RFM, 17 juin 1998
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RFM, 17 juin 1998
Yann Arribard
Retranscription de Céline Vallet
Yann Arribard : Bonsoir Jean-Jacques Goldman.
Jean-Jacques Goldman : Bonsoir.
Yann Arribard : Ça va bien ?
Jean-Jacques Goldman : Ça va bien, je vous remercie.
Yann Arribard : En tout cas, merci de me recevoir dans votre loge. En matière de loge justement, est-ce que vous avez besoin d'un cocon comme certains autres artistes ou est-ce que vous vous en foutez complètement ?
Jean-Jacques Goldman : Je m'en fous complètement ! J'ai juste besoin d'être tranquille, en fait.
Yann Arribard : Est-ce que vous avez des exigences ou bien des manies ?
Jean-Jacques Goldman : Non.
Yann Arribard : Là par exemple, est-ce que vous pourriez nous décrire ce que vous avez sur la table ?
Jean-Jacques Goldman : En fait, c'est surtout pour les journalistes qui viennent. Très souvent, ils ont attendu avant, donc il y a quelques gobelets en plastique avec du Coca ou de l'eau. Moi, mes exigences, on les a dans notre catering, voilà.
Yann Arribard : Expliquez-nous ce qu'est le catering ?
Jean-Jacques Goldman : C'est la cantine on va dire, puisque l'on est soixante personnes sur une tournée. Parmi ces soixante personnes, il y a trois personnes qui s'occupent de la restauration de tout le monde puisque chacun a des horaires un peu différent.
Yann Arribard : En fait, vous savez bien recevoir...
Jean-Jacques Goldman : On ne peut pas dire que ce soit très brillant comme réception mais enfin... il y a le strict minimum !
Yann Arribard : Et vous êtes en tournée pendant combien de temps ?
Jean-Jacques Goldman : Longtemps. C'est-à-dire au moins jusqu'à décembre de cette année et probablement... si on a envie on continuera après par des voyages.
Yann Arribard : Le « on » troisième personne, c'est qui ?
Jean-Jacques Goldman : Non, le « on » c'est tous, c'est les musiciens et moi.
Yann Arribard : Et vous aimez cette vie de tournée ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, oui j'aime beaucoup ça.
Yann Arribard : Jean-Jacques Goldman, vous m'aviez dit lors de la sortie de votre dernier album, que vous y trouviez en tournée des plaisirs adolescents.
Jean-Jacques Goldman : Y'a ça et puis en plus c'est une vie qui est très facile où tout est fait. En général, on n'a que ça à faire, le spectacle est conçu donc on a juste à être dans l'action et pas du tout dans la réflexion ni dans la conception.
Yann Arribard : Ça veut dire que vous êtes en dehors de votre vie d'homme ?
Jean-Jacques Goldman : Il y a ça aussi, sur le côté de la vie privée. Mais surtout sur le plan des préoccupations, on est tranquille, on a juste à se laisser vivre. On est dans des hôtels, on n'a pas de soucis...
Yann Arribard : Comment ça se passe une journée type en tournée ?
Jean-Jacques Goldman : On se lève tard parce qu'on s'est couché tard. Donc on se lève vers midi, une heure. En général, on prend la route vers 2 heures. On arrive dans l'hôtel de la ville suivante en fonction de la longueur du déplacement. Ensuite, on va à la salle où on fait une balance vers 17 h 30 à peu près. Ensuite, en général, les musiciens mangent un peu et puis vers 19 heures, moi j'attaque... Lors de la balance, on essaie de régler les problèmes qui se sont posés la fois d'avant, on règle le son pour Andy Scott. Après vers 19 heures, je reçois en général la presse locale ou les radios locales et vers 20 heures on se prépare et vers 20 h 45, on est sur scène.
Yann Arribard : Est-ce que vous pourriez nous dire, pour nous qui ne sommes jamais montés sur scène, précisément quel effet ça fait de monter sur scène ?
