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Tant de rêves en partage
(Livres de partitions "En passant", juin 1998)

Tant de rêves en partage
Livres de partitions "En passant", juin 1998
Paul Ferrette
Retranscription de Jean-Michel Fontaine

C'était en 1967. A Montrouge. Une date et un endroit que nous n'oublierons jamais !

Lorsque, en passant par là, il est entré, nous étions en pleine répétition. Répétition morose, ce jour-là nous n'avions pas la pêche ! Et pourtant, Jean-Jacques, lui, trouva cela intéressant ; il resta un long moment à nous écouter.

Le dimanche suivant, même heure, même local paroissial, et l'effervescence à l'heure de monter et brancher le matos. Et en plus, une jubilation nouvelle car Jean-Jacques était revenu et, avec l'accord du curé des lieux, de simple passant il devint organiste titulaire de notre Groupe.

Nous ne nous doutions pas encore des incidences qu'aurait cette visite impromptue sur notre avenir. Car c'est ce dimanche qu'insidieusement commença notre dérive : du religieux au gospel, puis du gospel au blues, et enfin du blues au rock.

Le plus surprenant, c'est qu'à cette époque personne autour de nous ne parut s'étonner de ce glissement. Pas même le curé qui aurait pu freiner notre ardeur peu... orthodoxe à animer des messes où de plus en plus de jeunes du quartier venaient comme à un concert. A bien y réfléchir, je soupçonne ce prêtre d'avoir eu un goût marqué pour le côté feeling, blues, de cette musique. Et de 1'apprécier au point d'espérer qu'en touchant la carte sensible des jeunes de sa paroisse, elle aurait le pouvoir d'exalter leurs aspirations les plus nobles.

En tout cas, c'est lui qui créa la surprise, un dimanche, après une messe au bouquet final très électrique, très rock, en venant nous proposer tout de go de nous avancer l'argent pour faire un disque "Si cela vous tente, dit-il !". Si cela nous tentait ? Malgré notre stupéfaction, nous avons réussi, à 1'instar d'adultes réclamant un délai de réflexion, à nous imposer une apparence de flegme. Le temps de foncer au local, de 1'autre côté de la rue. Et là, une fois la porte refermée, notre joie a explosé dans un délire, tant verbal que gestuel, ponctué de rires.

Cet épisode fait partie des moments culminants de notre vie d'artiste, gravés à tout jamais dans la mémoire et le coeur.

Peu de temps après, nous sommes donc allés enregistrer ce fameux disque vinyle des Red Mountains Gospellers. Jean-Jacques y jouait de la guitare acoustique, de l'harmonica, et de l'orgue, tout en participant au choeur. La composition du groupe était complète : un lead vocal et guitare, une guitare d'accompagnement 12 cordes, un orgue, un harmonica, un bassiste, un batteur et trois choristes.

Le contrat passé avec notre curé prévoyait l'animation de quelques messes, ici ou là, pour vendre notre disque - ce disque fabuleux ! - et rembourser la somme empruntée. Cet arrangement nous convenait car il sous-entendait que, d'accord sur le principe, nos parents ne pouvaient limiter ni interdire nos répétitions ou nos concerts dans les églises. Nous étions en quelque sorte en contrat avec le Bon Dieu, via son serviteur direct, notre très cher curé.

Ainsi, d'église en église, nous avons porté cette musique qui était la nôtre, vivant à partir de ce fameux vinyle notre première expérience de groupe.

Mais toutes les belles histoires ont une fin. Et vint le moment où il fallut se séparer pour que chacun, à sa manière, selon sa personnalité et son style, poursuive son évolution musicale.

Jean le batteur, Jean-Jacques à la guitare, et moi à la basse, nous avons décidé de monter un groupe plus blues, rock, pop... Avec un gros son, une batterie au tempo en béton, des sons de guitare à la Hendrix ou la Led Zeppelin. Evidemment, il nous manquait un chanteur et un organiste. Mais forts d'une foi consolidée d'une messe à l'autre, notre optimisme restait inébranlable. A juste titre, puisque ceux-ci arrivèrent un samedi à la répétition, ce moment-culte dont dépendait le climat de toute la semaine -. en effet, l'absence de répétition sapait notre moral, huit jours mous et gris, dans le brouillard. C'était ainsi... déjà, la musique était notre drogue.

