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Europe 1
21 septembre 1997
Retranscription de David Galantin
Dominique Souchier : Il y a juste un mois, Jean-Jacques Goldman publiait son nouvel album, ce matin il parle. Pendant le mois de silence qu'il a observé son CD "En passant" s'est vendu tout seul à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires et Jean-Jacques Goldman se serait remis à d'autres compositions pour d'autres chanteurs. Bonjour Jean-Jacques Goldman, il y a un mois pratiquement jour pour jour Europe 1 consacrait toute une journée à toutes les chansons de votre nouvel album "En passant", mais pendant un mois on ne vous a pas entendu, ce matin vous parlez je vous en remercie. Pourquoi avoir attendu un mois ?
Jean-Jacques Goldman : Parce que je trouve qu'il y a un côté VRP quand un album sort qui ne me va pas, que je n'aime pas, par contre quand il est déjà sorti pendant un mois on peut avoir un côté explicatif s'il y a certaines questions qui se posent, ou pour essayer de savoir comment il s'est fait... Je peux concevoir qu'il y ait des questions auxquelles on peut répondre.
Dominique Souchier : Et vous pensez pour entendre un album un mois... il faut au moins un mois ?
Jean-Jacques Goldman : Je pense que pour un journaliste qui s'occupe de chansons il lui faut un bon mois avant de l'avoir écouté. Mais pour les gens ça va plus vite !
Dominique Souchier : Les deux premières semaines sans rien faire, sans rien dire, vous avez vendu plus de 650 000 exemplaires. Est-ce que vous êtes définitivement rassuré déjà ?
Jean-Jacques Goldman : Je vais vous dire, je suis définitivement pas inquiet, donc je ne l'étais pas avant et...
Dominique Souchier : Vous étiez certain que ça allait prendre ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non, j'étais certain qu'il y avait des gens qui me faisaient confiance, ça fait quinze ans que je fais des disques ou vingt ans que je fais des disques et je sais qu'il y a des gens qui finissent par me faire confiance et qui me suivent, et je savais que ce que j'avais mis dans cet album était honnête et que je n'avais pas à rougir, que je ne trompais personne. (...) Après, on ne contrôle pas.
Dominique Souchier : Pour dire ça il faut être excessivement sûr de soi ?
Jean-Jacques Goldman : [Ce] serait franchement très hypocrite de dire qu'après quinze ans de musique, "ah oui je sais pas si mon album va intéresser qui que ce soit" ! Je sais qu'il y a déjà un noyau de fidèles qui me suivent, je le sais.
Dominique Souchier : Il y a quelques années il vous est arrivé de dire qu'un jour inévitablement le public jeune ne serait pas votre public, que votre public ne serait pas forcément un public jeune, vous constatez que ce n'est toujours pas le cas ?
Jean-Jacques Goldman : Ça devient de plus en plus le cas, vous allez dans mes concerts maintenant par rapport aux concerts d'il y a quinze ans, ce sont les mêmes mais avec quinze ans de plus. Je suis allé... au concert de Paul McCartney où si vous voyez quelques images des concerts d'Elvis Presley qui ont été des idoles de jeunes vers la fin et ben ce sont les... bon maintenant c'est sûr les gamins sont derrière Worlds Appart ou derrière 3T enfin derrière ces gens-là, et c'est tout à fait naturel. Je ne vois pas pourquoi ça ne me toucherait pas moi autant que les autres.
Dominique Souchier : Dans une de vos chansons vous dites qu'on ne ment qu'avec les mots... qu'avec les gestes, qu'avec les attitudes on ne ment pas, est-ce qu'on peut mentir...?
Jean-Jacques Goldman : On a plus de mal.
Dominique Souchier : Pourquoi ?
Jean-Jacques Goldman : Parce qu'on on contrôle moins ses gestes peut-être.
Dominique Souchier : Est-ce qu'en chantant on peut mentir ?
