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Goldman croit en Dion
(Télémoustique N°48, 18 novembre 1998)

Goldman croit en Dion
Télémoustique N°48, 18 novembre 1998
Jean-Luc Cambier
Retranscription de Jean-Michel Fortier

En l'absence de Michael Jackson, excusé, Céline Dion est devenue l'artiste la plus populaire du globe. S'il existait encore des voix pour la contester, Jean-Jacques Goldman se charge, en personne, de les désarmer.

Quand, en 1995, Goldman fournit à Céline Dion "D'eux" qui devait se vendre à plus de quatre millions d'exemplaires, record absolu pour une production francophone, la Québécoise a déjà une solide carrière américaine. Une plaisanterie comparé à ce qui devait suivre : 18 millions pour "Let's talk about love" et 24 pour "Falling Into You".

Invariablement, tous les dix mois, tombe un album. Et il n'aura fallu que dix semaines pour passer de "S'il suffisait d'aimer" à l'album de Noël, "These are special times". Une domination aussi intensive n'a pas de précédent. Le profil plus émotionnel tracé par Goldman en acquiert un relief inédit, quasi insoupçonnable. A l'heure où Dion annonce qu'après sa tournée estivale elle mettra cette fois neuf mois à faire un bébé, portrait de la diva.

Télémoustique : Vous avez la réputation d'écrire sur mesure pour les autres. Dans On ne change pas, on trouve une petite fille maigre à Charlemagne, du maquillage qui la fait disparaître, un geste qui trahit qui l'on est. C'est Céline Dion ?

Jean-Jacques Goldman : C'est exactement cela, mais Céline n'est pas du tout dupe. Quand on la connaît un peu, on voit la diva et puis aussitôt la petite fille de Charlemagne qui n'a aucune confiance en elle. Ces mots sont venus en la regardant, en la voyant diva, extrêmement maquillée, puis tout à coup, elle lâche une parole ou montre une inquiétude qui prouve qu'elle n'a pas changé.

Télémoustique : Est-il facile de lui faire chanter cette fragilité ?

Jean-Jacques Goldman : Je lui ai posé la question parce que "petite fille ingrate et solitaire", toutes les chanteuses ne sont pas forcément prêtes à se souvenir de ça. Mais elle le revendique et en est même très touchée.

Télémoustique : De manière générale, est-il plus difficile de diriger pour "S'il suffisait d'aimer" celle qui est devenue la chanteuse la plus populaire au monde?

Jean-Jacques Goldman : Non, le plus étrange était le premier album car je n'avais de rapport qu'avec sa voix. Je ne connaissais pas sa personnalité. Je m'attendais au pire mais j'ai eu plutôt de bonnes surprises. Comme beaucoup de musiciens, Céline est très humble. Johnny Hallyday, par exemple, je commence des chansons avec lui et je le vois mal à l'aise. Je me demande ce qui se passe jusqu'à ce que je comprenne qu'il faut faire sortir du studio deux ou trois personnes qui l'intimident. Et il a quarante ans de métier! A la première tournée des Enfoirés, il y avait Véronique Sanson, Sardou, Eddy Mitchell et moi. Johnny n'est jamais arrivé à la première répétition. En chemin, il s'était arrêté à tous les bars parce qu'il avait peur de chanter devant nous ! Céline fait partie de ça. Elle n'a pas forcément peur mais n'est pas sûre d'elle et reste extrêmement à l'écoute de ce qu'on lui dit. J'ai travaillé une fois avec Ray Charles. Je lui ai dit quelque chose et il me répond "non, c'est comme ça". On se tait évidemment. Céline n'a pas ces réactions.

Télémoustique : Le succès de Céline Dion est tel que les critiques sont timides mais on lui reproche d'avoir davantage de technique que d'émotion dans son chant.

Jean-Jacques Goldman : On va dire que je suis partial mais je suis totalement d'accord pour les disques américains. Sur les disques français, je crois qu'il y a chez nous, francophones, un attachement aux mots et donc au personnage qui est fondamental et qui biaise le jugement. Plus qu'un malaise vis-à-vis de sa façon de chanter, il y a un malaise devant ce qu'elle est. Son personnage extraverti, tellement américain, finit par irriter. Ce que je peux comprendre, qu'on la connaisse ou pas, d'ailleurs. On finit par avoir du mal à la croire quand elle chante. Dans une chanson, il y a la musique, le texte, les arrangements, la voix mais aussi l'image de l'interprète. Michel Jonasz dit dix fois de suite "je veux pas que tu t'en ailles" et on est bouleversé. Avec le même texte, un autre nous semblera ridicule, ou simplement pas crédible.


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