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Le gouvernement des chanteurs
(Le Monde, 21 février 1998)

Le gouvernement des chanteurs
Le Monde, 21 février 1998
Véronique Mortaigne
Retranscription de Monique Hudlot

Les Victoires de la musique ont pour habitude de voler au secours du succès. Pascal Obispo, qui vient de vendre un million d'exemplaires de son album "Superflu", fut oublié l'an dernier. Il ne le sera pas cette année. Tout comme la soirée des Enfoirés, orchestrée avec un professionalisme à l'américaine au bénéfice des Restos du coeur, et que 9,8 millions de téléspectateurs ont suivi, les Victoires, dont la treizième édition est retransmise vendredi 20 février sur France 2 depuis l'Olympia, honorent les chanteurs français déjà "au pouvoir" : Jean-Jacques Goldman en président en exercice, Obispo en ministre de la jeunesse et des sports, Johnny Hallyday, après son lifting intello, en ministre plénipotentiaire, Patricia Kaas, élue du peuple, au perchoir, auxquels s'ajoutent quelques sous-secrétaires d'Etat nouveaux venus, telle Lara Fabian. En voyage au début du mois, Florent Pagny (aux affaires étrangères) sera cette fois de la partie.

Le discours officiel de la chanson française en 1997 aura été celui de la bluette, un genre honorable qui donna en son temps "Capri, c'est fini", Herbert Léonard et "L'Aziza". A travers ses tubes, la France se sera montrée lovée sous l'édredon, un tantinet passéiste, préférant une libido bien cadrée à l'analyse de ses forces et de ses maux. C'est en tout cas ce que laisse supposer le spectacle offert par le quarteron en or Goldman, Pagny, Hallyday, Obispo mis en avant par une industrie qui marie ce qui marche avec ce qui marche, et d'où les producteurs indépendants ont été balayés les uns après les autres. Sous le coup des concentrations, les données du jeu des variétés ont changé. Cette bluette organisée est une atteinte à la liberté de créer.

Goldman 28 200 fois

Barbara est morte cet hiver. Les Victoires (il faut dire les Victoires et non les votants), tant le scrutin visant à élire les artistes de l'année fut distordu par le passé, l'avaient approchée en lui décernant le titre de meilleure interprète féminine en 1997. Elle ne parut point. L'exercice était assez ridicule, et la récompense, après cinquante ans de carrière, vaine. Il y eut aussi, en 1996, la dramatique Stephen, chanteuse inconnue et protégée, qui fit chuter les Victoires ancienne formule qu'organisait la société Télescope Audiovisuel. Les "nouvelles" Victoires ont moralisé le vote, elles voudraient être cette fête de la chanson qu'elles n'ont jamais réussi à être. Pour cela, on a fait appel aux talents de casting artistique d'Anne Marcassus, celle qui, justement organise depuis six ans la soirée des Enfoirés, aux côtés de Jean-Jacques Goldman, de son frère et manager Robert, et de Véronique Colucci. Anne Marcassus fut jusqu'en 1985 directrice des variété de TF1, elle est aujourd'hui un passage obligé du retour des stars sur les chaînes du service public.

Comment exister quand on n'est pas aux affaires ? A la radio, les FM "jeunes" géantes privilégient les titres et les artistes formatés à leurs couleurs. Ainsi, le Bilan Radio-Ipsos indique que Jean-Jacques Goldman fut diffusé 28 200 fois en 1997 sur les trente stations sondées, qui font 95 % de l'audience. La télévision est verrouillée. N'y rentrent que les nouveautés préfabriquées (Lara Fabian, belle voix), le gouvernement en place ci-dessus cité, ou les attractions pro domo. Les chaînes de télévision produisent aujourd'hui elles-mêmes disques et spectacles destinés à nourrir leurs programmes. TF1 s'installe dans cette filière monopolistique par le biais de "Une Musique", réceptacle à tubes d'été et à compilations qui a vendu 7,2 millions de disques en 1997, ou encore de Glem Spectacles, dont le PDG, Gérard Louvin, est le directeur délégué chargé du divertissement, des variétés et des jeux de la chaîne. Ces arrangements financiers ont donné des idées au service public, à France Télévision. Il faut s'en inquiéter.

Le ministère de la culture et de la communication fait profil bas. Une fronde, sage, certes, mais impatiente, de la frange la plus polissonne des para-institutionnels (IRMA, Studio des variétés, Hall de la chanson, FCM...) fit des remous par le biais d'une tribune libre publiée par Libération en juillet 1997. S'ouvraient alors les Francofolies de la Rochelle, dont le patron est Jean-Louis Foulquier, animateur sur France-Inter, sorte de M. Chanson passe-muraille à qui le précédent ministère de la culture avait confié la gestion de Semaines de la chanson qui ne servirent jamais à rien, sinon à distribuer des labels onéreux à des spectacles déjà existants. A l'automne, la divulgation dans la presse de l'audit concernant les dysfonctionnements de l'Adami, organisme de gestion des droits des interprètes intimement lié au syndicat SFA-CGT, et longtemps couvert par les services ministériels, n'arrangea rien.

L'offensive prolongée des industriels du disque, qui reprochent au gouvernement son inaction en matière de prix plancher du disque et de baisse de la TVA, se doubla du talonnement incessant de Catherine Trautmann par Jack Lang. De fil en aiguille, la ministre en poste a été convoquée en novembre 1997 devant un groupe de professionnels de la culture réuni par la commission "culture" du PS, que préside Frédérique Bredin et qu'anime Jacques Renard, ancien directeur de cabinet de Jack Lang. Mme Trautmann ne réussit pas l'examen de passage. Elle fut sommée de réfléchir et de se pencher sur le délicat dossier des musiques populaires. Pour faire patienter, le ministère de la culture a donc réuni début janvier cinquante-sept professionnels de l'industrie du spectacle au sein d'une Commission nationale des musiques actuelles. Présidée par Alex Dutilh, directeur du Studio des variétés, elle fait suite aux réflexions sur la "filière industrielle" de la musique lancée par Jacques Toubon en son temps, et qui ne déboucha sur rien.

Pendant ce temps, le secteur alternatif, qui fait la vitalité de la musique anglo-saxonne, continue de ne point exister en France. Pris en sandwich entre le gouvernement des chanteurs-vedettes et l'Etat- providence, rares sont ceux qui parviennent à dessiner une nouvelle vague, une chanson d'auteur, une insolence, une drôlerie qui font aussi le plaisir de la musique de variétés, sa raison d'être autre chose que de la soupe facile à vendre à un consommateur sous influence.


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