Jean-Jacques Goldman : On peut mentir oui en chantant mais on est vite démasqué je crois. Maintenant les médias ont eu ça de positif.
Dominique Souchier : A quoi vous reconnaissez qu'une chanson ment ?
Jean-Jacques Goldman : On ne le reconnait pas de façon technique, on le ressent ! C'est-à-dire on ressent l'interprète... dans un discours... dans un discours fabriqué. On sent quand quelque chose est naturel et spontané ou si c'est quelque chose de fabriqué. Quand Michel Jonasz dit par exemple... "tu me manques" ou quelque chose comme ça, on va peut-être plus le croire dans sa façon de dire que les mêmes mots prononcés par...
Dominique Souchier : Par ?
Jean-Jacques Goldman : On va dire un mort, on va chercher... Non. Quand Michael Jackson dit "I love you".
Dominique Souchier : Georges Guétari ? Vous aimiez Georges Guétari ?
Jean-Jacques Goldman : C'était pas mon monde mais c'était un chanteur, c'était quelqu'un qui avait l'air... extrêmement enthousiaste et qui aimait ce qu'il faisait. Donc dans ce sens là il mérite absolument tous les respects.
Dominique Souchier : Quand on écoute vos chansons, on a vraiment l'impression qu'avec vous les mots et la musique sont nés en même temps. Mais forcément vous, vous devez bien dans la réalité commencer par quelque chose, commencer par les mots, par la musique ?
Jean-Jacques Goldman : Je fais les deux de façon parallèle c'est-à-dire j'écris des idées de textes d'un côté en lisant le journal, en discutant avec quelqu'un, enfin, au hasard de la vie quoi. J'écris des musiques et des mélodies et lorsque les mélodies sont prêtes et que (...) j'ai pris suffisamment de notes sur un thème donné, à partir de ce moment-là j'écris le texte de façon absolument asservi à la mélodie.
Dominique Souchier : Là j'ai choisi qu'on écoute ce matin peut-être une des chansons de l'album qu'on a pas encore beaucoup entendu : "Juste quelques hommes". Là vous n'avez pas commencé par les mots ?
Jean-Jacques Goldman : Je commence jamais par les mots.
Dominique Souchier : Même là ?
Jean-Jacques Goldman : Même là oui.
Dominique Souchier : Parce que là la version des mots est j'allais dire vitale dans la chanson !
Jean-Jacques Goldman : Absolument. Mais ça ce sont... Bon, peut-être, cette idée-là, je l'ai eue, elle était donc marquée mais après il fallait que je la case et c'est la mélodie qui allait définir de quelle façon ce texte-là allait apparaître.
Dominique Souchier : Cette idée-là... c'est-à-dire qu'au fond, là où il y a juste quelques hommes ce sont forcément des hommes justes, si j'ai bien compris, c'est un peu ça la chanson ?
Jean-Jacques Goldman : Non il y a... partout il y a juste quelques hommes, il existe aussi quelques hommes justes.
Dominique Souchier : C'est pas forcément les mêmes ?
Jean-Jacques Goldman : Non pas forcément.
Dominique Souchier : Je veux dire c'est pas forcément là où l'accès est difficile que se trouve la justice.
Jean-Jacques Goldman : Non, là c'est vraiment lié au dernier paragraphe, les premières strophes parlent des extrêmes physiques qui sont le grand nord, qui sont l'espace, qui sont le coeur des volcans, qui sont les grandes profondeurs ou les plus hauts sommets, on trouve (...) plus d'animal, on trouve plus de végétal et on trouve quelques hommes qui traînent là toujours.
Dominique Souchier : Juste quelques hommes.
Jean-Jacques Goldman : Juste quelques hommes. Et ensuite au fond de... aux extrêmes de l'horreur qui sont malheureusement l'exclusivité des hommes puisque les animaux vont pas jusqu'à ces souffrances ou ces cruautés, on trouve encore quelques hommes mais on trouve aussi quelques hommes justes.
