L'histoire de "Pour que tu m'aimes encore"
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L'histoire de "Pour que tu m'aimes encore"
Réseau France Bleu, octobre 1998
Propos recueillis par Valérie Alamo
Retranscription de Delphine Roger
Valérie Alamo : Je voudrais savoir, Jean-Jacques Goldman, s'il y a une petite histoire autour de "Pour que tu m'aimes encore" ou alors si c'était une chanson comme une autre au départ ?
Jean-Jacques Goldman : La petite histoire, c'est que c'était une chanson comme une autre au départ. C'est-à-dire que quand on fait une dizaine, une douzaine de maquettes, on a des préférées. Il y a certaines chansons dont on pense qu'elles vont avoir plus de succès que d'autres. Celle-ci n'en faisait pas partie pour moi. J'attendais plus des chansons comme "J'attendais", ou "La mémoire d'Abraham", des choses comme ça. Par contre, quand j'ai joué en maquette pour la première fois à Céline et à René, son mari, eux ont tout de suite ressenti quelque chose sur cette chanson que je ne comprenais pas, à un point que je trouvais presque étrange, parce qu'ils me disaient que ce serait sûrement le premier titre et également le titre de l'album, "Pour que tu m'aimes encore". Et je ne comprenais pas du tout pourquoi. Eux avaient donc senti quelque chose sur cette chanson que moi je n'ai pas senti.
Valérie Alamo : Est-ce qu'ils avaient senti justement que les paroles collaient très bien à la personnalité de Céline Dion ?
Jean-Jacques Goldman : Je pense qu'ils n'avaient pas analysé. La première fois, on était dans un petit studio. Je passais les maquettes et je chantais comme ça, sans micro, juste à côté d'eux, avec le texte à la main. J'en ai chanté douze pour leur montrer, et quand je me suis retourné vers eux après cette chanson, ils étaient particulièrement émus, et je ne comprenais pas trop pourquoi.
Valérie Alamo : Comment s'est passée l'écriture de la chanson elle- même ?
Jean-Jacques Goldman : La première chose qui est venue, c'est le thème. Je connaissais peu Céline mais j'avais lu tout ce qu'elle disait dans les interviews, je voyais son caractère se dessiner peu à peu, et je savais que c'était quelqu'un d'extrêmement entier sur le plan amoureux, un peu classique, comme ça… Pour une jeune fille, je trouvais que c'était quelque chose qui lui était très particulier et donc j'ai eu envie d'écrire sur ce thème de l'amour absolu, de la fille qui ne zappe pas, qui ne rigole pas avec les sentiments amoureux, qui ne badine pas. Il y a eu d'autres thèmes avant comme ça. "Pour que tu m'aimes encore" est arrivée après, avec les notes, puisqu'au début, c'est le thème, et puis les mots viennent avec les notes.
Valérie Alamo : Dans les chansons que vous donnez aux interprètes féminines, on a l'impression que vous dressez souvent un portrait pas très reluisant de l'homme. Les femmes sont toujours très clairvoyantes. Que ce soit pour Céline Dion, ou dans la chanson "Il part" pour Carole Fredericks, ou dans la dernière de Patricia Kaas, la femme est lucide, elle voit tous les travers de l'homme. Comme c'est un homme qui écrit, c'est assez perturbant. Est-ce que c'est une façon de remettre les pendules à l'heure ?
Jean-Jacques Goldman : C'est une façon de mettre les pendules à mon heure. Je vois tout ça. Je crois que les femmes sont beaucoup plus cohérentes, beaucoup plus sûres, beaucoup plus fiables, beaucoup plus raisonnables, beaucoup plus courageuses, incontestablement. Même sur le plan social, moins les femmes ont de pouvoirs dans des sociétés et plus ces sociétés sont violentes, injustes… C'est extrêmement clair dans l'Histoire. Plus les femmes ont du pouvoir et plus ces sociétés sont tendres, évoluées. Clemenceau disait que la guerre était quelque chose de beaucoup trop sérieux pour la laisser à des militaires, moi je trouve que la vie est quelque chose de beaucoup trop sérieux pour la laisser à des hommes [rires].
Valérie Alamo : Est-ce qu'il y a un vers que vous préférez dans la chanson "Pour que tu m'aimes encore", une phrase qui vous fait toujours autant d'effet, puisque je suppose que vous êtes un petit peu dépossédé de la chanson, vu le succès qu'elle a obtenu ?
Jean-Jacques Goldman : J'aime bien "On me dit qu'aujourd'hui, on me dit que les autres font ainsi / Je ne suis pas les autres" [rires].
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