Jean-Jacques Goldman : C'est comme une impatience puisqu'en plus on a une première partie qui est assez excitante pour les gens donc les gens s'expriment beaucoup. Nous, on est dans les loges et on les entend déjà qui sont très « chauds ». C'est pas une peur, c'est une tension. On n'a pas peur parce qu'on a envie de les voir, parce qu'on est prêt, parce qu'on a beaucoup répété, beaucoup travaillé. Quand on arrive et qu'on monte sur scène et qu'on entend cette broncade de bienvenue, c'est une chose à laquelle on ne s'habitue pas, quoi ! C'est chaque soir, à chaque fois aussi impressionnant.
Yann Arribard : La scène, au début de votre carrière, ce n'était pas trop votre truc ?
Jean-Jacques Goldman : Non, non c'est même quelque chose que je n'aimais pas et que j'ai fait un peu par loyauté vis à vis des gens. Mais si j'avais pu m'en passer à cette époque-là, je l'aurais fait.
Yann Arribard : Et maintenant, est-ce que c'est quelque chose que vous appréciez plus, est-ce que vous prenez le temps, par exemple, de savourer les applaudissements ?
Jean-Jacques Goldman : Plus que les applaudissements, c'est vraiment la connivence avec ces gens-là. En plus, maintenant cela fait presque quinze ans que je tourne donc il y a une espèce d'histoire entre eux et moi. Je peux faire des références aux concerts passés, c'est des gens fidèles, c'est comme des retrouvailles. C'est donc beaucoup moins stressant.
Yann Arribard : Et le trac, est-ce que vous avez réussi à complètement l'évacuer ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, ce qui existe c'est donc de la tension, de l'appréhension. Mais moi, j'évacue le trac par le travail. Quand on est sûr qu'on est prêt. Et en plus ce sont des concerts faciles dans le sens où tous les gens qui sont là nous veulent du bien, à priori. C'est pas comme avant, il y a quelques trente ou quarante ans où on allait sur scène et on était jugé sur scène. Maintenant, on n'est plus jugé, les gens qui viennent sont convaincus, il suffit juste de ne pas les décevoir.
Yann Arribard : Vous disiez à l'époque de Michael Jones qu'il était « inhumain » parce qu'un quart d'heure avant le spectacle, il était comme d'habitude...
Jean-Jacques Goldman : Je disais ça ironiquement. Mais ce que je voulais dire c'est qu'il était trempé dans de l'acier, d'une autre trempe que nous parce que c'est vrai que pour lui, monter sur scène, est quelque chose d'extrêmement... pas plus émouvant que ça. Mais je suppose qu'il est ému puisqu'il suffit de l'écouter jouer de la guitare, il a beaucoup de sensibilité. Mais ça ne lui fait pas peur, il est dans son bain, il est très à l'aise sur scène.
Yann Arribard : Est-ce que vous pouvez vous imaginez comme un Charles Aznavour à plus de 70 ans ou mieux comme un Charles Trenet à plus de 80, toujours en forme, toujours vaillant sur scène ?
Jean-Jacques Goldman : Je le souhaite franchement. Quand on voit Charles Aznavour sur scène c'est un vrai travail d'artiste. Il y a une vraie légitimité à sa présence, il y a un vrai plaisir qui est pris par les gens. Donc tant que ce plaisir-là est là et qu'il est partagé, je ne pense pas qu'il y ait des questions d'âge.
Yann Arribard : Est-ce qu'il n'y a pas un petit danger à se faire applaudir tous les soirs par plusieurs centaines de personnes au moins ?
Jean-Jacques Goldman : Il y en a probablement pour d'autres mais en ce qui me concerne, non.
Yann Arribard : Et c'est dû à quoi ça ?
Jean-Jacques Goldman : Je ne sais pas. Probablement la façon dont on a été élevé., un tout petit peu de lucidité. De penser qu'au même moment il y a d'autres gens qui sont adulés sur lesquels on crie et puis qui auront disparu dans deux ans parce que maintenant j'ai un peu de recul et j'en ai vu des gens comme ça. Donc, il suffit de le savoir et puis on retourne à sa place !
Yann Arribard : Et vous n'avez jamais eu la grosse tête ?
Jean-Jacques Goldman : Non, franchement non. La grosse tête, c'est-à-dire une tête plus grosse que la réalité ?
Yann Arribard : Ouais.
Jean-Jacques Goldman : Non, mais j'ai jamais été spécialement modeste non plus, je suis assez conscient de ce que je suis capable de faire.
