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Le soir illustré, 24 septembre 1998
Joëlle Lehrer
Aujourd'hui tout le monde veut des chansons de Goldman ! Si son nouvel album s'intitule "En passant", c'est pour mieux ne pas passer a côté. Les chansons de Jean-Jacques sont bien chez nous. Juste à leur place. C'est une intime évidence... Rencontre avec l'artiste le plus aimé de France et de Belgique.
Retrouvailles avec quelqu'un que l'on reconnaît à chaque fois. Un style perso. Une façon de demander vraiment "Comment ça va ?" D'avoir toujours de bonnes réponses. De sourire parfois rien qu'avec les yeux. Et d'aimer rire. Jean-Jacques Goldman. Un type qui vous fait du bien avec des chansons. Et qui ne se prend jamais pour le plus malin. Un artiste qui a mis du baume a la carrière de Céline Dion, Patricia Kaas, Florent Pagny, Marc Lavoine et Khaled. Des interprètes qu'il trouve humainement bien.
Jean-Jacques Goldman est, a nouveau, sur la route. Vers le printemps prochain, il repassera chez nous.
LE DESIR DES CHANSONS
Joëlle Lehrer : Depuis notre derniere rencontre, il y a trois ans, vous êtes devenu l'auteur le plus convoité de France. Comment l'expliquez-vous ?
Jean-Jacques Goldman : C'est parce que les autres sont morts. (rires)
Joëlle Lehrer : Mais tout le monde veut des chansons de Goldman !
Jean-Jacques Goldman : Pas tout le monde. Mais c'est vrai que je suis obligé de refuser souvent parce que je n'ai pas le temps.
Joëlle Lehrer : Cet album solo est le premier de la décennie. Comment l'expliquez-vous ?
Jean-Jacques Goldman : Après une vingtaine de chansons en duo et en trio, ce sont des chansons un peu plus personnelles qui me sont venues. Et je me suis plié au désir des chansons. Ce sont elles qui ont imposé cette formule à une seule voix.
Joëlle Lehrer : Envisagez-vous de faire une tournée de cet album ? Et si oui, de quelle façon peut se présenter le spectacle ?
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas encore de quoi cela aura l'air. Je n'imagine pas être sur scène sans Michael Jones. Cette tournée devrait démarrer en avril-mai 98. Mais je préviens tout de suite les gens : on fera moins bien que le spectacle de "Rouge" ! Il y avait, là, beaucoup de bonnes idées.
Joëlle Lehrer : Avez-vous conscience de l'intimité qui se crée entre vos chansons et les gens ?
Jean-Jacques Goldman : Je sens ça depuis longtemps au travers de leurs lettres où quand je les croise dans la rue, le train. Je reçois des manifestations extrêmement touchantes et profondes. Je crois que je suis fondamentalement un mec normal. Je ressens des choses normales. Quand j'écoute un truc à la radio, ça me plait, et, souvent, ça plait à tout le monde. Ce n'est pas spécialement la sixième chanson de Human Nature, pour citer un graoupe au hasard. C'est Alain Souchon. La chanson qui marche. Et puis, il m'arrive des événements qui arrivent aux autres.
Joëlle Lehrer : Heureusement qu'il vous arrive des choses qui arrivent à beaucoup de gens ! (rires)
DES RAISONS DE NE PAS DIRE "JE T'AIME"
Joëlle Lehrer : Préférez-vous écrire une chanson comme "Sache que je" plutôt que de dire "Je t'aime" à la femme de votre vie ?
Jean-Jacques Goldman : "Sache que je" lui explique pourquoi je ne lui dis pas "Je t'aime" et que cela n'empêche pas... C'est une réponse au fait que je n'ai dit "Je t'aime" dans aucune de mes chansons. Beaucoup de gens me demandent pourquoi je ne fais pas ou peu de chansons d'amour. Il est souvent question de fin d'amour, d'amour fini (rires) mais cela veut dire qu'il y en a eu. J'ai un peu de mal à écrire "You are the sunshine of my life".
Joëlle Lehrer : Vous n'êtes pas un expansif ?
Jean-Jacques Goldman : Je trouve que ces mots sont tellement dévoyés. Michael Jackson qui dit [il prend la voix de M.J.] : "I love you!" ou Carl Lewis qui dit la même chose. Moi, je ne peux pas le dire. Je ne pense pas la même chose qu'eux. C'est comme s'ils s'étaient accaparés ces mots et les avaient vidés de leur sens.
Joëlle Lehrer : Dans cette chanson, vous semblez un peu méfiant, un peu parano en amour.
Jean-Jacques Goldman : J'admets. Je ne suis pas un peu méfiant, je suis très méfiant.
Joëlle Lehrer : Est-ce pour cette raison que vous dites dans une autre chanson qu'il vaut mieux de beaucoup se fier aux apparences ?
Jean-Jacques Goldman : Avec le recul du temps, je constate que les apparences sont un langage. Que dans la façon de s'habiller, de se coiffer, de marcher, de battre des yeux, rien n'est innocent. C'est un langage de l'inconscience extrêmement lisible et vrai. En général, la première impression que l'on a de quelqu'un est très exacte.
DES RÊVES AUX BONNES MESURES
Joëlle Lehrer : Y avait-il, pour vous, une symbolique dans votre collaboration avec Khaled ?
Jean-Jacques Goldman : Je trouve que cela montre à quel point les communautés juive et musulmane en France sont larges d'esprit, apaisées. Que tout les deux nous collaborions n'est pas un événement en soi. L'événement c'est qu'autant de Juifs que d'Arabes ont acheté ce disque et l'ont aimé. Ça c'est joli.
Joëlle Lehrer : Si vous avez appelé cet album "En passant", est-ce parce que vous vous considérez comme un simple passant sur Terre ?
Jean-Jacques Goldman : Il y a de ça. Un flâneur, un gars qui est très content d'être là, qui regarde ce qui se passe...
Joëlle Lehrer : Avez-vous réussi à être un homme juste ?
Jean-Jacques Goldman : Ah, je n'ai pas cette prétention mais j'essaie d'être un homme bien. J'avais une image très haute de mon père qui, lui, avait eu plus d'une occasion historique de prouver qu'il l'était. Nous, on ne saura jamais. On peut faire semblant.
Joëlle Lehrer : Alors, votre père est votre modèle ?
Jean-Jacques Goldman : Je suis tombé sur celui-là et il était parfait ! (rires)
Joëlle Lehrer : Estimez-vous avoir réalisé vos grands rêves ?
Jean-Jacques Goldman : Je n'ai jamais beaucoup rêvé. Ou alors d'être en bonne santé et qu'on me foute la paix. Je ne demande pas plus.
Joëlle Lehrer : C'est dingue. Les gens vous admirent. Ils se disent : Quelle reussite ! Un parcours sans faute. Et vous, vous voulez juste qu'on vous foute la paix !
Jean-Jacques Goldman : C'est vrai que j'ai cette relation extrêmement chanceuse et tendre avec les gens. C'est une réalité qui justifie une vie. Ça vous rend invulnérable. Mais tout le reste c'est de la glose.
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