Les deux nouveaux - Christian, le plus jeune qui se disait chanteur, et son frère Alex, organiste - furent donc conviés à jouer avec nous quelques bons vieux morceaux, des standards, et pourquoi pas, une impro sur une grille blues. Bien, très bien ! Nous étions contents les uns des autres. Cette excellente impression scella le groupe - Le Phalanstère - désormais au complet pour se préparer au concours du Tremplin du Golf Drouot.

C'est au cours de cette période que Jean-Jacques s'imposa par ses qualités, notamment sa volonté et son sens de l'organisation.

A son avis, la voix de Christian, le chanteur, était trop claire. Cela l'ennuyait. Et nous aussi, car avec sa force de conviction naturelle. il ne tarda pas à nous persuader qu'il avait raison. Christian entreprit de casser sa voix, par exemple en hurlant le soir dans le métro jusqu'à couvrir le bruit des machines, ou provoquer un enrouement en s'exposant aux courants d'air. Un professeur l'aurait sans doute encouragé : "Beaucoup d'efforts, élève obstiné. Intéressant. A suivre...". Le résultat fut en effet intéressant et, peu à peu, la voix de Christian devint plus épaisse, plus éraillée, plus grave. Super ! Cette voix chaude et bluesy, nous l'aimions tous, et finalement le chanteur aussi.

Son sens de l'organisation, Jean-Jacques l'affirma d'emblée en nous suggérant de partir huit jours tous ensemble pour travailler et monter notre premier répertoire, et être en mesure de proposer des concerts d'au moins une heure et demie à deux heures. Coup de chance, les parents du batteur nous prêtèrent leur maison en Normandie le temps des vacances scolaires. Rien ne s'opposait plus à notre projet.

Je me souviens peu des paysages, et pour cause... A part une promenade, nous avons fait essentiellement de la musique. Nuit et jour. Le matériel occupait le rez-de-chaussée et restait monté en permanence, ce qui nous permettait de démarrer à toute heure. Nous avons énormément travaillé, certes pas sur des devoirs d'anglais ou d'histoire/géo comme pouvaient l'imaginer nos parents, mais ce fut vraiment un travail acharné. Aucune concession, aucun cadeau. Pour chaque morceau, nous allions au bout de nos exigences. Et tant que quelque chose, ne fût-ce qu'un détail, nous chagrinait, nous reprenions jusqu'à en être totalement satisfaits.

Aboli le rythme du temps. Sans horloge, plus de jour plus de nuit. Uniquement les indispensables moments de repos. Dormir et, sitôt réveillés, engloutir un copieux petit déjeuner et... foncer, encore en pyjama, sur le matériel. Et un, deux, trois... c'était reparti pour des heures. Je me souviens encore de l'odeur particulière que dégageaient les amplis restés tellement longtemps sous tension.

Quel plaisir de voir notre répertoire s'enrichir au fil des jours ! Et de nous imaginer jouant deux heures d'affilée ! Comme les grands. Comme de vrais musiciens. Enchaîner les morceaux, les solos pour tenir la scène et maintenir l'ambiance : tel était notre cahier des charges, et nous avons réussi à le tenir.

Le huitième jour, nous étions prêts pour deux grandes heures de musique. Cela tournait, rond, le son était gros, les tempos super. Et la voix du chanteur de plus en plus cassée, de plus en plus chaude.

En avant pour les concerts, les M.J.C., les "boîtes" en province. Et enfin le lieu où nous allions nous frotter aux meilleurs groupes du moment : le Golf Drouot et son Tremplin.

Nous nous y sommes inscrits. Nous l'avons fait et... nous l'avons gagné !

Voilà… C'était juste quelques souvenirs, de ces souvenirs qui, dès qu'ils vous reviennent, déclenchent en vous une tempête de bonheur, et que je remuais en attendant Erick Benzi et Jean-Jacques Goldman pour l'interview de ce nouvel album "En passant".

De 1967 à 1997… plus de trente ans, déjà !

Paul Ferrette


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