Yann Arribard : Ça veut dire que vous êtes conscient de votre valeur c'est ça ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, je crois oui.
Yann Arribard : Je voudrais savoir si on est dans un état second quand on sort de scène ?
Jean-Jacques Goldman : En ce qui me concerne, oui. J'ai vraiment absolument besoin d'être tranquille, je ne reste pas dans les loges à recevoir les gens ou les félicitations ou signer des autographes. J'ai absolument besoin de m'isoler mais je ne sais pas si... je crois que c'est plus pour moi, pour garder un petit peu intact pendant encore une heure ou une heure et demie les émotions que j'ai pu ressentir.
Yann Arribard : Est-ce que vous sacrifiez à la fameuse tradition du souper avec les musiciens ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, c'est pas une tradition, c'est une nécessité... On n'avait pas terminé l'emploi du temps. Donc après le concert effectivement, je reste une heure, une heure et demie dans ma chambre ne serait-ce qu'à se doucher et être encore dans le concert. Et après on a un absolu besoin de se retrouver ne serait-ce aussi que pour aller manger tranquillement.
Yann Arribard : Et vous avez du temps à consacrer à vos fans qui vous attendent à la sortie des concerts ?
Jean-Jacques Goldman : Ben, non puisque je descends de scène et je rentre dans la voiture donc je suis déjà sur la route quand ils sont encore dans la salle. Donc je ne les vois pas.
Yann Arribard : A la sortie de certains de vos concerts, il y a des admirateurs qui vous glissent des petits mots...
Jean-Jacques Goldman : A la sortie des radios par exemple ?
Yann Arribard : Oui à la sortie des radios. On peut savoir quelle est la teneur de ces petits mots ?
Jean-Jacques Goldman : En général , les gens qui sont là, à la sortie des radios, c'est des gens qui sont disons très au courant. Ils n'aiment pas qu'on les qualifie de fans, mais ce sont des gens qui suivent, qui savent que tel jour, à telle heure on va passer à la radio. Ce sont des gens que l'on finit par connaître de vue déjà. Donc ce sont en général des questions qu'ils posent ou alors aussi des critiques ou des louanges... des sentiments personnels soit sur une tournée, soit sur un album, soit sur une prestation à la télé et puis aussi des remarques qu'ils peuvent faire ou des questions qu'ils posent.
Yann Arribard : Et c'est souvent pertinent ?
Jean-Jacques Goldman : Oui. Enfin, c'est toujours intéressant d'avoir l'avis des autres.
Yann Arribard : Quelle est la tonalité de votre spectacle dans cette tournée ?
Jean-Jacques Goldman : C'est un spectacle qui est acoustique pendant plus d'une heure et nous sommes assis. Donc ça dure plus de la moitié du concert et la deuxième partie est donc plus électrique.
Yann Arribard : C'est comme si vous étiez assis au coin du feu, c'est une sorte de veillée, c'est ça ?
Jean-Jacques Goldman : C'est un peu ça oui, parce qu'on est très prêt les uns des autres, les musiciens et moi.
Yann Arribard : Est-ce que cela ressemblerait plutôt à un de vos concerts passés au New Morning à Paris ?
Jean-Jacques Goldman : Un peu ça oui, ou aux concerts « unplugged » qu'on a vus.
Yann Arribard : Et de quelle manière choisissez-vous l'ordre des chansons ?
Jean-Jacques Goldman : En général, le répertoire est centré sur l'album qui vient de sortir et disons que l'image, l'ambiance générale du concert, que ce soit sur le plan visuel, va beaucoup dépendre des chansons de ce dernier album. Là, il y a 9 chansons de l'album « En passant » et donc on choisit les autres, les anciennes un peu en fonction de ça. Voilà, et on part sur une première liste avec en général 4 ou 5 chansons en plus qui disparaissent naturellement en fonction des enchaînements...
Yann Arribard : Est-ce que vous avez toujours autant de plaisir à chanter les anciennes chansons ?
Jean-Jacques Goldman : Ouais, ouais. Et quand je les ai trop chantées, je ne les mets plus dans le répertoire.
Yann Arribard : Et est-ce qu'il y a certaines de vos chansons qui vieillissent mal ?
