Jean-Jacques Goldman : La boucle est bouclée
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Jean-Jacques Goldman : La boucle est bouclée
Het Nieuwsblad (Belgique) 10 décembre 1997
Hans-Maarten Post Traduction du néerlandais de Gauthier Michaux et Jolanda Wending
Jean-Jacques Goldman. Il est depuis longtemps une star, surtout dans le monde francophone. Récemment, le reste du globe a aussi fait connaissance avec le Français, âgé de 46 ans, par les chansons qu'il a écrites pour la méga-star Céline Dion. La combinaison des deux activités, chanter lui-même et écrire pour les autres, plaît à cet artiste resté extrêmement discret : "Vous voyez, je suis seulement un des interprètes des chansons que j'écris. Et parfois, j'aime ces chansons pour moi-même". Patricia Kaas, Johnny Hallyday, Khaled, Céline Dion ferment la marche des interprètes des chansons de Goldman. Certaines ont récemment été interprétées par un Flamand : Bart Herman. Et donc, on peut les mettre sur une seule page : Goldman et Herman.
Hans-Maarten Post : Votre nouveau CD "En passant" commence avec la phrase "Il y a des ombres dans je t'aime". Cela peut presque être seulement une chanson de quelqu'un qui a déjà vécu et déjà écrit des chansons. Quelqu'un qui compose sa première chanson n'écrit pas : "Il y a des ombres dans je t'aime".
Jean-Jacques Goldman : Oui, un jeune groupe britannique qui en est à son premier CD écrira "I hate you" ou "I just wanna make love to you". (rires) Je comprends ce que tu veux dire. Quelque part c'est juste. Les thèmes sur lesquels j'écris ne sont pas les mêmes à 45 ans qu'à 25. Surtout dans mon cas : chacun de mes CD est une photo des trois années qui ont précédé. Si 10 thèmes se trouvent dans un de mes CD, ce sont aussi les 10 thèmes qui ont dominés ma vie durant cette période.
"Sache que je", la chanson d'où tu tires cela, est aussi surtout une réponse aux critiques qui disent que je n'écris pas assez de chansons d'amour. Si il y a déjà quelque chose de surprenant dans ce que j'écris, c'est qu'il n'y a pas de chansons d'amour dans mes CD. On m'a déjà souvent demandé pourquoi il y a si peu de "Je t'aime" dans ma vie. Cette chanson est un peu une réponse. Une tentative d'expliquer pourquoi je reste distant de "Je t'aime".
Hans-Maarten Post : Vous rappelez vous encore pourquoi vous avez commencé à écrire des chansons ?
Jean-Jacques Goldman : J'en ai déjà parlé avec certains collègues et nous arrivons à la même conclusion : si nous avons commencé un moment donné à écrire des chansons, c'était parce c'était notre manière pour communiquer. Nous sommes des hommes qui d'une certaine manière avions des difficultés à communiquer. Si nous avions été comme des garçons normaux de 15 ans, nous aurions joué au flipper ou dragué les filles dans les cafés. Parce que nous ne savions pas bien jouer au flipper et surtout parce que nous n'avions pas le don pour fréquenter les filles, nous avons passé beaucoup de temps avec notre guitare. Donc l'explication la plus souvent donnée au succès, c'est peut-être encore bien le fait que nous ne communiquions pas avec les gens.
Céline Dion
Hans-Maarten Post : A travers le succès mondial de Céline Dion, beaucoup de gens ont pu lire le petit mot sur son CD et ont pu voir qu'un certain Jean- Jacques Goldman écrivait des chansons. Cela vous a-t-il amené des offres surprenantes ?
Jean-Jacques Goldman : Il y a surtout de gens qui pensent que j'ai la clé. La clé pour les succès. Et que je peux leur procurer des hits. Evidemment la chanson est aussi importante mais on oublie souvent l'intérêt pour le chanteur. Car c'est "il" ou "elle" qui peut finalement interpréter cette chanson. L'offre la plus bizarre vint de Michael Jackson qui voulait absolument me rencontrer alors qu'il était en France. Je ne me faisais pas d'illusions. Cela n'a pas été parce qu'il n'était pas sous l'influence de mon œuvre, mais plutôt à cause de mon succès. Comme tu me le demandes, sache qu'il ne savait pas encore comment il devait prononcer mon nom. (rires)
Hans-Maarten Post : Il y a t-il encore quelqu'un pour qui vous voudriez absolument écrire une chanson ? Pour qui vous assoiriez vous immédiatement à la table si il ou elle téléphonait ?
Jean-Jacques Goldman : La seule personne pour laquelle je voulais vraiment travailler et à qui je l'ai aussi demandé, c'était Céline Dion. A cause de sa voix. Je l'entendais chanter comme tout le monde à la radio et j'étais sous l'influence de ses capacités vocales. Cela semble maintenant évident pour tous mais je me demandais bien comment j'allais alors lui dire que je voulais obligatoirement travailler avec elle, il y en eu beaucoup qui m'ont dit : "Pourquoi ? Que recherches-tu là ?"
Mort
Hans-Maarten Post : N'as tu jamais peur que toutes les chansons aient été écrites?
Jean-Jacques Goldman : Je n'ai pas peur de cela, j'en suis sûr. (rires) Il n'y a pas une seule chanson que j'écris qui ne renvoie à une autre de mes mélodies. Il n'y a aucun thème que je ne développe qui n'apparaît déjà pas dans une autre de mes chansons, bien que cela puisse être de façon superficielle. Cela vaut pour tout le monde. Après quatre albums, chaque artiste a déjà fait le tour. Et j'en suis au huitième, tu peux comprendre. (rires)
Hans-Maarten Post : Et cela ne vous frustre pas ?
Jean-Jacques Goldman : Absolument pas. C'est une mort annoncée. Cela arrive à tous. Les Beach Boys, les Rolling Stones... Ce qui reste finalement, c'est le plaisir que nous conservons pour continuer à le faire. Et la satisfaction que les gens continueront à apprécier notre travail.
Tout dernièrement, j'étais à un concert de U2 à Paris. Et je voyais 50 000 personnes danser. 50 000 personnes de mondes totalement différents qui ont chacune leur propre vie, qui parlent des tas de langues différentes. Cette communication qui naît alors, qui est dans l'air. J'en éprouve à chaque fois du plaisir.
Hans-Maarten Post : Avez vous encore un rêve ?
Jean-Jacques Goldman : Oh, je n'ai jamais été un rêveur. Si j'arrête d'écrire des chansons, si c'est ainsi, il y a encore tant d'autres choses à faire. Il y a tant de livres à lire, tant de films à voir. Je ne me tracasse pas. J'aime par exemple observer les gens. Pour voir comment ils sont en même temps les mêmes et différents. Il y a quelques cafés à Paris, près de la sortie de stations de métro, où j'aime m'asseoir. Si je suis là avec quelqu'un, j'ai toujours des difficultés à me concentrer sur la conversation. Si j'arrête jamais d'écrire des chansons, laissez-moi alors seulement m'asseoir là dans ce café. Regarder.
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