[passage de la chanson]
Dominique Souchier : Jean-Jacques Goldman quand vous écrivez pas pour vous comme là mais pour les autres, Patricia Kaas, Hallyday, Khaled ou Céline Dion, est-ce que vous savez pour qui vous écrivez la chanson ou vous le savez seulement après ?
Jean-Jacques Goldman : Je le sais d'abord, je n'ai pas la chanson avant.
Dominique Souchier : Jamais ?
Jean-Jacques Goldman : Non jamais. Ou enfin presque jamais, il y a eu une chanson sur l'album de Céline que j'avais écrit pour un... que j'avais de côté, mais sinon ce sont toujours des chansons que je fais sur commande. Enfin c'est-à-dire destinée à cette personne-là et pas à une autre.
Dominique Souchier : Les chansons que vous gardez pour vous, qu'est-ce qu'elles ont de particulier ?
Jean-Jacques Goldman : Elles viennent d'une façon plus naturelle, de façon... je ne les force pas, elles viennent ou elles ne viennent pas, j'attends qu'elles soient là pour décider de les chanter.
Dominique Souchier : Alors que les autres vous vous forcez ?
Jean-Jacques Goldman : J'ai des... j'ai des dates, j'ai des impératifs, je dépends d'eux aussi, de leurs désirs. Donc il faut qu'elles viennent.
Dominique Souchier : J'imagine quelque chose qui est peut-être complètement idiot vous allez me le dire, "juste quelques hommes quelques hommes justes", j'ai écouté et je me disais Johnny Hallyday pourrait peut-être le chanter ça ?
Jean-Jacques Goldman : Ben Johnny, il peut à peu près tout chanter parce que c'est un grand interprète, je sais pas s'il serait très convaincant et très crédible sur ce texte.
Dominique Souchier : Ouais, sur les paroles ?
Jean-Jacques Goldman : Oui.
Dominique Souchier : Qu'est-ce qui diffère entre une chanson qui est composée pour Patricia Kaas et une chanson qui est composée pour Céline Dion ?
Jean-Jacques Goldman : Ah, le son de la voix, donc c'est pas tout à fait le même registre, et la personalité essentiellement. Effectivement, sur la musique il peut y avoir des analogies mais le caractère de Patricia et le caractère de Céline sont... j'écrirais pas les mêmes thèmes pour l'une et l'autre.
Dominique Souchier : L'album, vous allez le chanter sur scène ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, oui pas toutes les chansons.
Dominique Souchier : Quand ?
Jean-Jacques Goldman : Vers le mois de mars.
Dominique Souchier : Vous disiez que vous n'étiez pas inquiet il y a un mois au moment de la sortie de l'album, est-ce que vous avez été surpris que ce soit certaines chansons qu'on entende plus que d'autres ? Est-ce que là au moins il y a une part de surprise, ou même ça vous le saviez à l'avance ?
Jean-Jacques Goldman : Oui il y a une part de surprise. Oui il y a une part de surprise.
Dominique Souchier : Elle est où à un mois la surprise ?
Jean-Jacques Goldman : La surprise c'est "On ira" qui est la dernière chanson que j'ai composée assez rapidement et qui est une chanson qui revient très régulièrement dans les commentaires des gens que je peux avoir.
Dominique Souchier : Là, vous voyez, vous surveillez quand même comment l'album... ?
Jean-Jacques Goldman : Mais on me parle... Vous savez, faire des chansons c'est... on a tous fait des chansons parce qu'on avait du mal à s'exprimer. Sinon on aurait joué au flipper et puis on aurait dragué les filles comme ça tranquillement. Nous, on savait pas le faire alors on a écrit des chansons. C'est comme si on engageait une conversation. Donc on est vraiment très heureux d'avoir des réponses.
Dominique Souchier : On a essayé de l'engager la conversation là ce matin non ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, oui. On a même réussi, d'une certaine manière.
Dominique Souchier : Merci Jean-Jacques Goldman.
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