Jean-Jacques Goldman : Sûrement, sûrement. Ou alors qui ne s'adaptent plus à la couleur du concert alors je les réarrange, c'est une occasion de les revisiter.
Yann Arribard : Moi, j'aimerais savoir si vous cherchez à répondre aux attentes du public ou si alors plutôt avant tout à vous faire plaisir et à jouer vos nouvelles chansons...
Jean-Jacques Goldman : Bon, je fais la liste et puis je dis celle-ci, oui, celle-ci, non. Pourquoi je dis celle-ci, oui, et celle-ci, non, il y a beaucoup de choses inconscientes là-dedans. Il y a mon plaisir à moi mais aussi probablement le plaisir des autres. On le sent très très vite quand un chanson fait plaisir aux gens ou quand ils n'ont pas envie de l'entendre.
Yann Arribard : Si je comprends bien, il y a un vrai retour du public. Comment se manifeste ce retour ?
Jean-Jacques Goldman : L'attention des gens est extrêmement palpable sur scène donc je le sens très très vite. Il m'est arrivé de supprimer certaines chansons alors qu'on avait fait déjà 5 ou 10 concerts parce qu'elles ne marchaient pas et là encore, on s'est posé la question sur 2 ou 3.
Yann Arribard : Sans aucune promotion, sans quasiment d'affichage, vous arrivez à doubler voire même tripler certaines dates. Ça vous surprend ça ?
Jean-Jacques Goldman : Il faudrait être fou pour ne pas être surpris ! Bien sûr, ça surprend mais ça fait plaisir.
Yann Arribard : On vous sait très perfectionniste. Vous êtes même allé sur cette tournée jusqu'à vous occuper du design des billets.
Jean-Jacques Goldman : Mais on est une espèce d'équipe, avec mon frère, avec Alexis qui travaille avec nous... On aime bien s'amuser. Ça nous fait vraiment plaisir de faire ce métier-là. Et ça fait depuis ma première tournée où j'ai eu des billets spéciaux parce que je me dis que le billet, c'est le premier contact que j'ai avec les gens. Et moi, je me souviens de l'importance du billet lorsque j'allais voir un concert. J'ai jamais été collectionneur mais je comprends très bien que des gens collectionnent des billets ou des backstages comme des souvenirs. Voilà donc, ça c'est pas de cette année. La dernière fois, le billet était une étoile qui était assez jolie. Donc c'est presque un a priori pour nous. Sur la prochaine tournée on se dira : « bon, qu'est-ce qu'on fait, quel genre de billet on fait cette fois-ci ? ».
Yann Arribard : Pour ceux qui nous écoutent et qui bien sûr ne le voient pas, comment est ce billet ?
Jean-Jacques Goldman : C'est comme un négatif de photos avec un petit hologramme dessus, des choses comme ça.
Yann Arribard : Est-ce qu'en tournée aussi vous avez toujours votre fameux petit carnet Clairefontaine sur lequel vous notez tout ?
Jean-Jacques Goldman : Oui, oui, bien sûr.
Yann Arribard : Et est-ce que vous pensez à l'écriture, peut-être pas dans le carnet, pendant que vous êtes en tournée ?
Jean-Jacques Goldman : Pas tellement. Je devrais le faire justement. J'ai un texte à écrire pour Carole Fredericks et j'ai beaucoup de mal à le faire. Comme je vous le disais au début, la tournée c'est vraiment un endroit agréable parce qu'on est dans l'action et pas dans la conception. Il va falloir que je le fasse pour des histoires de planning à elle mais c'est pas du tout naturel pour moi de travailler en tournée.
Yann Arribard : En parlant de travailler, il y a quand même les Restos du Cœur, le nouvel album de Céline Dion. Vous êtes infatigable.
Jean-Jacques Goldman : J'arrête pendant la tournée et la tournée est extrêmement reposante justement !
Yann Arribard : Dites-moi, votre motivation, comment la gardez-vous intacte ?
Jean-Jacques Goldman : Franchement je ne la cherche pas, elle est là. On me propose une chose, ça m'excite, ça m'intéresse. Et voilà, je pars dessus. Franchement, on n'est pas à plaindre. Je fais que des choses vraiment très intéressantes.
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